Merci de cette invitation. Dès l'annonce d'une réforme sur le droit d'asile, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes a décidé de s'autosaisir de cette question. En effet, certains de ses membres nous ont alertés sur le fait que la concertation organisée par le ministère de l'intérieur n'ait pas associé les représentants des associations oeuvrant spécifiquement en faveur du droit d'asile des femmes. Au surplus, la commission que je préside a fait le constat que l'asile est aujourd'hui un phénomène mixte, puisque, dès 2013, la proportion de femmes parmi les demandeurs d'asile était de près de 40 % et une proportion équivalente obtenait le statut de réfugiée. En la matière, les types de violences sont tout à fait spécifiques. Il s'agit des violences de genre, des persécutions liées à l'orientation sexuelle, des persécutions liées à l'expression de convictions féministes ou à un combat en faveur du droit des femmes, mais aussi de la traite des êtres humains et des violences familiales ou exercées par des réseaux.
Ce phénomène sexué n'est pas encore appréhendé en tant que tel par l'ensemble de la chaîne du droit d'asile. Néanmoins, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) s'est saisi de ces questions, en particulier au regard de la formation de ses officiers.
Nous considérons que le projet de loi en l'état ne permettra pas de mettre fin à l'hétérogénéité des pratiques en termes d'accueil, d'accompagnement et d'examen des demandes. Cette hétérogénéité est manifeste au regard du genre puisque, à défaut de formations communes et de référentiels communs, les différentes étapes de la chaîne du droit de l'asile traitent des questions identiques de manière différente – je pense notamment aux mutilations sexuelles.
Au HCEfh, nous constatons en outre que le projet de loi ne fait allusion aux textes communautaires qu'il s'agit de transposer que de manière incidente. Or ces directives traitent précisément de la thématique du genre et de l'égalité femmes-hommes.
Aussi avons-nous rédigé sept observations et sept recommandations, déclinées en propositions d'amendement, qui figurent dans le document que nous vous avons distribué.
La première observation porte sur les références aux dispositions communautaires. Le Haut Conseil observe que, bien que le projet de loi ait notamment pour objet d'adapter le droit français aux dispositions communautaires en matière de droit d'asile, les références aux directives « accueil », « procédure » et « qualification » sont à la fois limitées et peu explicites dans le texte. En particulier, ni la référence explicite des textes communautaires à la possibilité pour le genre de constituer un motif d'appartenance à un groupe social au sens de la Convention de Genève, ni les références exhaustives aux situations de vulnérabilité relevant du genre ou de l'orientation sexuelle, ne sont reprises dans le projet de loi.
Notre deuxième observation concerne l'enregistrement des demandes. Le HCEfh considère que le maintien de l'enregistrement des demandes d'asile en préfecture aboutira à maintenir l'hétérogénéité des pratiques, si bien que ne seront pas garanties, lors du premier accueil, les conditions égales d'information. Or cette hétérogénéité est particulièrement préjudiciable au premier accueil des personnes vulnérables, tout particulièrement les femmes, et, plus largement, à l'égal traitement des demandeurs et des demandeuses d'asile.
La troisième observation a trait à l'accueil des demandeurs et demandeuses et à l'établissement des situations de vulnérabilité. La mission d'accueil confiée par le projet de loi à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) inclut la détermination des besoins des demandeurs et demandeuses d'asile au regard des situations de vulnérabilité, mais sans que soient précisées les conditions dans lesquelles ces dernières sont établies, notamment au regard du genre.