Intervention de Cécile Sportis

Réunion du 7 octobre 2014 à 14h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Cécile Sportis, rapporteure sur l'asile :

Au sens de la Convention de 1951 sur les réfugiés, les actes de torture – perpétrés par un État ou un pouvoir organisé – sont considérés comme une cause intrinsèque du droit à l'asile. Or les violences subies par les femmes peuvent être d'ordre familial et relever d'une organisation sociétale, d'une forme de patriarcat. Lors de la création des groupes pour l'abolition des mutilations sexuelles, des mariages forcés et autres pratiques traditionnelles néfastes à la santé des femmes et des enfants (GAMS) en 1977-1978, à laquelle j'ai contribué, l'OFPRA a refusé l'accueil de jeunes femmes au prétexte que les violences qu'elles subissaient étaient d'ordre privé. Je rappelle qu'en 1934, lorsque René Cassin alerta la Société des Nations sur la situation des Juifs en Allemagne, on lui répondit la même chose : que c'était l'affaire de l'État allemand.

La Convention de 1951 visait initialement à protéger les réfugiés politiques, donc des hommes blancs, éduqués et en mesure d'exprimer des opinions politiques. Aujourd'hui, la situation s'est diversifiée et nous devons prendre en compte les vulnérabilités liées au genre.

En outre, le projet de loi peut générer des effets pervers au regard de la situation des femmes et des personnes aux pratiques sexuelles différentes.

Au surplus, ce texte revêt une dimension très bureaucratique, alors que les femmes très vulnérables sont souvent illettrées et que toutes ne seront pas assistées d'un conseil.

Aussi notre quatrième observation porte-t-elle sur l'hébergement des demandeurs et demandeuses d'asile. L'hébergement dirigé risque de ne pas être favorable à la situation des femmes, d'abord, parce qu'il n'est pas certain que des associations spécifiques se trouveront sur place pour accompagner ces femmes, ensuite, parce que les délais risquent d'être rallongés.

Notre cinquième observation concerne les conditions de l'entretien et du recueil des récits de souffrance. Certes, les victimes devront être accompagnées par des conseils, mais il est également très important que les personnes qui procéderont au premier accueil soient formées pour savoir poser les bonnes questions, faute de quoi certaines choses resteront tues. Les femmes violées en Croatie n'ont pas pu parler de leur calvaire pendant des années, car c'était une honte pour la famille, une honte pour leur pays, mais à partir du moment où elles ont été accueillies dans une pièce avec des femmes d'autres nationalités ayant subi les mêmes traitements, elles ont commencé à se confier.

Notre sixième observation a trait à la présence d'un tiers lors de l'entretien. Actuellement, seules les grandes associations, telles France terre d'asile et la Cimade, sont mentionnées. Nous souhaitons qu'une disposition prévoie la possibilité pour un demandeur ou une demandeuse d'asile présentant une demande liée au genre ou à l'orientation sexuelle de solliciter la présence d'un représentant d'une association spécialisée, comme les GAMS.

Notre septième et dernière observation porte sur l'étude d'impact. Le HCEfh constate que l'étude d'impact annexée au projet de loi, bien que comprenant quelques paragraphes sur l'impact possible de cette réforme sur les femmes, est quelque peu laconique, faute de données statistiques sexuées et d'analyses genrées sur ces sujets. À cet égard, nous regrettons que notre rapport issu des auditions organisées par le Conseil d'État et France terre d'asile ne soit pas annexé à celui de Mme Valérie Létard et de M. Jean-Louis Touraine.

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