Cet amendement conduit à un débat sur le fond qui ne sera peut-être pas tranché ce soir mais que j’aimerais ouvrir devant notre assemblée.
La France a la particularité de faire partie des trois pays européens à rendre obligatoire le quotient conjugal. Lorsque nous sommes mariés ou pacsés, nous n’avons pas le choix : nous devons déclarer nos revenus ensemble. Or des études récentes montrent que c’est défavorable au travail des femmes, parce que la reprise du travail peut entraîner des impôts supplémentaires. Certaines femmes peuvent donc être ainsi empêchées de reprendre le travail.
La délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale s’est penchée sur la question mais c’est une note du Conseil d’analyse économique de la semaine dernière qui le dit très clairement : « La fiscalité française contient un élément connu qui contribue à l’inégalité entre les hommes et les femmes : le quotient conjugal. » L’OCDE indique, pour sa part, que nous sommes l’un des derniers pays à pratiquer cette imposition commune et qu’une imposition séparée serait de nature à favoriser significativement l’entrée des femmes sur le marché du travail.
Cet amendement a donc pour objet non de supprimer le quotient conjugal, ce serait trop rapide, trop brutal, mais de laisser le choix aux ménages : veulent-ils ou non une imposition commune ?
Je regrette que M. de Courson ne soit pas là, parce que nous sommes dans le domaine de sa grande théorie. Nous avons des finances familialisées depuis la fin de la guerre. C’était l’époque où l’homme était le chef de famille, était l’apporteur de budget, et où la femme restait plutôt au foyer. Une politique familialiste et nataliste avait cours. Mais nous sommes maintenant dans un autre temps et ce dispositif est finalement favorable aux ménages les plus aisés, mono-actifs et sans enfants. Les 10 % de ménages les plus aisés perçoivent 75 % de l’avantage fiscal, et cela peut leur rapporter jusqu’à 1 000 euros par mois !
Je pense qu’il faudrait au moins, à défaut de supprimer le quotient conjugal, permettre une option.
Je terminerai avec un principe : ce n’est pas à la législation fiscale de récompenser ou de pénaliser les différentes formes de vie familiale. Aujourd’hui, nombre de personnes vivent seules, en union hors mariage, en familles recomposées ou monoparentales, sont célibataires et ne bénéficient pas du quotient conjugal. Ce n’est pas aux services fiscaux de dire que les individus doivent ou ne doivent pas vivre de telle façon, et qu’ils paieront plus d’impôts dans un cas que dans un autre.
Je voudrais donc, au nom de l’égalité entre les femmes et les hommes et pour faciliter le travail des femmes, permettre cette individualisation qui pourrait constituer en outre une étape sur la voie d’une retenue de l’impôt à la source.