Intervention de Clotilde Valter

Réunion du 13 novembre 2012 à 16h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClotilde Valter, rapporteure pour avis :

Je vous remercie M. le président. La BPI est en effet, mes chers collègues, l'un des projets les plus importants de la législature. Il concerne le redressement productif, il s'inscrit dans la bataille pour l'emploi et il est l'un des moyens du rééquilibrage de notre balance commerciale.

La création de la BPI répond à un triple objectif. Le premier est de s'appuyer sur ce qui existe déjà et qui fonctionne – Oséo, le FSI, le crédit d'impôt recherche –, mais pour mutualiser les moyens existants et provoquer ainsi un puissant effet de levier. Le deuxième est de pallier les défaillances du marché. Le troisième est d'offrir un bouquet de services aux entreprises en assurant une meilleure coordination entre l'action de l'État et celle des régions.

Le rôle des parlementaires me semble crucial car le texte est actuellement trop dépouillé. L'examen du Conseil d'État et le fait que les dispositions opérationnelles – fort nombreuses et qui méritent d'être discutées entre nous – n'aient pas de valeur législative expliquent cette situation, notamment au regard de l'article 1er. Toutefois, la loi doit donner à cette nouvelle structure les moyens d'atteindre les buts qui lui sont fixés.

La BPI sera un groupe public dont les actionnaires seront, à parité, l'État et la Caisse des dépôts et consignations – la CDC. Elle reposera sur deux filiales qui exerceront deux activités séparées : BPI Financement reprendra les activités d'Oséo et BPI Investissement sera constituée de l'ancien FSI et de CDC Entreprises. Le risque d'une telle structure est de refaire ce qui existe déjà et de ne pas remplir les missions ayant justifié sa création.

C'est la raison pour laquelle trois axes doivent être approfondis afin de permettre le succès de la BPI.

En premier lieu, notre ambition pour la BPI doit être précisée et la rédaction de l'article premier du projet de loi amendée en ce sens. Il faut d'abord que l'emploi figure dans le texte alors qu'il en est actuellement absent. Le champ des entreprises couvertes doit être défini, en faisant explicitement référence aux très petites entreprises (TPE), aux petites et moyennes entreprises (PME) et aux entreprises de taille intermédiaire (ETI). Ces dernières se situent au coeur de la démarche à l'origine de la création de la BPI, qui s'inspire du dispositif allemand dans lequel les ETI jouent pleinement leur rôle dans le développement de l'activité économique et de l'emploi. Le stade de la vie des entreprises où la BPI interviendra doit également être spécifié. Le texte du Gouvernement évoque la création, le développement, l'innovation et l'internationalisation des entreprises ; nous vous proposons d'introduire également la transmission, tout aussi cruciale pour les entreprises. C'est en revanche délibérément que le texte ne mentionne pas les domaines d'intervention privilégiés, les filières et les secteurs car, outre qu'ils ne relèvent pas du domaine de la loi, il s'agit d'éléments qui peuvent s'avérer temporaires. De plus, leur énumération ne saurait être exhaustive. Mais nous aurons l'occasion d'en débattre.

En deuxième lieu, s'agissant de la gouvernance de la BPI – un sujet délicat –, elle sera dirigée par un conseil d'administration de quinze membres – la taille efficace pour une telle structure. J'y aurais volontiers fait entrer les représentants des employeurs et des salariés, mais j'avoue ne pas avoir trouvé de solution pour le moment qui puisse, dans le même temps, respecter les contraintes d'efficacité et la nécessité d'y assurer la prépondérance des actionnaires.

En troisième lieu, il est important que la voix de l'État porte. La BPI, un des projets importants de la législature, est une banque publique et elle ambitionne de faire autre chose que ce qui s'est fait jusqu'à présent. Aussi ne me semble-t-il pas suffisant que les quatre représentants de l'État soient de classiques directeurs d'administration centrale. Je vous proposerai donc un amendement pour que le directeur général de la BPI figure d'office parmi les représentants de l'État au lieu d'être nommé sur le contingent des personnalités qualifiées. Le Gouvernement devra d'ailleurs veiller à ce que ces personnalités qualifiées soient non seulement compétentes techniquement, mais également capables d'incarner le projet politique.

Quant au comité d'orientation – qui se substitue au comité stratégique attaché à d'autres conseils d'administration –, il sera composé de vingt et un membres représentant les organisations syndicales de salariés, les employeurs, les régions et les grands secteurs industriels. L'on peut regretter qu'il ne puisse formuler que des avis que le conseil d'administration ne sera pas tenu de discuter.

En dernier lieu, le Parlement devra être le garant de la mise en oeuvre du projet. Pour ce faire, j'ai rédigé un amendement pour que le pacte d'actionnaires et la doctrine d'intervention de la banque soient discutés par le Parlement avant leur adoption – qui interviendra immédiatement après la mise en place de la banque – par le conseil d'administration. Le pacte d'actionnaires doit nous être soumis pour une autre raison : certaines situations exigeront de prendre des risques particuliers. Or la tradition fait que le modèle prudentiel de la CDC est particulièrement rigoureux. Celui de la BPI devra donc s'en inspirer – car elle engagera l'épargne des Français – mais il devra aussi lui permettre de remplir sa mission.

Des auditions que j'ai conduites, je tire certains enseignements sur les aspects opérationnels du dispositif. Ils ne sont pas du ressort de la loi mais ils sont essentiels pour que la banque respecte son mandat. Et, lors du débat parlementaire, le Gouvernement devra nous préciser ses conceptions en la matière.

Le mécanisme de création de la banque est compliqué puisque l'intégration s'effectuera en au moins deux temps et nécessitera un second projet de loi : Oséo, CDC Entreprises et le FSI d'abord, la COFACE et Ubifrance ensuite. Les auditions n'ont pas permis de comprendre l'utilité d'une telle démarche même si le statut de certains personnels – notamment ceux de la COFACE – peut l'expliquer à défaut de la justifier.

Le fonctionnement de la BPI reposera sur des structures existantes et un équilibre devra donc être trouvé entre les acquis et les nouvelles missions. La première filiale – constituée de l'ancien Oséo – s'occupera des prêts et la seconde sera dédiée aux fonds propres. Cette stricte séparation des deux activités de la banque constitue une garantie fondamentale et tire les leçons des expériences passées – celle du Crédit lyonnais, par exemple. Toutefois, le projet de loi est silencieux sur l'exercice de la fonction de synthèse et de coordination. Les auditions laissent penser que le directeur général de la BPI en serait chargé, aidé dans cette tâche par une organisation qui n'est pas encore arrêtée. Qu'une telle responsabilité pèse sur une seule personne mérite un débat entre le Parlement et le Gouvernement.

Sur la place des régions, des ambiguïtés subsistent. Le compromis signé entre le Premier ministre et l'Association des régions de France – l'ARF – se retrouve dans le texte de ce projet de loi. Pourtant, les préoccupations des uns et des autres demeurent et une clarification est urgente. Avec deux représentants au conseil d'administration, et deux autres au comité d'orientation, dont le président, les régions trouveront toute leur place dans le dispositif central. En revanche, localement, le comité régional d'orientation aura bien à sa tête le président de la région, mais sa composition reste encore floue puisqu'un décret en énumérera les membres ès qualités. Ainsi, le président de la région d'Ile-de-France, auditionné au titre de l'ARF, nous a fait part de son refus de voir le préfet et les représentants de l'État figurer dans ce comité – alors que leur présence est prévue – au motif que la loi de décentralisation aurait transféré aux régions la totalité des fonctions assurées par l'État en matière de développement économique et d'emploi. Je ne partage pas ce point de vue mais il faut régler la question car elle est importante.

À l'issue de la trentaine d'auditions que nous avons donc organisées, l'accueil réservé à la BPI a été bon dans l'ensemble, de la part des institutionnels comme des organisations syndicales, mais les espoirs qu'elle suscite doivent cependant être cadrés afin que les attentes ne soient pas démesurées.

Selon leurs représentants, les personnels des structures qui vont être intégrées à la BPI n'ont pas été associés à l'élaboration du projet. Des inquiétudes s'expriment donc sur les conséquences que la création de la BPI pourrait faire porter sur l'emploi en raison de la mutualisation de certaines fonctions. Ces craintes ne m'apparaissent pas fondées car de nouvelles tâches apparaîtront.

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