Ce PLFR s'inscrit dans un cadre macroéconomique dont le Président de la République a rappelé hier les grandes lignes lors de sa conférence de presse.
Un certain nombre de voyants sont au-delà de l'orange : chômage en hausse constante depuis le printemps 2011, déficit record du commerce extérieur, pouvoir d'achat des ménages qui stagne, creusement des inégalités de revenus et de patrimoines, dette publique de 90 % du PIB. Une telle situation s'explique par la crise internationale, et aussi par la crise européenne, que nous travaillons ardemment à résoudre. J'ai ainsi participé lundi soir à une réunion de l'Eurogroupe et, mardi, à la réunion du Conseil « ECOFIN ». Nous tenons absolument à régler les problèmes que connaît la Grèce : lorsqu'un gouvernement et un peuple consentent à faire les efforts que l'on sait, ils doivent trouver en face d'eux des interlocuteurs responsables et solidaires. En l'occurrence, nous apercevons le bout du tunnel.
Mais cette situation s'explique également par des fragilités structurelles que les politiques menées depuis dix ans n'ont pas fait disparaître et ont même parfois aggravées comme le montre le rapport Gallois.
Dès notre arrivée, nous avons pris la mesure de la gravité des difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Nous avons révisé à la baisse la prévision de croissance pour 2012 envisagée par la précédente majorité, en la ramenant de 0,7 à 0,3 % du PIB. À ce jour, cette prévision, quasiment identique à celle de l'INSEE – qui est de 0,2 % -, demeure crédible. Je note que l'acquis de croissance à l'issue du deuxième trimestre se situe déjà à 0,2 %.
La dégradation de la situation appelait surtout une réaction immédiate et déterminée afin de respecter les engagements budgétaires de la France. Selon l'audit de la Cour des Comptes, si nous n'avions rien fait, le déficit aurait dérivé vers 5 % du PIB voire au-delà en 2012. Le PLFR du mois de juillet a permis d'atteindre l'objectif de 4,5 %, première étape du redressement dans la justice, lequel se poursuivra en 2013 avec le retour d'un déficit de 3 %, conformément aux engagements que le Président de la République a réitérés hier.
Je souhaite, tout d'abord, mettre en perspective notre effort de redressement des finances publiques.
Il ne faut pas opposer le sérieux budgétaire et la croissance : le désendettement est un impératif pour notre souveraineté, notre jeunesse, nos services publics, notre compétitivité, afin de renouer avec une croissance plus durable et plus équilibrée. Et sans croissance, il n'est pas de désendettement durable, les pays qui se sont engagés dans la seule voie de l'austérité ayant étouffé leur demande intérieure et détruit leurs capacités productives. Notre politique se déploie donc « sur deux jambes », sérieux budgétaire d'un côté, pacte de compétitivité de l'autre.
Ce diptyque, de surcroît, est révélateur de la phase que nous traversons.
D'une part, nous devons continuer à apurer certains éléments du passé et à gérer des dossiers complexes dont nous avons également hérité comme la situation de DEXIA ou de la filiale bancaire de PSA. D'autre part, nous avons commencé à mettre en oeuvre notre politique à travers la réforme des financements export, première étape du pacte de compétitivité annoncée le mardi 6 novembre, ainsi que les mesures de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. Vous avez rappelé, monsieur le président, que certaines mesures ont été prises à cet effet depuis quatre ans, mais notre plan est d'une tout autre ampleur.
DEXIA est donc le premier dossier complexe dont nous avons hérité. Vous connaissez les principales étapes de cette déconfiture. La semaine dernière, nous avons pris un tournant majeur : après de rudes discussions, nous avons trouvé un accord avec le gouvernement belge afin de recapitaliser le groupe, lequel a besoin de 5,5 milliards d'euros de fonds propres pour mener à bien son processus de résolution ordonnée. La contribution des États est substantielle, je le reconnais, mais elle est nécessaire pour stabiliser le groupe de façon pérenne et pour en finir, enfin, avec ce dossier.
Cet accord est équilibré. Il définit une nouvelle clé de capitalisation – et de garantie – 53 % pour la Belgique et 47 % pour notre pays, au lieu de 50-50 précédemment. Nous prenons acte du fait que DEXIA est une société de droit belge et que nombre de décisions qu'elle a prises l'ont été en Belgique. Des concessions ont certes été nécessaires, mais un bon équilibre a été trouvé.
Le PLFR propose les mesures qui permettront à cet accord d'être appliqué avec une ouverture de crédits du budget général vers le compte d'affectation spéciale – CAS – Participations financières de l'État de 2,585 milliards, et la modification du pourcentage des garanties pris en charge par la France. En outre, il contient des dispositifs d'amélioration du fonctionnement de la garantie de financement. J'ajoute que l'impact sur le déficit public sera quant à lui déterminé par Eurostat.
Dans les prochaines heures, nous déposerons le plan de résolution définitif du Groupe auprès de la Commission européenne. J'ai bon espoir que ce dossier avancera vite. Je me suis d'ores et déjà rendu à trois reprises à Bruxelles pour voir le commissaire Almunia, qui s'est montré exigeant mais coopératif. Si nous procédons ainsi, si nous sommes capables de résoudre la situation complexe de la filiale « collectivités locales » Dexia Municipal Agency – DMA -, nous pourrons lancer la nouvelle banque des collectivités locales dont j'ai dessiné les contours la semaine dernière, à Dijon, devant les élus de la Région Bourgogne.
Après ce PLFR, ce plan de résolution, ces discussions sur DMA et la création de la banque des collectivités locales, le dossier DEXIA sera réglé. Nous pourrons alors mieux travailler au service des collectivités territoriales, qui représentent 75 % de l'investissement public, ainsi que de nos concitoyens.
Il faudra bien entendu tirer les leçons d'une telle déconfiture et sortir de ces séquences financières défavorables par le haut. Précisément, tel sera l'objet de la réforme du secteur bancaire que je présenterai en Conseil des ministres le 19 décembre et que le Président de la République a rappelée hier.
Second dossier complexe : la banque PSA Finance. Nous vous proposons d'intervenir afin de sécuriser son plan de financement durant la période de restructuration du Groupe. Là encore, vous connaissez la situation.
Après le choc de l'annonce du plan de restructuration de PSA, au mois de juillet, le Gouvernement a souhaité disposer d'une expertise objective sur sa situation économique et financière. La dégradation de la note du Groupe, conséquence de sa fragilité économique, a pesé sur la banque PSA Finance. Si nous n'avions rien fait, son accès aux ressources de refinancement aurait été fragilisé, ce dont les clients de Peugeot et de Citroën, à l'autre bout de la chaîne, auraient souffert. Il importe que cette banque conserve un tel accès dès lors que trois voitures neuves sur quatre sont vendues à crédit. La banque est rentable, ses fondamentaux sont sains, elle apporte un soutien décisif à l'activité industrielle du Groupe ; comme telle, elle est donc essentielle pour le retour à l'équilibre de la branche automobile.
Je ne reviens pas sur les discussions difficiles qui ont été menées non plus que sur les contreparties obtenues mais je souligne, tout de même, que nous n'avons pas fait un cadeau : la gouvernance du Groupe est modifiée, sa stratégie doit être plus transparente, des engagements ont été pris quant à la production de nouveaux véhicules dans l'usine de Rennes ; des discussions ont également eu lieu avec les ministres du Travail et du redressement productif quant à la revitalisation et la ré-industrialisation du site d'Aulnay. Nous sollicitons maintenant l'approbation du Parlement pour que l'État puisse accorder un concours financier au Groupe PSA à hauteur de sept milliards d'euros, réalisé entre 2013 et 2016, sous la forme d'une garantie des émissions de la banque PSA Finance.
J'ai tenu à ce que nous n'intervenions pas seuls : le secteur bancaire apportera aussi des financements comparables à ceux de l'État, et des contreparties ont été obtenues.
Nous sommes tous attachés à ce Groupe industriel qui doit pouvoir retrouver un équilibre économique. La garantie de l'État à la filiale bancaire de PSA y contribuera mais de façon équilibrée et conditionnée.
Nous avons donc un legs très lourd à gérer, mais nous ne renonçons pas pour autant à imprimer notre marque à travers la réforme des financements export et les mesures de lutte contre la fraude inscrites dans ce PLFR.
Avec la réforme du financement de l'export, Mme Bricq et moi-même serons les premiers ministres à présenter au Parlement l'une des 35 mesures du pacte de compétitivité.
À cet égard, le diagnostic est inquiétant : depuis 2009, l'activité des banques françaises dédiée au financement des exports d'équipement français a été divisée par quatre. Dans certains cas, les offres de financement françaises ont conduit à une augmentation de 5 % à 6 % du prix final proposé, facteur de dégradation de la compétitivité. Le PLFR propose un mécanisme de refinancement privé des crédits à l'exportation, avec une garantie à 100 % de la Coface Compte État en cas de défaillance de la banque privée prêteuse. Les banques bénéficiant du dispositif devront en répercuter les avantages sur leurs clients.
Les mesures contre la fraude fiscale, sur lesquelles M. Cahuzac reviendra, constituent une contrepartie du pacte de compétitivité. Nos concitoyens ne comprendraient pas que l'allègement d'impôt de 20 milliards d'euros que nous proposons ne soit pas suivi d'un engagement en termes de civisme fiscal.
Notre dispositif s'appuiera notamment sur une initiative à destination de nos partenaires européens. Plusieurs échéances sont prévues avant la fin de l'année qui permettront de faire valoir auprès d'eux une ambition forte : la proposition de directive anti-blanchiment, qui devrait être adoptée par la Commission au mois de décembre et l'approbation d'un plan communautaire de lutte contre la fraude fiscale.
Deuxième composante de ce dispositif : le plan national de lutte contre le travail illégal que M. le ministre Sapin a commencé à élaborer.
Enfin, ce PLFR jouera un rôle clé. Il comporte un arsenal pour combattre la fraude et l'optimisation fiscales. Qu'on ne dise pas que cela masque un alourdissement de l'impôt : il n'y aura aucun impact sur les contribuables ayant payé leur dû à l'administration fiscale, le droit en vigueur n'est pas modifié ; il s'agit seulement de doter l'État d'instruments adaptés à la lutte contre les formes les plus graves de fraude, en se concentrant sur les plus complexes, en particulier dans leur dimension internationale.
Cet arsenal s'ordonne autour de deux axes principaux : le déploiement de nos instruments juridiques pour appréhender les fraudes les plus complexes ; de nouvelles obligations de transmission automatisée d'information à l'administration. Cela permettra à cette dernière de réorganiser le contrôle fiscal de manière à consacrer plus de ressources à l'analyse et au traitement de ces fraudes sans rien abandonner de la couverture de l'ensemble des contribuables.
Ce projet maintient donc nos objectifs en termes de lutte contre les déficits, met en oeuvre des mesures pour la compétitivité dans le domaine du financement à l'exportation, et vise à régler des problèmes dont nous avons hérité mais qui doivent absolument être résolus afin que nous puissions nous tourner vers les collectivités locales et répondre aux besoins de notre industrie. Il est à la fois nécessaire, volontaire et ambitieux. Un examen objectif devrait tous vous conduire à le soutenir.