Intervention de Benoist Apparu

Réunion du 15 octobre 2014 à 16h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBenoist Apparu, rapporteur pour avis des crédits du programme « Diplomatie culturelle et d'influence » :

Cette loi, monsieur le président, a fait profondément évoluer le paysage institutionnel en matière d'action extérieure de l'État et d'influence française.

Je mentionnerai au préalable deux changements intervenus avant ce texte.

Tout d'abord, le ministère des affaires étrangères a regroupé au sein de la direction générale de la mondialisation (DGM) trois anciennes directions générales : la DGM elle-même, la DGCID (direction générale de la coopération internationale et du développement) et les directions multilatérales. Ainsi, une seule direction se trouve désormais chargée de l'influence extérieure au sens large – mondialisation, aspects multilatéraux, coopération, culture et éducation –, ce qui change profondément l'approche stratégique du ministère.

Ensuite, les services de coopération et d'action culturelle (SCAC) ont fusionné avec les centres culturels français, avec un pilotage unique assuré par le conseiller de coopération et d'action culturelle (COCAC).

La loi de 2010 avait, de son côté, l'ambition d'unifier le pilotage de l'action d'influence extérieure en rassemblant des institutions existantes. C'est ce que j'ai souhaité étudier dans le cadre de cet avis.

Est d'abord créé l'Institut français, qui regroupe tous nos outils d'action culturelle à l'étranger. Dans le même temps, on lance l'expérience, dans douze postes, d'une organisation radicalement différente. Le débat est ancien et s'apparente à celui qui porte sur les préfectures : est-il préférable que le préfet ait sous sa main tous les services ou que chaque ministère pilote sa politique en direct, avec des services qui lui sont propres ? De même, l'ambassadeur doit-il avoir sous sa main l'ensemble des services à l'étranger ou des institutions peuvent-elles gérer depuis Paris des projets au plan local ? Il a donc été décidé de tester une gestion directe des services culturels par l'Institut français, à l'instar de ce qui se fait dans beaucoup de pays : en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Espagne, ce sont des institutions nationales qui pilotent depuis la capitale l'action culturelle à l'étranger.

Aujourd'hui, l'Institut français fonctionne de façon encourageante. Il a mis en place une importante action de formation et développé des outils numériques intéressants. Les orientations du futur contrat d'objectifs et de moyens pour 2015-2017 sont prometteuses. Cela étant, la question du pilotage reste posée.

La deuxième institution créée est Campus France, qui vise à unifier les outils de pilotage de notre enseignement supérieur à l'étranger en valorisant l'ensemble de la filière d'accueil des étudiants étrangers en France. Après des débuts difficiles, cette institution a semble-t-il trouvé une vitesse de croisière. Une « chaîne de l'accueil » des étudiants étrangers en France commence à se mettre en place dans bon nombre d'universités. Les guichets uniques se déploient dans les établissements.

Campus France travaille également au lancement d'une plateforme informatique dite alumni, dont l'objectif est de fédérer le réseau des anciens étudiants étrangers après leurs études en France afin qu'ils deviennent des vecteurs d'influence dans leur pays d'origine.

Cet organisme s'inscrit également dans une démarche de développement numérique, notamment pour valoriser les MOOC (massive open online course : ouverture à grande échelle de cours en ligne).

Il conviendra cependant de déterminer si Campus France doit assurer à l'étranger une forme de représentation des universités françaises, alors même que chaque université – et, dans un avenir proche, chaque communauté d'universités – a sa propre politique internationale.

Enfin, la réduction des engagements budgétaires pose clairement la question du modèle économique.

La troisième institution créée par la loi de 2010 est France expertise internationale (FEI), organisme destiné, lui aussi, à unifier nos moyens d'action en matière d'expertise.

FEI me semble être un archétype pour notre action future. Cette institution dépend de l'État mais ne reçoit aucune subvention de sa part : elle fonctionne en totale autonomie financière. Pourtant, elle a réussi à démultiplier son chiffre d'affaires, passant de 21 millions d'euros en 2011 à un montant estimé à 72 millions en 2014.

Cet outil est néanmoins appelé à disparaître : la loi du 7 juillet 2014, qui s'inscrit dans la continuité de celle de 2010 – comme quoi il arrive à des majorités différentes d'assurer des continuités ! –, vise à rapprocher FEI d'institutions similaires pour créer, à partir du 1er janvier 2015, l'Agence française d'expertise technique internationale (AFETI). D'importants arbitrages sur le modèle économique de cet organisme sont en cours. Votre rapporteur préconise que l'AFETI reprenne les modes de fonctionnement de FEI, avec une comptabilité privée plutôt que publique et un développement autonome plutôt que des subventions, le chiffre d'affaires étant fonction des appels d'offres que remporte l'établissement à l'étranger.

Au total, donc, le bilan de la loi de 2010, complétée par celle de 2014, est globalement positif. Des interrogations subsistent néanmoins.

Tout d'abord, des tensions persistent sur le terrain entre les instituts français, issus de la fusion des centres et services culturels, et les alliances françaises, structures associatives privées et largement autofinancées qui mènent leurs propres actions, principalement en matière d'apprentissage du français – il s'agit, en quelque sorte, de « vendre » des formations linguistiques. Des doublons sont parfois constatés. La question est complexe à régler sur le plan institutionnel.

Ensuite, il a été mis fin à l'expérimentation de pilotage direct par l'Institut français dans douze pays, un peu trop tôt, me semble-t-il, pour pouvoir en tirer des conclusions. Je rappelle l'enjeu : dans le système actuel, c'est la cohérence globale de l'action dans tel ou tel pays qui est recherchée alors que le système expérimenté testait la mise en place d'un outil d'influence culturelle globale, avec des choix stratégiques définis par l'État et concernant plusieurs pays ou régions du monde.

Je remercie à cet égard nos collègues députés des Français de l'étranger, que nous avons sollicités et qui ont tous tenu à alimenter notre rapport.

La question du bon niveau de pilotage reste posée à long terme, même si, à court terme, il serait peut-être pertinent de marquer une pause : les réseaux culturels, d'enseignement supérieur et d'expertise sont en bouleversement permanent depuis cinq ans !

Voulons-nous mener une politique d'influence culturelle très étendue parce que c'est un vecteur essentiel pour la France et parce que nous avons un message universel à délivrer dans ce domaine ? Si tel est le cas, il peut être intéressant de mettre en place l'équivalent de l'Institut Cervantès, de l'Institut Goethe ou du British Council. Mais si nous souhaitons privilégier une cohérence pays par pays, ce ne sera pas la bonne solution.

Il serait intéressant de reprendre les expériences sur le terrain pour en arriver, à terme, à un grand institut, tout en veillant à la cohérence entre l'organisation locale et l'organisation nationale. Aujourd'hui, c'est un même service de l'ambassade qui s'occupe de la coopération, du développement, de la culture, de l'éducation, c'est-à-dire d'une multitude de sujets. Si l'on crée une grande agence nationale, il faudra qu'elle ait également ces compétences.

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