En Irak, monsieur Rouillard, nous menons deux types de missions au sein de la coalition guidée par les Américains. D'une part, nous poursuivons des missions de reconnaissance, (intelligence, surveillance, reconnaissance ou ISR), car les Américains ont d'emblée accepté que nous ayons notre propre appréciation de la situation pour ensuite la partager avec eux. D'autre part, nous effectuons des missions d'appui-feu rapproché – Close Air Support – mais avec la contrainte d'éviter tout dommage collatéral lorsque des troupes de Daech sont détectées. L'information est plus souvent fournie par des Irakiens, qui préviennent ensuite des centres d'opération, lesquels entrent en contact avec le centre de commandement des opérations aériennes basé à Al Udeid au Qatar. Là, des officiers français ayant accès à tous les drones américains s'assurent que les mouvements détectés sont bien hostiles et qu'ils se situent dans un rayon où les dommages collatéraux peuvent être évités. Ces derniers temps, nos appareils ont été engagés, mais n'ont pas tiré car les mouvements avaient lieu dans des zones périurbaines où les risques de dommages collatéraux étaient importants.
Il faut souligner ici que c'est parce que nous exerçons ces missions que les forces de Daech sont privées d'initiative : elles n'ont plus la possibilité de sortir de ces zones où elles se retrouvent coincées. Certes, il y a toujours une satisfaction à tirer sur des pick-up ou des chars, mais notre mission la plus importante est d'assurer jour et nuit cette permanence afin d'empêcher ces forces de se déplacer et de permettre aux Irakiens la liberté d'action sur leur territoire. C'est un effet militaire qui se mesure peut-être moins facilement que d'autres, mais il est réel et nécessite de déployer le nombre d'avions que la coalition a mobilisé.
S'agissant des forces aériennes stratégiques, la question qui provoque le débat est bien évidemment : pour ou contre le nucléaire ? J'ai mes convictions, mais je comprends que l'on puisse s'interroger. Une fois que l'on s'est prononcé en faveur de la dissuasion, il faut entrer dans une analyse militaire. Nous le savons, l'une ou l'autre composante pourra être fragilisée face à des défenses adverses toujours évolutives, alors même que nous savons déjà intercepter des missiles arrivant par le haut ou des missiles de croisière. Pour être optimal, l'effet militaire doit combiner ces deux composantes ; si nous n'en gardons qu'une, notre crédibilité sera atteinte. Les deux composantes se nourrissent de manière dynamique et se complètent dans la modernisation qui est prévue pour le futur. Pour des questions de confidentialité, je ne peux vous en dire plus.
Monsieur Vitel, je vous remercie d'avoir exprimé toute la fierté que vous inspirent nos aviateurs et ne manquerai pas de leur en faire part.
L'année dernière, si nous avons été amenés à revoir nos participations aux entraînements internationaux – en particulier au Red Flag, ce qui n'a pas été facile, car il s'agit d'un exercice important –, c'est en raison de contraintes budgétaires liées à des arbitrages internes. Nous avons voulu privilégier l'activité, car la baisse qu'elle subit risque d'aboutir à des pertes de compétences. Les trois leviers que j'ai évoqués nous permettront demain de reprendre les heures de vol – nous visons 180 heures par an pour les équipages chasse contre 150 heures actuellement –, mais aussi les exercices. Toutefois, en 2015, nous pouvons être amenés à en annuler quelques-uns en raison de l'engagement de nos équipages. Nous mettrons l'accent sur l'exercice conjoint que les Américains nous proposent de mener avec les Britanniques.