Intervention de général Denis Mercier

Réunion du 14 octobre 2014 à 18h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'air :

Monsieur Guilloteau, certes, les programmes sont taillés au plus juste et leur exécution complète est nécessaire, mais il faut bien voir que nous avons été partie prenante dans l'élaboration du Livre blanc et de la LPM : nous avons apporté des idées nouvelles, comme la différenciation de l'entraînement, et participé à la construction d'un ensemble cohérent à même de nous faire progresser.

S'agissant du système de commandement et de conduite des opérations, sachez que je suis très vigilant. Il existe des failles de détection. Nos radars vieillissants nous coûtent cher en MCO. C'est la raison pour laquelle nous avons engagé un programme de rénovation : de nouveaux radars seront mis en place, d'abord à Nice et à Lyon, puis sur d'autres points du territoire.

Pour le projet « Cognac 2016 », un avion répond véritablement à nos besoins, mais, comme il s'agit d'un appel d'offres, nous ne pouvons pas envisager qu'une seule piste. Le décalage de la mise en oeuvre du projet est lié à une sous-dotation dans la loi de programmation que nous n'avions pas identifiée. Il a fallu trouver un mode de financement innovant. Le ministère des Finances a bien compris l'économie du projet, qui nous permet d'économiser en EPM 110 millions d'euros par an, en rationalisant par ailleurs nos infrastructures – il est ainsi prévu de fermer une plateforme aéronautique grâce à ce projet. Il nous a donc permis de recourir à un leasing de courte durée, de quatre à cinq ans, avec option d'achat. Nous avons dû aussi motiver les acteurs concernés et, en cela aussi, l'appui du ministre a été extrêmement utile. Voilà pourquoi le lancement du projet a pris plus de temps que prévu. Aujourd'hui, je me bats pour qu'il puisse intervenir en 2017, et non en 2018.

S'agissant des C130, je préciserai que ces appareils ont encore du potentiel. Un plan de rénovation est prévu à partir de 2016 de manière à disposer des premiers avions modernisés en 2018 ou 2019. Cette rénovation est d'une double nature : d'une part, elle sera opérationnelle ; d'autre part, elle reposera sur une mise aux normes de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) afin de leur permettre de continuer à naviguer dans les espaces aériens, ce qui exige l'installation de certains équipements.

Pour les C160, il faut rappeler que, en construisant la LPM, nous avons fait des choix, que j'assume. Notre impératif a été de maintenir une cohérence qui nous garantisse d'agir en toute souveraineté. Cela nous a conduits à étaler certains programmes, comme la livraison des Rafale – c'est la raison pour laquelle je suis si attaché au maintien des Mirage 2000D – ou la livraison des A400M. Ce tuilage implique de conserver jusqu'en 2023 certains avions de la flotte de C160 : les quatorze plus récents, qui pourront être maintenus en service pour un coût maîtrisé. Nous menons actuellement des études sur les moteurs et les grandes visites. Nous comptons aussi maintenir plus longtemps que prévu d'autres flottes, comme les Mirage 2000-5.

Ce n'est certes pas une panacée, mais si nous avions concentré tous nos efforts sur les A400M, nous aurions peut-être mis en péril les commandes de MRTT, la modernisation des radars ou le projet « Cognac 2016 ». Nous avons fait le choix de la cohérence : il comporte des risques, mais il tient la route, sous réserve que la LPM soit respectée.

Pour répondre à votre question sur les forces spéciales, monsieur Guilloteau, je dois préciser que l'escadron « Poitou » va continuer d'opérer, notamment avec quelques C160 et des C130. À l'heure actuelle, l'escadron « Pyrénées » remplit des missions de combat pour le sauvetage des équipages éjectés. J'ai demandé au chef d'état-major des armées qu'il puisse être mis à disposition des opérations spéciales pour leur offrir une capacité supérieure grâce à l'apport essentiel des hélicoptères Caracal. Nous travaillons ensemble pour définir le niveau d'entraînement afin que, à l'été 2015, cet escadron soit intégré aux opérations spéciales, comme l'est déjà le quatrième régiment d'hélicoptères de combat de Pau.

S'agissant des moteurs de Caracal, monsieur Fromion, des solutions sont en cours d'examen. J'en ai discuté lors de mon déplacement à N'Djamena. Certains filtres fonctionnent mieux dans certains endroits que dans d'autres. Nous envisageons également d'installer des tapis pour empêcher la poussière de s'infiltrer, là où les hélicoptères sont appelés à se poser le plus souvent, comme à Madama, où la terre est particulièrement corrosive. Il ne faut pas seulement se pencher sur les turbines elles-mêmes, mais faire en sorte que les appareils puissent se poser dans des endroits où ils souffrent moins. Le constructeur est aussi mobilisé. En vérité, nous avons réagi trop tard. Nous avons attendu que je ne sais combien de moteurs soient atteints pour agir, je le déplore. Il arrive parfois que nous n'ayons pas le réflexe, face à un problème, d'investir tout de suite pour générer des gains plus tard. Nous devrons veiller à davantage anticiper.

Vous m'avez aussi interrogé sur la piste de Gao. Là encore, une question de priorités se pose. Et je ferai une parenthèse en revenant sur l'hommage rendu par M. Folliot aux hommes de l'ombre des stations de radars, hommage que j'ai beaucoup apprécié. Nous pourrions y associer d'autres hommes de l'ombre, fortement engagés dans les opérations : je pense aux militaires du 25e régiment du génie de l'air, qui construisent et maintiennent en état les pistes, à ceux du groupement aérien d'appui aux opérations (GAAO), qui installent des villages de tentes autour des pistes, ainsi qu'à ceux du groupement tactique des systèmes d'information et de communication. Je me réjouis d'avoir récemment réussi à obtenir des citations pour ces unités. Il se trouve que les hommes du 25e RGA sont aujourd'hui mobilisés par l'extension du terrain de Niamey, afin notamment de permettre à un ravitailleur de s'y poser, et qu'ils devront se consacrer à la piste de Madama, aujourd'hui trop courte pour recevoir des Transall et des Hercules. Nous menons des études sur la possibilité d'effectuer quelques travaux à Gao pour permettre aux avions de chasse de s'y dérouter. La présence d'un terrain de secours pour les chasseurs serait un atout. Nous avons perdu récemment un Mirage 2000D dont l'équipage, à la suite d'une panne d'huile, a dû s'éjecter, car il n'avait pas le temps de rejoindre Niamey.

Monsieur Candelier, je dois vous dire que la vente des sites de l'armée de l'air nous échappe complètement. Ces terrains sont gérés par la mission pour la réalisation des actifs immobiliers (MRAI). Je constate seulement que, à Metz, Cambrai, Reims ou Francazal, la situation n'a pas beaucoup avancé.

À Taverny, la base aérienne a fermé lors de la précédente RGPP. Nous avons uniquement conservé l'emprise souterraine pour le centre d'opérations des forces aériennes stratégiques, rattaché à la base de Creil.

S'agissant des cadences de livraison de l'A400M, comme je vous l'ai indiqué, un sixième appareil arrivera au mois de novembre et quatre autres sont prévus en 2015 . Quinze sont prévus sur la LPM. Après une ou deux années blanches, les livraisons reprendront ensuite pour atteindre la cible définie dans le Livre Blanc. Même si ces cadences ont été revues, nous avons vraiment besoin de ces avions pour moderniser notre capacité de transport. Je donnerai un exemple éclairant : au début des opérations en Irak, un seul A400M a permis de transporter le matériel et les hommes nécessaires au renforcement de la base aérienne que nous avons dans le Golfe, quand trois Transall avec une escale chacun auraient été nécessaires auparavant.

J'adhère à vos propos sur l'Irak, monsieur Candelier. Nos avions sont là pour redonner l'avantage aux forces irakiennes et aux forces kurdes. Notre accompagnement permet de leur assurer une liberté d'action. Reste que tout cela va prendre du temps : nous avons pu constater, avec l'avance rapide des forces de Daech, que les troupes irakiennes n'étaient pas très bien formées.

Pour conclure, je tiens à souligner que cette LPM nous a permis de construire un plan cohérent au centre duquel nous avons placé l'humain. Il nous permet d'avancer en donnant des objectifs à nos aviateurs. L'annonce des restructurations, élément qui leur manquait, aura lieu demain, mercredi 15 octobre. L'année 2015 sera une année charnière, qui leur donnera de la visibilité. Je vous remercie, mesdames, messieurs les députés, de l'hommage que vous leur avez rendu, hommage pleinement justifié au regard du travail remarquable qu'ils effectuent sur notre territoire et dans le cadre des opérations extérieures.

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