Intervention de Alain Vidalies

Réunion du 15 octobre 2014 à 16h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Alain Vidalies, secrétaire d'état chargé des transports, de la mer et de la pêche :

Je tiens tout d'abord à remercier le président Jean-Paul Chanteguet de m'avoir convié, dès mon arrivée au ministère, à venir devant votre commission évoquer les différents dossiers dont j'ai la charge. Je sais que, dès aujourd'hui et à l'avenir, nous débattrons avec passion des questions touchant aux transports et à la mer pour relever les nombreux défis qui nous attendent. Je veux ici rendre hommage à mon prédécesseur, Frédéric Cuvillier, qui s'est particulièrement investi, entre autres grands chantiers, dans la réorganisation du groupe ferroviaire SNCF, avec l'adoption de la loi du 4 août dernier, et dans la lutte contre le dumping social. J'inscrirai mon action dans la continuité de la sienne.

J'évoquerai les principaux chantiers qui nous attendent et qui constituent mes priorités.

En premier lieu, je souhaite assurer le financement des infrastructures. Compte tenu des difficultés techniques et économiques de sa mise en oeuvre, l'écotaxe – ou péage de transit poids lourds – a été suspendue sine die, au terme d'une rencontre avec les organisations professionnelles du secteur, le jeudi 9 octobre dernier. La constitution rapide d'un groupe de travail a été décidée avec les parties prenantes afin d'identifier des solutions de financement équitables et pérennes. Je réunirai les transporteurs ce jeudi matin afin d'engager ce travail.

Parmi les pistes de financement possibles, la fiscalité sur le gazole, par le biais de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), a l'avantage d'être un impôt assis sur une assiette très large. Nous aborderons également le sujet d'une éventuelle redevance d'usage à travers la création d'une vignette – proposition défendue par une organisation de transporteurs et certains chargeurs. Les poids lourds, utilisateurs d'une ressource publique qu'est le réseau routier non concédé, doivent contribuer à son entretien et à sa modernisation. Le relevé de conclusions de la réunion de jeudi dernier prend acte des engagements des deux parties.

Les infrastructures sont un moteur de croissance et d'emploi ; elles sont le vecteur d'une meilleure desserte du territoire et d'une plus grande égalité entre les territoires, déclinées dans les contrats de projets État-région (CPER), dont les mandats de négociation viennent d'être transmis aux préfets. Je m'attacherai donc à en sécuriser le financement. D'ores et déjà, le Premier ministre a annoncé l'objectif de l'augmentation, à partir de janvier 2015, de 2 centimes de la TICPE directement affectés à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), soit une ressource annuelle complémentaire de près de 800 millions d'euros.

En deuxième lieu, je souhaite faire de la maintenance du réseau ferré existant une priorité nationale. La maintenance est, en effet, un gage de fiabilité, de régularité et de sécurité. C'est la raison pour laquelle j'ai réservé ma première visite à l'Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF), implanté à Amiens, le 9 septembre dernier. J'ai annoncé la mise en oeuvre d'un plan d'action déterminé pour la sécurité du système ferroviaire, la création d'un comité de suivi de la mise en oeuvre de ce plan et des recommandations formulées par le Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT).

Je souhaite également engager le chantier important de la clarification de l'offre des trains d'équilibre du territoire (TET), et plus particulièrement de son articulation avec les autres trains – TER et TGV –, toujours dans un souci de meilleure qualité de service pour les usagers, dans un contexte de contraintes budgétaires importantes. Ce travail sera confié dans les prochains jours à une commission du type Mobilité 21 sous la présidence d'un parlementaire. Il pourra utilement contribuer à l'élaboration du schéma national des services de transport, dont la création a été décidée à l'initiative des parlementaires dans la loi portant réforme ferroviaire. L'évolution de la convention entre l'État et la SNCF ne pourra se faire qu'à la lumière de ses conclusions. C'est la raison pour laquelle l'actuelle convention TET, qui s'achève à la fin de cette année, sera reconduite pour un an.

Planifier de manière responsable la modernisation et le développement des infrastructures constitue une troisième priorité. Les grands projets sont des vecteurs de dynamisme et de croissance pour les régions. Ils sont également essentiels pour l'industrie du bâtiment et des travaux publics (BTP) qui a besoin d'être soutenue.

Concernant les sociétés concessionnaires, le plan de relance autoroutier s'inscrit dans cet objectif et pourrait générer quelque 3 milliards de travaux. Nous restons dans l'attente de la réponse officielle de la Commission. Bien évidemment, ce dossier est au coeur des discussions en cours avec ces sociétés, suite à l'avis de l'Autorité de la concurrence. J'aurai l'occasion de m'exprimer sur le sujet la semaine prochaine, devant votre mission d'information.

Par ailleurs, nos projets de dimension européenne nécessitent d'être concrétisés. L'Europe y participe en attribuant des moyens exceptionnels, jusqu'à 40 % de subvention pour les travaux du nouveau programme européen d'intervention. Deux projets phares sont concernés. D'une part, le canal Seine-Nord Europe formera un vaste corridor de transport de fret à grand gabarit, depuis Le Havre jusqu'à Dunkerque et au Benelux. La mission confiée à M. Rémi Pauvros par le Premier ministre, dans la continuité de son premier rapport, aura vocation à fédérer, autour de ce grand chantier, les acteurs locaux aux côtés de l'État et de Voies navigables de France (VNF). D'autre part, le Lyon-Turin est essentiel au développement des liens économiques entre la France, l'Italie et, au-delà, les nouveaux pays de l'Union européenne. Son impact sera considérable en termes de report modal et de réduction de la pollution dans les vallées alpines : près d'un million de poids lourds par an seront reportés de la route vers le rail. J'ai déjà rencontré par deux fois mon homologue italien, M. Maurizio Lupi. Ensemble, nous sommes convenus d'avancer vers une gouvernance rénovée du projet et le dépôt conjoint du dossier de subvention à la Commission européenne avant le 26 février 2015. Les travaux représenteront le plus grand chantier du début du siècle, mobilisant les entreprises et les forces vives des deux côtés des Alpes, contribuant ainsi à la relance de l'économie dont nos pays ont tant besoin.

Quatrième priorité, l'inscription des transports au coeur du débat sur la réforme territoriale. À l'exception notable de l'Île-de-France, la compétence transport est aujourd'hui segmentée entre les différents niveaux de collectivités, selon une organisation qui n'incite ni à la bonne organisation des dessertes ni à l'efficacité de la dépense publique, ni à l'harmonisation des tarifs : le ferroviaire relève des régions, les transports scolaires des départements, les transports urbains des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). La compétence transport doit gagner en cohérence et, surtout, être repensée en fonction des besoins des usagers. Pour être efficace, elle doit être transversale : elle doit pouvoir agir sur l'ensemble des modes et sur des territoires plus larges. La nouvelle organisation territoriale de la République, dont le projet de loi arrive en novembre au Sénat, sera l'occasion de repenser les transports terrestres plus efficacement.

S'agissant d'ailleurs de l'appel à projets « Transports collectifs et mobilité durable », pour lequel 120 projets attendent d'être retenus et de se voir attribuer des financements, des décisions devraient pouvoir être annoncées aux collectivités locales d'ici à la fin de l'année, après vérification de l'actualité de leurs projets, à la suite notamment des dernières élections municipales. Cet appel à projets favorisera le développement des transports collectifs et durables en ville ; j'y suis très attentif.

Dans le secteur maritime, la poursuite des réformes structurantes en vue d'assurer la protection de l'exceptionnel patrimoine maritime et littoral de la France constitue ma cinquième priorité. Les tempêtes hivernales de 2013 ont montré la vulnérabilité et la fragilité du littoral. Des mesures d'urgence ont été prises par le Gouvernement pour aider les collectivités dans les actions de réparation. Elles étaient nécessaires, mais elles ne sont pas suffisantes. Il nous faut mettre en place des mesures structurelles. C'est pourquoi je mettrai en oeuvre une stratégie nationale pour la gestion du trait de côte et j'installerai le comité national de suivi d'ici à la fin de l'année.

Je veux également une gouvernance renforcée de l'action de l'État dans le secteur maritime. Tous les efforts seront faits, en lien avec les collectivités locales et les acteurs socio-économiques, pour mieux coordonner et davantage simplifier des politiques publiques trop sectorielles. Pour concrétiser cette ambition, Mme Ségolène Royal et moi-même avons décidé de mettre en place, dans les jours qui viennent, une délégation à la mer et au littoral. Elle aura pour mission d'anticiper et de désamorcer les conflits d'usage de la mer entre différents acteurs, de contribuer à promouvoir l'émergence de certaines filières maritimes d'avenir, à l'instar des énergies marines, et de sensibiliser tous les services à la construction coordonnée de la politique maritime.

Conforter la place de la France dans l'aérien sera mon sixième objectif. Sous l'effet de la concurrence des compagnies à bas coûts et des compagnies du Golfe, le pavillon français perd aujourd'hui des parts de marché. La situation financière de nos compagnies reste fragile. Le secteur du transport aérien associe de nombreux acteurs, dont certains sont en monopole de fait et d'autres rencontrent une concurrence féroce. Il a besoin d'une régulation publique, d'un État qui assure tant l'équilibre et l'équité des retours économiques pour chaque acteur que la répression de certains abus. Le groupe de travail présidé par le député Bruno Le Roux, qui associe toutes les parties prenantes du secteur – compagnies aériennes, aéroports, syndicats, administrations –, me rendra prochainement ses recommandations sur les mesures à mettre en oeuvre pour renforcer la compétitivité de nos compagnies. Je serai attentif à leur donner une suite concrète.

La construction aéronautique française est une filière d'excellence, fortement contributrice à la balance commerciale et créatrice nette d'emplois. La France peut être fière d'être le seul pays du monde, avec les États-Unis, à disposer sur son territoire d'une filière aéronautique complète. Elle est aussi une industrie caractérisée par son exigence continue d'innovation. Le soutien public à la recherche-développement est donc essentiel, tant pour accompagner les grands programmes que les PME dynamiques du secteur. Je réunirai dans quelques jours le Conseil pour la recherche aéronautique civile, pour faire un point détaillé de la préparation des programmes d'avenir.

Enfin, j'accorde une importance toute particulière à la filière d'avenir, où la France peut jouer un rôle moteur, des drones dans l'aviation civile. Comme souvent, le progrès technologique a devancé l'architecture juridique qui doit venir l'encadrer. La question de l'encadrement réglementaire de l'utilisation des drones est aujourd'hui posée. La France a pris une véritable avance, avec un premier cadre réglementaire qui a permis le développement de plus de 700 entreprises qui déploient de nouveaux usages des drones. La réponse n'est cependant pas univoque : le développement des petits drones civils doit être encouragé et il faudra veiller, pour cela, à conserver une réglementation souple qui laisse toute sa place à la créativité des entreprises. En revanche, l'utilisation de drones de plus grande dimension, volant à plus haute altitude, peut engendrer des problèmes de sécurité et de sûreté qui nécessitent l'adoption d'une réglementation plus stricte et plus protectrice de la vie privée.

Avant de conclure, je souhaiterais, en quelques mots, évoquer les questions communautaires qui vont être au centre des débats des mois à venir.

Je tiens, tout d'abord, à vous indiquer que je suis et serai un ministre présent lors des réunions, formelles et informelles, du Conseil, et attentif à entretenir des relations régulières avec mes homologues, tant je sais que c'est la première condition pour être écouté et entendu, et si possible suivi à Bruxelles. J'entends, en priorité, porter une attention toute particulière à la lutte contre le dumping social dans le transport routier et maritime.

Lors du Conseil de Luxembourg du 8 octobre, j'ai défendu la position de la France sur le volet politique du quatrième paquet ferroviaire : notre position, et ma conviction, c'est que le modèle d'entreprise intégrée choisi par la France dans le cadre de la loi du 4 août dernier est eurocompatible et que l'ouverture à la concurrence ne devra intervenir qu'au terme d'une période préparatoire suffisante et dans le respect des contrats de service public en vigueur dans chaque État membre.

J'ai par ailleurs appuyé, au sein du Conseil, la révision du champ d'application du règlement européen concernant les services portuaires : le résultat a été une exclusion logique, et positive pour la France qui l'avait demandée, des activités de dragage et de pilotage dans notre pays. Un traitement spécifique des petits ports a également été retenu, conformément aux attentes de la France.

Enfin, l'enjeu de la construction du « Ciel unique européen 2 + » reste essentiel pour accompagner la croissance du trafic aérien et en améliorer les performances environnementales. Je m'attacherai, dans la négociation à venir, à promouvoir les atouts du modèle français.

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