Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du 7 octobre 2014 à 18h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense :

Je souhaite résumer au préalable les entretiens que j'ai eus aux États-Unis avec mon homologue M. Chuk Hagel, secrétaire d'État à la Défense, Mme Susan Rice, conseillère à la sécurité nationale, M. Ban Ki-moon, secrétaire général de l'Organisation des Nations unies, et M. Hervé Ladsous, ambassadeur de France, secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix.

Contrairement aux craintes que l'on pouvait nourrir au vu de la difficulté du théâtre centrafricain, la mise en place de la MINUSCA (Mission intégrée multidimensionnelle de stabilisation des Nations unies en République centrafricaine) se déroule de façon très satisfaisante. Au total, 10 000 militaires seront assez rapidement déployés, ainsi que des policiers. Des actions concrètes sont déjà menées sur le terrain. Je précise que la mission de la MINUSCA n'est pas que militaire : elle doit aussi travailler à une mise en synergie politique. La jonction avec la force de l'Union européenne, l'EUFOR, dont la mission a été prolongée de trois mois, se fera donc dans de bonnes conditions.

Dans le prolongement de cette opération, M. Ban Ki-moon souhaite une mission de formation des FACA (forces armées centrafricaines), qui sont dans un état plus que complexe. L'Union européenne pourrait assumer cette formation comme elle le fait au Mali.

Notre désengagement, vous le voyez, devrait pouvoir débuter dans un délai relativement bref.

Pour ce qui est maintenant de la MINUSMA (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali), une réapparition du risque terroriste est signalée au nord du pays. Neuf militaires nigériens ont été tués la semaine dernière aux environs de Gao par le groupe terroriste Al-Mourabitoune, activé principalement par le Mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO). Quelques jours auparavant, cinq militaires Tchadiens avaient été tués à Aguelhok, plus au nord.

Cette fragilité nouvelle est une conséquence de la réduction de la présence de nos forces, mais aussi du fait que les FAMA se sont effondrées à la suite de leur erreur majeure du début d'année et que la MINUSMA ne dispose pas de toutes les capacités souhaitables. En outre, la poursuite des pourparlers d'Alger suscite des jeux d'influence. Les groupes s'interpénètrent de plus en plus. Ajoutons à cela que tous les groupes armés exploitent la possibilité de se ressourcer en Libye.

Cela étant, la présence très active des Néerlandais, basés à Gao, et celle des Suédois à Tombouctou devraient renforcer la capacité d'allonge de la MINUSMA, notamment en matière de soutien logistique et de mobilité.

J'ai alerté mes interlocuteurs sur la montée des dangers dans le sud de la Libye. À l'Assemblée générale des Nations unies, M. Ban Ki-moon a abordé lui-même le sujet lors d'une réunion spécifique consacrée à la Libye. L'ONU a envoyé un émissaire, M. Bernardino León, pour encourager la mise en place d'un dispositif gouvernemental inclusif et rapprocher les deux pouvoirs installés l'un à Tobrouk, l'autre à Tripoli. Son travail commence à porter ses fruits, mais, au-delà de la solution politique qu'il faudra bien trouver en coopération avec les autres pays de la zone, la question du Sud demeure et il faut que la communauté internationale s'en préoccupe.

Concernant l'Irak et la Syrie, mon sentiment est que la coalition contre Daech est en train de se cristalliser, mais qu'elle n'est pas encore aboutie. Bien qu'ils aient annoncé leur participation, certains pays tardent à la rejoindre. Pour les États-Unis, les temps de l'action se définissent ainsi : d'abord contenir la progression de Daech ; ensuite aider les forces irakiennes et kurdes à reconquérir le territoire tombé aux mains des terroristes – je crois qu'en l'occurrence il conviendrait de parler d'« armée terroriste », une armée forte de près de 30 000 hommes et dotée de puissants moyens militaires. Cette deuxième phase, qui supposera un règlement politique en Irak, est en cours de préparation. Ce dont je suis convaincu, c'est qu'elle n'aura pas lieu avant l'année prochaine. Quant au containment de la première phase, il faudra encore du temps pour l'assurer entièrement. Une réunion des chefs d'état-major de la coalition se tiendra dans quelques jours. Je ne suis pas certain qu'elle permettra d'approuver la planification : sans doute faudra-t-il attendre le mois de novembre. En tout état de cause, il ne s'agit pas d'une guerre éclair. Nous sommes sur du temps long.

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