Avant d'aborder la situation d'aujourd'hui, il est utile de rappeler dans quel contexte évoluent les tarifs réglementés de vente d'électricité depuis l'ouverture du marché, en 2000.
L'ouverture progressive du marché qui a été complète le 1er juillet 2007, en application de la directive européenne de 2003, a eu pour premier effet de donner à la CRE par la loi du 10 février 2000 et le décret du 26 juillet 2001, puis celui du 14 août 2009, la responsabilité d'émettre un avis sur les arrêtés tarifaires pris par les ministres de l'économie et de l'énergie. Depuis cette date, la CRE a eu à examiner dix arrêtés tarifaires. Elle a vérifié qu'ils permettaient de couvrir, d'une part, les coûts de production, d'approvisionnement et de commercialisation ainsi qu'une marge raisonnable et, d'autre part, les coûts d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution.
Le contexte actuel est également marqué par une judiciarisation croissante de la question des tarifs réglementés. Le premier recours devant le Conseil d'État a concerné l'arrêté du 12 août 2008. Sept autres ont suivi. Le Conseil d'État a annulé totalement ou partiellement trois arrêtés, et deux recours sont pendants. Sans revenir sur chacun d'eux, je rappellerai la jurisprudence actualisée des différentes décisions du Conseil d'État, sur laquelle la CRE fonde ses avis.
Il en ressort trois principes essentiels : celui de la couverture des coûts par le tarif, celui de l'ajustement ou du rattrapage, enfin celui de la convergence dans le cadre la loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, dite loi NOME.
Un attendu du Conseil d'État résume la question est ces termes : « Il appartient aux ministres compétents, à la date à laquelle ils prennent leur décision, pour chaque tarif, premièrement, de permettre au moins la couverture des coûts moyens complets des opérateurs afférents à la fourniture de l'électricité à ce tarif, tels qu'ils peuvent être évalués à cette date, deuxièmement, de prendre en compte une estimation de l'évolution de ces coûts sur l'année à venir, en fonction des éléments dont ils disposent à cette même date, et troisièmement, d'ajuster le tarif s'ils constatent qu'un écart significatif s'est produit entre tarif et coûts, du fait d'une surévaluation ou d'une sous-évaluation du tarif, au moins au cours de la période tarifaire écoulée. » Ces considérations ont amené le Conseil d'État à prononcer sa première annulation.
Pendant l'application de la loi NOME, c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre 2015, chaque mouvement tarifaire devra réduire l'écart entre le niveau des tarifs réglementés de l'électricité et les coûts de fourniture de l'électricité distribuée à un tarif de marché.
Ces éléments démontrent, s'il en était besoin, l'importance d'une bonne connaissance des coûts. C'est pourquoi en 2013, la CRE a réalisé une analyse approfondie des coûts de production et de fourniture d'EDF. Ces travaux venaient en préparation de l'entrée en vigueur de deux dispositions importantes de la loi NOME renforçant nos pouvoirs : la proposition au Gouvernement d'un prix de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH) à partir du 8 décembre 2013, et la proposition d'évolution des tarifs bleus, à compter du 1er janvier 2016. Afin d'éclairer les choix du Gouvernement, Mme Batho, alors ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, avait souhaité que la CRE réalise cet exercice en examinant les coûts tant passés que futurs.
Ce rapport que j'ai présenté à la commission des affaires économiques en juin 2013, à la demande du président François Brottes, met en lumière une hausse très significative des coûts, portée essentiellement par trois facteurs :
– la reprise des investissements dans l'outil de production et la mise en oeuvre d'un lourd programme de grand carénage du parc nucléaire, dans la perspective d'une prolongation de sa durée d'exploitation ;
– le recrutement massif dans les métiers du nucléaire pour faire face à d'importants départs à la retraite et assurer le maintien des compétences ;
– l'augmentation des coûts commerciaux en raison du déploiement du dispositif de certificats d'économie d'énergie (CEE) et de l'augmentation des irrécouvrables, conséquence de l'augmentation de la précarité énergétique.
Sur la base des hausses tarifaires que nous avions calculées et publiées dans notre rapport, le Gouvernement a proposé deux hausses successives de 5 % pour les clients bleus. La première a eu lieu au 1er août 2013. La seconde, prévue pour le 1er août 2014, a été récemment annulée par Mme Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Bien que ces hausses importantes ne permettent pas de couvrir les coûts comptables, la CRE avait tenu compte de leur caractère inédit et exceptionnel, et n'avait pas formulé d'avis défavorable.
Cette année, nous avons réactualisé notre analyse. Je détaillerai, si vous le souhaitez, les évolutions que nous avons relevées et qui figurent de manière exhaustive dans le rapport que je vous communiquerai à l'issue de mon intervention.
De façon générale, les grands fondamentaux ne sont pas bouleversés pour les trois années à venir, l'activité nucléaire restant le facteur d'évolution structurant des coûts de l'entreprise. Toutefois, trois effets conjoncturels sont mis en évidence.
Les prévisions de dépenses d'investissement sont revues à la baisse, grâce au travail d'optimisation auquel EDF s'est livré l'année dernière pour la préparation de son grand carénage.
Cette baisse est partiellement compensée par la requalification de certaines charges d'exploitation en dépenses d'investissement, évolution commencée l'an dernier, mais qui a pris de l'ampleur.
Les coûts commerciaux connaissent une hausse modérée due pour partie à des effets réglementaires, pour partie à une meilleure gestion du dispositif des CEE.
Ces évolutions par rapport à l'exercice précédent montrent, d'une part, qu'EDF éprouve une certaine difficulté pour estimer ses coûts futurs, difficulté qui sera encore renforcée par les incertitudes liées à la préparation et au contenu des quatrièmes visites décennales des trente-quatre centrales du palier de 900 MW. Elles prouvent, d'autre part, qu'il existe dans l'entreprise de réels leviers d'actions permettant de flexibiliser les dépenses et de maîtriser les coûts.
Ces deux éléments revêtiront une acuité toute particulière pour la fixation du prix de l'ARENH, dont le calcul repose en partie sur la prise en compte de chroniques d'investissement et de coûts d'exploitation allant jusqu'en 2025. Cette échéance coïncide avec la fin du dispositif de l'ARENH prévu par la loi NOME. Sur de telles échelles de temps, les facteurs d'incertitude technico-économiques sont très significatifs.
Pour répondre aux critiques émises sur la capacité de la CRE à contrôler, voire à réguler les coûts d'EDF, nous avons renforcé, cette année, cet aspect de notre analyse, même si nous considérons toujours qu'une telle mission incombe à l'actionnaire principal plus qu'au régulateur sectoriel.
Sur la question de l'affectation des coûts, nous avons effectué d'importants retraitements tant sur les coûts constatés des années 2012 et 2013, que sur les coûts prévisionnels pour 2014. D'autre part, nous avons demandé à EDF de clarifier le traitement de certains postes de coût, d'améliorer ses prévisions et de réaliser un audit approfondi de ses coûts commerciaux, le dernier datant de 2011 et portant seulement sur leur affectation et non sur leur montant. En attendant les résultats de l'audit, nous avons limité à 2,6 % par an la hausse des coûts commerciaux, dans le calcul des hausses tarifaires pour 2014-2016.
Les dépenses d'investissement et les charges fixes et variables d'exploitation devraient donc augmenter respectivement à un rythme de 12,9 %, 1,5 % et 3,6 % par an, en léger ralentissement par rapport à la tendance mesurée au cours de la période 2007-2012, où leur hausse était respectivement de 15,8 %, 5,1 % et 3,8 % par an.
La CRE anticipe une relative stabilité du coût comptable prévisionnel de fourniture pour l'année 2014, lequel ne progresse que de 0,6 %, avant de repartir à la hausse les années suivantes, à plus de 5 % par an.
En termes de hausse tarifaire, si nous étions restés dans le système de la couverture des coûts comptables, il aurait été nécessaire d'appliquer, en 2014, une hausse de 5,6 % pour les clients bleus – soit 6,7 % pour les consommateurs domestiques et 1,3 % pour les petits professionnels –, de 2,9 % pour les jaunes et de 4,2 % pour les verts. La hausse de 5 % prévue par le Gouvernement l'an dernier n'aurait donc pas permis de couvrir les coûts comptables prévisionnels de 2014.
Enfin, puisque cette tâche relève de sa responsabilité, la CRE a définitivement établi les coûts constatés au titre des années 2012 et 2013, puis calculé le manque à gagner que représente pour EDF l'absence de couverture des coûts par les tarifs pour ces deux années. Celui-ci, qui s'élève à 1,136 milliard, devra faire l'objet d'un rattrapage.
J'en viens à la réforme du mode de construction des tarifs, telle qu'elle a été annoncée par Mme Royal, en anticipation des dispositions de la loi NOME.
Cette loi prévoit la mise en place progressive de quatre dispositifs fondamentaux : l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique, la suppression des tarifs jaunes et verts au 1er janvier 2016, le mécanisme d'obligation de capacité et la tarification par empilement. Cette nouvelle organisation du marché de l'électricité emporte des conséquences importantes pour tous les acteurs du marché.
Elle transforme les équilibres économiques de l'activité de production d'EDF. Elle accroît l'espace économique des fournisseurs alternatifs en vue d'accélérer leur développement. Elle modifie les composantes de la facture du consommateur d'électricité.
On s'intéressera ici à la composante tarifaire, pour laquelle la loi a prévu la convergence progressive des tarifs, au plus tard à la fin de 2015, vers un empilement du prix de l'ARENH, du complément de fourniture d'électricité au prix de marché, des coûts d'acheminement de l'électricité, des coûts de commercialisation ainsi que d'une rémunération normale. Dans cette approche, il s'agit non plus de couvrir les coûts comptables de l'opérateur historique EDF, mais d'être représentatif de ceux que supporte un fournisseur alternatif pour construire ses offres de marché, compte tenu des sources d'approvisionnement dont il dispose.
Le Gouvernement a souhaité mettre en oeuvre dès le prochain mouvement tarifaire cette tarification par empilement. En raison principalement de prix de marché déprimés, celle-ci entraîne une forte limitation des hausses par rapport à celles qui sont obtenues par la couverture des coûts comptables.
Cette situation inédite sur le marché de l'électricité français résulte de prix de marché bas et du renchérissement des coûts comptables à mesure qu'EDF déploie son programme d'investissement. Ces prix se situent autour de 42 à 43 euros, contre 58 à 60 euros en 2011, lors du vote de la loi NOME. Ils s'établissaient à 22 euros lors de l'ouverture du marché en 2000.
La méthode de calcul que la CRE a développée et amplement détaillée dans le rapport fournit une estimation des hausses à réaliser en application de cet empilement de coûts. Il ne s'agit bien sûr que d'une estimation, puisque nos calculs ne couvrent pas le cas des clients bénéficiant de tarifs spécifiques, notamment de tarifs EJP (effacement des jours de pointe) et Tempo. Selon cette méthode, la hausse serait, pour une partie des clients aux tarifs bleus résidentiels, de 1,6 %. Ce chiffre est un minimum et ne prend pas en compte les rattrapages tarifaires à réaliser au titre des années 2012 et 2013.
La tarification par empilement génère deux effets principaux.
Elle entraîne une certaine sensibilité aux variations des prix de marché. Le résultat n'est évidemment pas le même selon que le prix du marché se situe à 58 euros ou à 22.
Le fait que cette méthode ne repose plus seulement sur ses coûts comptables réduira dans un premier temps la rémunération d'EDF.
Comme je l'avais annoncé dans l'édition 2013 du rapport, la CRE a analysé les conséquences de l'application de cette tarification sur les équilibres économiques et financiers d'EDF. Les résultats sont très sensibles aux hypothèses retenues. De plus, les données comme les prix de marché sont difficiles à appréhender sur les dix prochaines années. Nous relevons néanmoins un accroissement significatif de l'endettement de l'entreprise sur le périmètre production commercialisation France, qui découle essentiellement de la mise en oeuvre du grand carénage.
La situation pourrait devenir préoccupante si des efforts de maîtrise des dépenses d'investissement et des coûts d'exploitation n'étaient pas mis en oeuvre et si les prix de marché restaient durablement déprimés.
Enfin, le niveau d'endettement d'EDF dépend fortement du niveau des dividendes versés aux actionnaires, qui s'élève actuellement à 60 % du résultat net de l'entreprise. C'est pourquoi les futures augmentations tarifaires, même si elles ont des effets positifs sur le résultat d'exploitation d'EDF, donc sur l'appréciation que les marchés peuvent avoir de la situation de l'entreprise, sont très largement absorbées par les prélèvements de l'État.
Tels sont les éléments essentiels qui ressortent du rapport. Il s'agit cependant d'un des aspects important mais incomplet de la facture d'électricité du consommateur. La facture d'un consommateur résidentiel se décompose de façon schématique en trois tiers qui varient un peu en fonction de l'abonnement et de la consommation : 30 % pour les réseaux – transport et distribution –, 36 % pour la fourniture – le tarif réglementé couvre ces deux premières composantes – et 34 % pour les taxes.
Il est intéressant de regarder l'évolution, entre 2000 et 2014, de la facture hors taxe et toutes taxes comprises d'un consommateur au chauffage électrique, qui consomme 8 500 kWh par an. En euros constants, cette facture a diminué d'environ 14 %, alors qu'elle a augmenté à peu près de 5 % toutes taxes comprises. En euros courants, elle a augmenté de plus de 10 % hors taxes et d'environ 34 % toutes taxes comprises.
Parmi ces taxes, il en est une sur laquelle nous venons de terminer un rapport exhaustif. Il s'agit de la CSPE, qui est calculée chaque année par la CRE, et qui représente 10 % à 13 % de la facture TTC d'un consommateur résidentiel. Instaurée en 2003 et acquittée par l'ensemble des consommateurs d'électricité, elle vise à financer les charges résultant des missions de service public que la loi impose aux fournisseurs.
Ces charges sont constituées en premier lieu des surcoûts résultant des politiques de soutien aux énergies renouvelables et à la cogénération. Ces surcoûts résultent de la différence entre le tarif d'achat pour la filière considérée et les prix de marché de gros de l'électricité. Elles sont constituées deuxièmement des surcoûts de production d'électricité dus à la péréquation nationale des tarifs dans les zones non interconnectées (ZNI), et troisièmement des charges liées à la mise en oeuvre du tarif de première nécessité (TPN) en faveur des personnes en situation de précarité, ainsi qu'une partie de la contribution des fournisseurs aux fonds de solidarité logement. La CSPE finance également le budget du médiateur national de l'énergie, les frais de gestion de la Caisse des dépôts et le versement de la prime aux opérateurs d'effacement prévue par la loi.
La CRE propose chaque année au ministre chargé de l'énergie le montant des charges prévisionnelles de l'année suivante, et le montant de la contribution unitaire permettant de les financer. Jusqu'en 2010, la contribution unitaire était reconduite d'une année sur l'autre en l'absence d'arrêté du ministre. Elle a ainsi été maintenue à 4,50 euros par MWh de 2004 à 2010.
Toutefois, depuis 2011, à défaut d'arrêté, la loi prévoit que la proposition de la CRE entre en vigueur dans la limite d'une augmentation annuelle de trois euros par MWh. Dans un contexte marqué par une augmentation significative des charges de service public, ces dispositions ont conduit à appliquer à partir de 2009 un taux de CSPE inférieur au taux nécessaire pour couvrir les charges. Le décalage s'est nettement aggravé depuis lors. Ainsi, la CSPE en vigueur en 2014, de 16,50 euros par MWh, est inférieure de six euros au niveau calculé par la CRE, qui se monte à 22,50 euros.
Le déficit qui en résulte est exclusivement supporté par EDF. Il a progressé rapidement depuis 2009. Fin 2013, la dette s'élevait, selon le calcul de la CRE, à 4,3 milliards d'euros et, selon celui d'EDF, à 5,2 milliards. Un accord entre EDF et le Gouvernement, matérialisé par un arrêté publié il y a quelques jours, prévoit la rémunération des coûts de portage associés jusqu'à fin 2012, à un taux de 5,3 %, soit un total de 627 millions.
Cette dette devrait commencer à se résorber en 2015 et pourrait être apurée en quatre ans d'après nos dernières estimations, sous réserve que le rythme annuel d'augmentation de la contribution de trois euros par MWh soit maintenu.
Le sous-jacent de l'augmentation de la CSPE est l'augmentation des charges de service public qu'elle finance. Celles-ci ont quadruplé entre 2003 et 2014, passant de 1,4 à 6,2 milliards d'euros. Le montant total cumulé des charges de service public s'élève à 30 milliards d'euros au cours de la période 2003-2014.
Le rapport détaille l'évolution des différentes filières.
S'agissant tout d'abord du soutien aux énergies renouvelables et à la cogénération, le principal fait marquant a été la bulle du photovoltaïque. Plus de 4 GW ont été installés en l'espace de trois ans, ce qui génère aujourd'hui plus de 2 milliards d'euros de charges annuelles, soit 60 % des surcoûts liés aux énergies renouvelables. La situation a été stabilisée à l'issue du moratoire de 2011. Le cadre de soutien actuel, basé sur des tarifs d'achat auto-ajustables pour les petites installations, et sur des appels d'offres pour des installations de moyenne et grande puissance, permet de réguler le développement de la filière et de répercuter au consommateur la baisse des coûts.
Dans le calcul actuel de la CSPE, c'est le paiement du stock pour le photovoltaïque qui coûte cher. Il correspond à la différence entre le prix de référence que nous payons tous, qui est de 480 euros, et le prix de gros actuel, qui est de 43 euros. Chaque fois qu'un nouvel appel d'offre est lancé sur le photovoltaïque, le prix s'établit environ à 150 euros. Il est donc en diminution, mais il faut toujours évacuer le stock, ce qui maintient un prix élevé.
La filière éolienne a bénéficié d'une grande stabilité de ses conditions de rémunération, dont la CRE a souvent souligné qu'elles induisaient des rentabilités excessives, surtout pour les parcs bénéficiant des conditions de vent favorables. Le ralentissement récent du développement de la filière est principalement lié aux contraintes réglementaires ; elles ont été en partie levées, et on s'attend désormais à une reprise de son développement, qui pourrait intervenir dès cette année.
La filière cogénération, qui représentait la majorité des charges à l'origine du dispositif, a également bénéficié de conditions de rémunération avantageuses. Les contrats d'achat de la plupart des installations sont arrivés à échéance en 2012. Toutefois, certaines dispositions réglementaires leur permettent, sous réserve de réaliser des investissements de rénovation représentant 50 % de l'investissement dans une installation neuve, de bénéficier d'un nouveau contrat d'achat. Les installations de plus de 12 MW bénéficient quant à elles d'une prime ad hoc. Ces installations, déjà largement rentabilisées, restent donc dans le cadre subventionné de la CSPE.
La baisse du prix de marché de gros de l'électricité observée au cours des dernières années a également concouru à l'augmentation de ces charges, puisque ce prix sert de référence pour le calcul des surcoûts. Une baisse d'un euro par MWh sur le marché induit une augmentation des surcoûts de l'ordre de 60 millions d'euros. En 2008, on pariait sur un prix du marché de gros aux alentours de 100 euros, ce qui ne se traduirait pas par les mêmes résultats pour la CSPE.
S'agissant maintenant de la péréquation tarifaire dans les ZNI, les charges ont progressé régulièrement, passant de 410 millions en 2003 à 1,7 milliard en 2014. Les principales raisons de cette augmentation sont l'augmentation de la consommation électrique et celle l'augmentation des prix de combustible, puisque le parc de production dans ces zones est majoritairement composé de moyens thermiques. La revalorisation du taux de rémunération du capital investi dans les moyens de production, qui est passé en 2006 de 7,5 % à 11 %, a également joué, pour un montant total d'environ 250 millions sur la période 2006-2013.
Le développement des énergies renouvelables, principalement du solaire, a été rapide dans les ZNI entre 2011 et 2012. Depuis, il s'est ralenti. Le seuil de pénétration maximal de 30 % des énergies fatales à caractère aléatoire, au-delà duquel les installations peuvent être déconnectées, est la principale raison de ce ralentissement.
Enfin, l'augmentation du nombre de ménages en situation de précarité bénéficiant de dispositions sociales a fait progresser le montant de la charge, qui représente 350 millions en 2014, soit 6 % du montant total des charges.
Sous sa forme actuelle, le dispositif est d'une grande complexité. Il implique de nombreux acteurs et le croisement important de bases de données, ce qui le rend partiellement inopérant. La CRE est favorable à une simplification de l'aide aux ménages en situation de précarité énergétique. La création du chèque énergie permettra de résoudre ce problème.
J'en viens aux principales conclusions de l'analyse prospective d'évolution de la CSPE à horizon de 2025. Les charges de service public devraient croître régulièrement pendant la période, pour atteindre près de 11 milliards en 2025. Le montant total cumulé des charges de service public entre 2014 et 2025 s'élève à 100 milliards d'euros courants.
Le poids du passé est prépondérant dans ces charges, puisque 60 % sont liées au parc actuellement en service ou à des décisions d'investissement passées. Le parc photovoltaïque installé fin 2013 devrait générer à lui seul 25 milliards d'euros de surcoûts pour la période.
Les charges liées à de nouvelles installations résultent en grande partie de la mise en service des parcs éoliens en mer lauréats des deux derniers appels d'offres, qui devraient représenter 10 milliards d'euros de charges jusqu'en 2025. La construction de nouveaux moyens de production dans les ZNI pour répondre à l'équilibre offre-demande devrait conduire à un montant total de charges de 3,8 milliards d'euros.
Dans ce scénario, l'augmentation annuelle de la contribution unitaire est capée à 3 euros par MWh jusqu'en 2017, date à laquelle elle atteint 25,50 euros par MWh. En 2025, la CSPE devrait atteindre 30 euros par MWh.
Je terminerai en évoquant la question du recouvrement de la CSPE, et de la mise en oeuvre des mécanismes d'exonération des entreprises électro-intensives. Ces opérations sont assurées par la Caisse des dépôts et supervisées par la CRE. Les enjeux financiers sont considérables : plus de 5 milliards d'euros ont été recouvrés en 2013, et les diverses exonérations de CSPE représentent un montant total d'environ 1 milliard.
Les enjeux financiers que représente la CSPE justifieraient que ces missions soient confiées à une administration disposant de moyens de contrôle plus larges que la CRE.