Intervention de Olivier Véran

Séance en hémicycle du 21 octobre 2014 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Véran, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre système de protection sociale est au coeur de notre pacte républicain. Si nous nous comparons volontiers à ceux de nos voisins qui traversent le mieux la crise économique, n’oublions pas de regarder, dans le même mouvement, l’impact social de cette crise.

Notre système est parmi les plus protecteurs du monde, et nous devons en être fiers, comme nous devons être fiers qu’il repose sur la solidarité nationale – nous cotisons selon nos moyens, nous recevons selon nos besoins –, comme nous devons être fiers à l’heure d’examiner un projet de budget qui a été construit exactement dans cette direction.

En dépit de la crise, en dépit du sérieux budgétaire dont nous faisons preuve, rien dans ce projet de loi, mes chers collègues, ne remet en cause l’architecture de notre système de protection sociale. Pas de plan de déremboursement, pas de nouvelles franchises médicales, au contraire, pas de taxe comportementale. C’est la troisième année consécutive sans recul des droits des usagers, et c’est notre fierté de le marteler.

Un transfert de charges vers les malades aurait certes eu l’avantage de nous éviter de faire des réformes structurelles pour parvenir à notre objectif budgétaire, mais l’on sait qu’à chaque fois que l’assurance maladie se désengage, que l’universalité de la prise en charge est remise en question, ce ne sont pas les déficits qui se creusent, ce sont bien les inégalités en matière de santé.

C’est d’ailleurs en raison de ce constat que l’ensemble des forces de gauche représentées au Parlement se mobiliseront au cours des débats pour que ceux des Français qui parviennent à peine au seuil de pauvreté soient exemptés à l’avenir de payer des franchises et participations forfaitaires pour leurs soins, et je me réjouis, madame la ministre, de ce que vous avez annoncé lors des questions au Gouvernement. C’est aussi pour cela que nous repousserons avec conviction tous les amendements visant à faire reculer les droits des plus fragiles – je pense notamment aux bénéficiaires de l’aide médicale d’État, mais nous aurons certainement l’occasion d’en reparler.

Il n’y aura donc pas de recul des droits, mais pas de recul non plus face à l’enjeu de la réduction du déficit de la Sécurité sociale. Le rétablissement des comptes de la Sécurité sociale est un élément déterminant tant il est vrai que l’accumulation des déficits est délétère pour l’avenir et la pérennité de notre système et participe d’ores et déjà de l’endettement de nos enfants.

Nos efforts portent leurs fruits puisque, depuis 2010, le déficit a été réduit de près de 50 %. Pour autant, il me faut lever une ambiguïté. Nous entendons et lisons parfois que les dépenses d’assurance maladie pourraient diminuer. Non. Les dépenses vont continuer de progresser, sous l’effet conjugué du vieillissement de la population et du progrès médical, mais ce PLFSS va permettre d’en maîtriser l’ampleur, de l’ordre de 3,2 milliards d’euros. Cela correspond à un ralentissement de la progression de l’ONDAM, qui sera de 2,1 %.

Ayant évacué l’idée de prendre les mesures les plus faciles, les plus injustes, le Gouvernement fait le choix de s’appuyer sur des mesures concrètes et structurelles. En premier lieu, il me faut saluer le gros effort, renouvelé, consenti par l’industrie pharmaceutique, avec tant une baisse des prix et des volumes que le déploiement des médicaments génériques. Des efforts réels sont également demandés à l’hôpital et à la médecine de ville, efforts qui portent notamment sur la pertinence des pratiques et des prescriptions.

Ce projet de loi prend aussi en compte une innovation thérapeutique majeure, qui est une bonne nouvelle pour les malades atteints par l’hépatite C, mais qui pose un véritable problème en matière de prix du médicament. À plusieurs milliers d’euros la boîte, on est bien loin d’un prix raisonnable et acceptable, surtout quand la fixation des prix n’est plus fonction des coûts de production et de l’amortissement des investissements en matière de recherche et de développement.

Derrière ce prix, qui n’est pas acceptable, il y a une forme d’indécence et de violence symbolique envers les malades, qui, j’en suis sûr, choque tous les représentants du peuple que nous sommes. Voilà pourquoi, au-delà d’un certain volume de dépenses, un mécanisme gagé sur le chiffre d’affaires du ou des laboratoires concernés se mettra en place, pour faire bénéficier tous les malades de l’innovation thérapeutique, sans fragiliser le financement de notre système de santé, fondé sur la solidarité nationale. L’État est dans son rôle en mettant en place des mécanismes de veille et de contrôle efficaces.

Cette régulation est possible car, si un acteur a défrayé la chronique, l’immense majorité d’entre eux acceptent de réaliser de gros efforts. Pour autant, la persistance de la crise que nous traversons implique la poursuite des efforts en la matière, que ce soit par des processus de négociation, ce que la mise en place d’un taux L devrait contribuer à intensifier, ou par des remboursements au juste prix, afin de pousser les établissements de santé à mieux négocier l’achat des médicaments.

Il reste un champ à développer en matière de maîtrise des dépenses, celui de la pertinence des actes. Ce qui est en question ici, c’est non pas la liberté de prescrire du médecin, mais une incitation forte à ce que soient mieux pris en compte non seulement le risque iatrogénique mais aussi les recommandations en termes de santé publique et de maîtrise des dépenses. À ce titre, il paraît indispensable, et nous en avons débattu en commission, qu’une émulation soit créée autour de ces enjeux auprès des équipes médicales. La pertinence des soins est moins affaire de directeurs de structures que de prescripteurs. Je crois fortement aux vertus de la formation continue et des échanges entre pairs.

Accroître la garantie offerte aux patients, c’est aussi mieux contrôler la qualité et la sécurité des produits de santé et des dispositifs médicaux. C’est là tout l’objet de la création d’une modalité d’inscription sur la liste des produits et prestations par description générique renforcée. Nous veillons par des amendements à ce que cet objectif de sécurité ne contrevienne pas aux engagements de simplifier les normes et les procédures.

Enfin, le virage ambulatoire dans le secteur hospitalier correspond également à une évolution positive dans la prise en charge et le suivi des patients. C’est pourquoi je me réjouis de l’adoption en commission des affaires sociales d’un amendement portant expérimentation de l’accueil pré et post-hospitalisation, que j’appelle, par souci de compréhension par le plus grand nombre, « hôtels hospitaliers ». Parfois, l’hospitalisation ne s’impose pas, mais il est important que le patient soit non loin de la structure hospitalière en cas de problème. Créer des hôtels au sein ou à proximité immédiate des établissements hospitaliers permettrait d’assurer un accueil sécurisé du patient et une prise en charge par l’assurance maladie.

À cette avancée s’ajoutent d’autres mesures de bon sens : renforcement du pilotage régional de la qualité et de la sécurité des soins en établissement de santé, mesures de sensibilisation à la prescription des très onéreux produits de la liste en sus, ou encore rationalisation de l’accès des entreprises de taxis au conventionnement avec l’assurance maladie.

Le PLFSS porte encore des mesures tarifaires pour préserver les hôpitaux de proximité et élargit les mesures incitatives pour lutter contre les déserts médicaux en tenant compte des réalités du terrain et de certains modes d’exercice saisonnier de la médecine, comme le contrat de praticien territorial de médecine ambulatoire ou l’aide à l’activité ambulatoire en zone de montagne. Là encore, par souci d’éviter des mesures trop complexes et manquant de lisibilité, la commission a adopté plusieurs amendements de simplification.

Rapporteur du volet assurance maladie, j’ai souhaité que nous débattions, sans attendre la loi de santé, de l’objectif d’une meilleure coopération des hôpitaux au sein d’un territoire de santé donné, via un projet médical partagé et une large mutualisation.

Ce PLFSS met aussi en place le tiers payant intégral pour les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé. La difficulté d’avancer les frais ne doit pas être un frein à l’accès aux soins pour les Français dont les revenus n’excèdent 11 700 euros par an et qui sont au seuil de pauvreté.

Le PLFSS consacre la place de la démocratie sanitaire en assurant le financement des associations de patients oeuvrant au niveau national et donne toute sa place à la prévention à travers la sécurisation des centres de dépistage et des centres de vaccination.

Enfin, à l’occasion des travaux en commission, c’est une volonté de partir du terrain pour améliorer concrètement la situation qui a été collectivement exprimée et qui explique certains des amendements que nous portons comme celui concernant le forfait innovation pour les dispositifs médicaux. Seuls deux dispositifs ont pu bénéficier de ce forfait depuis sa création, en 2008, et, grâce à l’intervention de Mme la ministre de la santé, en 2014. Aussi le durcissement des critères proposé dans le PLFSS nous est-il paru inadapté au regard de la réalité du modèle économique. Les travaux de la commission ont permis, je pense, de dégager un consensus à ce sujet.

Bref, nous avons encore matière à échanger durant l’examen de ce projet de loi, même si la qualité du travail effectué en commission nous a permis de faire avancer déjà un certain nombre de propositions. Je remercie d’ailleurs l’ensemble des commissaires pour le sérieux de ce travail et la valeur de nos discussions. Loin des clichés et postures politiciennes, c’est un travail de concertation sereine qu’il a été possible de mener sur la majeure partie du texte, même si, et c’est bien normal, de nombreux points de clivage perdurent encore. Je ne doute pas que nous aurons l’occasion d’en débattre une nouvelle fois au cours des jours à venir.

Le PLFSS préfigure, dans sa partie financière, les évolutions structurelles que la future loi de santé mettra en place et qui sont au coeur des besoins et des attentes des habitants de ce pays : lutte contre les phénomènes de désertification médicale, définition d’un modèle pour soutenir l’offre de proximité, renforcement des moyens de la prévention.

Pour garder à la protection sociale sa dimension universelle, sans hypothéquer son avenir ni faire des économies sur le dos des malades, les réformes d’organisation amorcées dans le PLFSS sont loin d’être négligeables, car, derrière le virage ambulatoire, la pertinence des soins et le suivi des prescriptions, c’est sur une meilleure collaboration entre soins de ville et hôpital que l’on fait reposer en partie l’architecture des évolutions en matière de santé publique.

Cet objectif, pour être réalisé, réclame que, de la défense de bastions, nous passions à une action concertée. Les cadres que nous allons poser à travers ces deux projets de loi offrent des perspectives nouvelles pour les faire exister. Dans la réalité, cela dépend aussi de l’union des hommes de bonne volonté. Vaste programme…

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