…nous engageons le débat sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015. Ces textes financiers – projet de loi de programmation des finances publiques, projet de loi de finances et projet de loi de financement de la Sécurité sociale – forment un tout, un bloc, dont la cohérence est fondée sur des objectifs communs que je souhaite rappeler.
Dans un contexte économique national et européen difficile, où la conjugaison d’une faible croissance et d’une faible inflation font courir le risque d’une déflation qui renverrait aux calendes grecques le rétablissement de nos comptes publics et la priorité essentielle qui est la nôtre, celle de la création d’emplois pour faire reculer durablement le chômage, le Gouvernement et la majorité parlementaire ont fait le choix de confirmer les engagements de la France et de mettre en oeuvre le pacte de responsabilité et de solidarité – rien que le pacte, mais tout le pacte.
Je ne doute pas que nous reviendrons encore une fois, lors de la discussion générale, sur ces choix que notre assemblée vient à nouveau de confirmer. Mais il va de soi que, sauf à sombrer dans l’incohérence, notre débat parlementaire sur le PLFSS s’inscrit et devra s’inscrire dans ce cadre.
Du strict point de vue de la mise en oeuvre du pacte de responsabilité et de solidarité, et en déclinaison de la trajectoire de redressement des comptes publics que nous venons d’adopter, notre système de protection sociale doit contribuer à hauteur de 21 milliards d’euros à l’objectif de 50 milliards d’économies sur les dépenses publiques, soit 10 milliards pour l’assurance maladie et 11 milliards pour les autres dépenses de protection sociale. Cet effort est important ; le texte soumis à notre discussion y contribue à hauteur de 5,6 milliards d’euros pour l’année 2015, le solde provenant de mesures prises ou à prendre sur le champ de la protection sociale en dehors des régimes sociaux soumis aujourd’hui à notre discussion.
Les questions qui nous sont posées sont donc relativement simples. Cet effort est-il légitime ? Cet effort est-il possible sans remettre en cause notre modèle social ? Les propositions du Gouvernement permettent-elles de réaliser cet effort dans la justice sociale ?
Sans hésitation, je réponds oui à ces trois questions, en soulignant toutefois dès à présent que l’objectif de justice sociale nous conduira à examiner des propositions que vient de rappeler Marie-Françoise Clergeau, qui visent à assurer l’équilibre et donc la sauvegarde de la branche famille, et qui nous paraissent plus justes encore.
L’effort à réaliser est donc important, mais il doit être relativisé au regard de la trajectoire financière de long terme de la protection sociale en France, sur laquelle je suis longuement revenu dans la première partie du rapport pour avis que je présente au nom de la commission des finances.
Le constat est clair : sur le long terme, l’essentiel de l’accroissement des dépenses publiques de notre pays est dû à la croissance des dépenses de protection sociale, qui explique plus des deux tiers de cette augmentation en points de PIB depuis 1978. Nous connaissons les causes de cette évolution : amélioration générale de notre système de protection sociale depuis cinquante ans, vieillissement de la population, évolutions technologiques, augmentation du niveau de vie. Les dépenses de santé, qui ne représentaient que 4 % du PIB en 1960, atteignent 11 % aujourd’hui. Quant à la part des dépenses de retraite dans le PIB, elle est passée de 10 % en 1980 à 14 % aujourd’hui.
Pour faire face à cette croissance des dépenses sociales, il a fallu procéder à une augmentation continue, de près de 6 points, des prélèvements sociaux et fiscaux. Comme je l’ai souligné dans mon rapport sur la fiscalité des ménages, l’effort a été intégralement supporté par ceux-ci. Ces augmentations ont permis de financer 4 points de PIB de dépenses de retraites et 1,5 point de PIB de dépenses d’assurance maladie, dépenses qui ont représenté respectivement 45 % et 40 % de l’accroissement des dépenses sociales.
Pour autant, cela n’a pas suffi pour faire face à l’augmentation continue de la dépense sociale, et nos régimes de protection sociale n’ont plus été excédentaires depuis 2001. D’ailleurs, chers collègues de l’opposition, seuls trois exercices ont été excédentaires au cours de la décennie précédente, sous le gouvernement de Lionel Jospin, en 1999, 2000 et 2001.
Résultat de ces déficits sociaux devenus structurels, qui se sont accumulés depuis vingt-cinq ans : depuis 1996, nous avons transféré à la CADES 226,7 milliards d’euros de dette sociale, dont 89 milliards sont aujourd’hui amortis.
Je veux appeler votre attention sur un chiffre peu souvent cité au cours de nos débats, mais qui devrait nous inspirer : depuis 1996, la dette sociale a généré près de 43 milliards d’euros d’intérêts financiers.