Intervention de Jacqueline Fraysse

Séance en hémicycle du 21 octobre 2014 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacqueline Fraysse :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, à travers cette loi de financement de la Sécurité sociale, le Gouvernement vise toujours un objectif de réduction des déficits, objectif renforcé par le plan d’économie de 21 milliards d’euros qui concerne la santé et la protection sociale.

Paradoxalement, cette loi doit aussi compenser les pertes de recettes générées par les 6,3 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales patronales que vous avez décidées et inscrites dans le pacte de responsabilité pour la seule année 2015, alors que ces mesures n’ont jamais fait la preuve de leur efficacité.

Pour atteindre ces objectifs, vous comptiez notamment sur une reprise de la croissance permettant de générer davantage de recettes. Mais, une nouvelle fois, vos prévisions étaient irréalistes au regard de l’austérité que vous imposez au pays et qui plombe notre économie. Vous étiez alors face à une équation complexe : satisfaire le diktat des règles européennes en réduisant le déficit de la Sécurité sociale et compenser les pertes de cotisations que vous aviez volontairement décidées dans la loi de financement rectificative de la Sécurité sociale.

Nous avons bien noté que vous avez résolu ce second point. Cependant, nous pouvons passer sous silence le fait qu’outre les décalages de trésorerie, cette compensation n’est rien d’autre que le résultat de mouvements en vases communicants à tuyauterie complexe. Vous transférez ainsi des dépenses de la Sécurité sociale vers l’État – l’aide personnalisée au logement, par exemple, désormais entièrement prise en charge par l’État – en même temps que vous attribuez à la Sécurité sociale des recettes précédemment perçues par l’État – comme le produit des prélèvements sociaux sur certains revenus du capital.

Ce ne sont donc que des jeux d’écritures. L’argent glisse d’un budget à l’autre, on bouge les chiffres, mais on ne crée aucune recette. D’autres budgets seront donc privés de ces ressources, d’autres mesures d’austérité seront donc mises en oeuvre. À l’évidence, cet artifice est sinon à usage unique, du moins à visée limitée. En effet, il faudra bien, tôt ou tard, affronter la question de fond de l’augmentation des recettes, car c’est là que se situe le problème. Alors que vous vous concentrez, en paroles comme en actes, sur le prétendu excès de dépenses, vous ne proposez rien pour améliorer les recettes. Au contraire, toutes les mesures prises accentuent les difficultés budgétaires de notre protection sociale, dont l’efficacité est pourtant reconnue bien au-delà de nos frontières.

Il y a trop de fraudes aux cotisations. Leur coût total est estimé par la Cour des comptes à 20 milliards d’euros, au minimum. Votre texte ne prévoit de récupérer, sur ce total, que 76 millions d’euros : pourquoi si peu ? Il y a également trop d’exonérations de cotisations sociales patronales : ces exonérations aveugles représentent des dizaines de milliards d’euros, sans aucune exigence de résultat. Et vous ne cessez d’en ajouter !

Trop de revenus ne contribuent pas au niveau requis. Rappelons que les dividendes versés par les entreprises ont progressé ces derniers mois de 18,2 % en Europe. Les résultats de la France en la matière étaient parmi les meilleurs, selon l’étude Global Dividend Index publiée en août dernier par la société de gestion Henderson Global Investors. Nous proposons donc une mesure à la fois juste et efficace : appliquer aux revenus financiers, c’est-à-dire aux dividendes et intérêts, les taux de cotisations sociales patronales actuellement appliqués aux salaires. Cette contribution nouvelle permettrait non seulement de décourager la spéculation, mais aussi de financer une politique sociale active répondant aux besoins actuels et futurs de la population.

Dynamiser notre système de financement de la protection sociale, c’est aussi peser sur les entreprises pour les sortir de l’impasse de la financiarisation qui détruit les emplois. C’est pourquoi nous proposons de mettre en place un dispositif incitatif de modulation des cotisations sociales des employeurs en fonction de leur politique salariale, d’investissement et de création d’emplois.

Malheureusement, votre démarche est inverse. Dans cette version rectifiée du PLFSS, vous avez choisi de favoriser les employeurs au détriment des salariés ; les familles et les malades aussi paieront le prix fort. C’est d’autant plus préoccupant que les inégalités sociales et financières se creusent dans notre pays. Ce sont en effet les personnes les plus démunies, les plus exposées qui, faute de moyens financiers, accèdent le plus difficilement à la prévention et aux soins. De ce point de vue, nous apprécions les mesures visant à améliorer la prévention, qu’il s’agisse du dépistage du VIH, à l’article 33, ou de l’accès à la vaccination, à l’article 34. Je remarque également avec intérêt la volonté du Gouvernement de renforcer les dispositions prises depuis décembre 2012 dans le cadre du pacte territoire santé pour tenter de faire échec aux déserts médicaux.

Ces quelques points positifs mis à part, vous continuez de réduire les moyens des hôpitaux publics.

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