Intervention de Jean-Frédéric Poisson

Séance en hémicycle du 21 octobre 2014 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Frédéric Poisson :

À part le Parti socialiste, personne n’est d’accord. Les organismes publics qui se sont prononcés sur ce budget ont tous émis un avis défavorable. L’Union nationale des associations familiales parle de « scénario inacceptable ». L’Union des familles laïques, qui n’est pas un ennemi pour la majorité actuelle, parle de « trahison du Gouvernement et de la Sécurité sociale » – je cite le communiqué de presse qu’elle a publié. Peut-être les partenaires sociaux, qui sont à la tête des organismes de gestion, sont-ils au moins d’accord ? Même pas.

On finit donc par se dire que, si les citoyens sont d’accord, c’est peut-être parce qu’on ne leur a pas exactement expliqué ce dont il s’agissait. Or, de quoi s’agit-il donc ? Pas d’une modulation – ça, c’est de la rhétorique, c’est jouer sur les mots. L’irruption de cette distinction dans le débat sous forme d’amendement en commission, ce qui est certes légitime, les institutions le permettant, est toutefois est quelque peu subreptice. On assiste à des changements de pied incessants, avec des engagements du Président de la République et de Mme la ministre de la famille et des affaires sociales, suivis à tous moments de changements d’avis. Ce n’est pas sérieux.

En réalité, on introduit une rupture et un changement profonds dans la manière dont les prestations familiales et sociales sont versées dans notre pays. Il s’agit en effet d’une rupture d’équilibre entre les trois quarts des prestations familiales, qui sont versées sous condition de ressources et en prenant très légitimement en compte des plafonds de ressources ou des montants, et le quart restant, soit un peu plus de 12,3 milliards d’euros d’allocations familiales, qui n’a jusqu’à présent jamais fait l’objet de mesures d’exception. Il s’agit d’une rupture avec le principe selon lequel la protection sociale en France comporte des mesures qui concernent certaines personnes parce qu’elles n’ont pas assez de moyens et des droits consentis sans exception, sans restrictions et sans conditions.

Nous avons entendu exprimer à cette tribune cet après-midi, et même les jours précédents, la crainte qu’en rompant avec ce principe, vous ouvriez une brèche dans les conditions générales d’attribution des prestations dans notre pays et qu’il soit un jour considéré comme légitime que vous remettiez en cause l’équilibre de l’assurance maladie et le versement de ses prestations. Le fait qu’il s’agisse d’un système assurantiel ne change rien : vous êtes en train de casser un principe sur lequel notre société est organisée depuis très longtemps.

Enfin, et il s’agit là d’un problème plutôt philosophique, alors que les allocations familiales sont la reconnaissance de l’existence de l’enfant, quel qu’il soit et où qu’il naisse, vous instaurez l’intégration des allocations familiales dans le régime de la redistribution financière, ce qui n’est ni l’esprit de la protection sociale en France, ni l’intérêt des familles. Votre modulation est donc un pur effet de rhétorique et il s’agit bien d’une rupture du principe d’universalité – toutes les gesticulations que vous pourrez faire avec des mots n’y changeront rien.

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