Intervention de Laurent Collet-Billon

Réunion du 14 octobre 2014 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement :

Je suis très heureux d'intervenir à nouveau devant vous, cette fois à propos du projet de loi de finances (PLF) pour 2015 – deuxième année d'exécution de la LPM.

Je commencerai comme d'habitude par faire le point sur l'exécution du précédent projet de loi de finances, avant d'en venir au PLF pour l'année à venir, s'agissant des programmes 146 « Équipement des forces » et 144, lequel inclut les études amont conduites par la direction générale de l'armement (DGA).

En ce qui concerne l'exécution budgétaire 2014, nous avons terminé l'année avec un report de charges de 2,4 milliards d'euros sur le seul programme 146, et de 115 millions d'euros sur le programme 144. De ces conditions d'entrée en gestion, on peut dire qu'elles ne sont pas souples. À ce jour, la gestion 2014 s'exécute conformément à la LPM, moyennant une tension sur les crédits de paiement qui nous a conduits à un pilotage des engagements que je qualifierai de prudent. Reste un aléa qui, de mon point de vue, n'est pas mineur : la levée de la réserve de précaution sur le programme 146 à la fin de l'année, pour 498 millions d'euros ; j'y reviendrai.

Sur le programme 146, les besoins de paiement, hors titre 2, s'élèvent à 11,7 milliards d'euros et les ressources en crédits de paiement, toujours hors titre 2, à 9,91 milliards, dont 1,63 milliard de ressources exceptionnelles. Celles-ci correspondent pour l'essentiel au programme d'investissements d'avenir (PIA), auquel s'ajoutent 11 millions d'euros de redevance sur le compte d'affectation spéciale (CAS) « Fréquences », qui correspondent au reliquat d'opérations antérieures sur la vente de fréquences.

Les ressources du PIA ont permis de financer les activités conduites par le ministère de la Défense dans les domaines nucléaire et spatial. Ces crédits n'étant utilisables que par des opérateurs tels que le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et le Centre national d'études spéciales (CNES), des conventions spécifiques ont été établies à cette fin. Les activités menées au profit de la Défense par ces organismes éligibles au PIA restant toutefois réduites, on a touché aux limites de l'exercice en 2014.

Compte tenu du contexte particulier d'incertitude sur la disponibilité des ressources exceptionnelles en 2014, mais aussi en 2015, j'ai opté pour une gestion prudente des engagements tout en prenant en considération les priorités opérationnelles, et parfois industrielles. Cette gestion a légèrement réduit les besoins de paiement sur l'année 2014, ce qui conduira en principe à diminuer le report de charges en fin d'année. Dans les conditions actuelles, et dans l'hypothèse d'une levée de la réserve de précaution de 498 millions d'euros, le report de charges s'établirait à 2,1 milliards d'euros, en légère baisse par rapport à 2013.

Le niveau d'engagement prévu à la fin d'année est de 12,9 milliards d'euros. Ce montant extrêmement élevé est lié à des opérations très importantes déjà lancées ou en cours de lancement, sur lesquelles je reviendrai.

Quant aux études amont du programme 144, le niveau d'engagement à la fin de l'année est estimé à un peu plus de 800 millions d'euros et le niveau de paiement à 743 millions, dont 45 millions au profit du dispositif Régime d'appui PME pour l'innovation duale (RAPID).

En ce qui concerne la maîtrise des performances, à ce jour les devis et délais des programmes sont globalement maîtrisés et, abstraction faite de l'effet de la LPM, les indicateurs sont conformes aux objectifs du projet annuel de performances (PAP).

S'agissant des commandes et livraisons, citons d'abord, pour cette année, la notification du contrat de réalisation du missile antinavire léger (ANL), première concrétisation du traité de Lancaster House dans le domaine des missiles ; en juillet, la commande du quatrième sous-marin nucléaire d'attaque Barracuda ; en août, la commande des travaux du M51.3, dans le cadre du renouvellement de nos capacités de dissuasion. S'y ajouteront à la fin de l'année, dans le cadre du programme Scorpion, le développement et l'acquisition de véhicules blindés multirôles et d'engins blindés de reconnaissance et de combat, afin de renouveler les équipements au sol de l'armée de terre, en particulier les véhicules de l'avant blindés (VAB), très sollicités lors des opérations extérieures (OPEX) ; le développement et l'acquisition du premier MRTT pour renouveler les composantes actuelles de ravitaillement en vol et de transport stratégique ; enfin, la commande, dans le cadre du système de commandement et de conduite des opérations aérospatiales (SCCOA), de radars qui contribueront à la surveillance aérienne du territoire.

Les livraisons, importantes, incluent quatre avions A400M, huit hélicoptères NH90 et onze Rafale. Peut-être avez-vous été informés par la presse de la mise à hauteur de dix Rafale marine du standard F1 au standard F3 ; le premier a été réceptionné début octobre. S'y ajoutent une frégate FREMM, 4 036 exemplaires du FÉLIN – fantassin à équipement et liaisons intégrées –, deux systèmes sol-air SAMPT et trente-trois missiles ASTER, des radars du SCCOA et un satellite franco-italien ATHENA, dans une bande de fréquence Ka particulière qui assure une grande largeur de bande.

En ce qui concerne les études amont, parmi les commandes majeures en 2014, nous prévoyons la notification du contrat FCAS DP, qui encadre la préparation, en coopération franco-britannique, du système de combat aérien futur SCAF autour d'un drone armé non piloté.

Quant aux urgences opérations (UO), un thème qui nous a beaucoup occupés à propos de l'Afghanistan, le niveau d'engagement fin août 2014 – 3,5 millions d'euros – est très faible, ce qui confirme l'efficacité de la régulation sous la férule de l'état-major des armées et, plus généralement, l'adaptation de nos matériels aux opérations extérieures actuelles.

S'agissant de la base industrielle et technologique de défense (BITD), signalons principalement le projet de rapprochement entre Krauss-Maffei Wegmann et Nexter, qui s'est traduit par la signature, le 1er juillet 2014, d'un protocole d'accord qui devrait conduire à un rapprochement effectif des deux entreprises au sein d'un nouveau groupe en 2015.

Comme l'a récemment indiqué le ministre, les exportations ont représenté 6,9 milliards d'euros en 2013, en augmentation sensible par rapport à 2012. Pour 2014, des prospects se sont concrétisés en Arabie saoudite et en Égypte au premier semestre, et nous avons de bonnes raisons d'espérer une performance satisfaisante de nos entreprises de défense sur les marchés export en fin d'année. Je ne m'attarde pas sur les prospects auxquels nous travaillons encore en Asie ou au Moyen-Orient.

Les effectifs de la DGA sont passés cette année sous la barre des 10 000 et nous poursuivons la mise en oeuvre des déflations prévues dans la LPM. Parallèlement, je dois faire face à un gel des recrutements que je ne serais pas loin de qualifier de catastrophique, car les recrutements sont indispensables pour préserver nos capacités techniques actuelles et continuer de développer la cyberdéfense. Les recrutements ayant déjà été insuffisants en 2013, la situation est extrêmement tendue. La masse salariale, qui doit atteindre 751 millions d'euros en fin d'exercice, est en baisse par rapport à 2013.

Venons-en au projet de loi de finances pour 2015. Pour le programme 146, les besoins de paiement, hors titre 2, s'établissent à 10,2 milliards d'euros hors report de charges de l'année 2014. Quant aux ressources en crédits de paiement, elles s'établissent à 9,9 milliards d'euros. Elles sont globalement stables et conformes à la LPM.

Ces ressources se répartissent en 7,8 milliards d'euros de crédits budgétaires, 2,067 milliards de ressources exceptionnelles qui doivent provenir de la vente des fréquences 700 mégahertz et 83 millions de prévisions de ressources extrabudgétaires provenant de fonds de concours et d'attributions de produits divers. On notera tout de même que les ressources exceptionnelles ont été aménagées en cours d'année pour compenser une baisse des crédits budgétaires à hauteur de 500 millions d'euros, ce qui les porte à un niveau assez élevé.

Il est prévu que les ressources exceptionnelles pour 2015 soient issues de la vente des fréquences 700 mégahertz et soient affectées au CAS « Fréquences ». Toutefois, pour que nous puissions utiliser les crédits issus de cette vente, il faut qu'ils soient disponibles dès septembre 2015. Or, le ministre lui-même l'a souligné, les nombreuses contraintes qui pèsent sur cette cession pourraient entraîner un glissement par rapport au calendrier initial. Voilà pourquoi, comme le ministre vous l'a expliqué en détail, nous instruisons en parallèle des solutions innovantes pour que les ressources exceptionnelles puissent provenir du produit des cessions de participations de l'État, lesquelles ne sont employables qu'à des opérations d'investissement capitalistique ou de désendettement de l'État. Parmi les solutions envisagées, auxquelles la DGA travaille très activement, l'une des plus intéressantes est la création de sociétés de projet. L'obtention de l'ensemble des crédits prévus en 2015 permettra de maintenir le report de charges fin 2015 au même niveau que fin 2014.

Les besoins d'engagement s'établissent quant à eux à 11 milliards d'euros.

En ce qui concerne les études amont du programme 144, les crédits de paiement s'établissent à 739 millions d'euros en 2015, en légère diminution par rapport aux 743 millions prévus en 2014. Les principales caractéristiques de l'année 2015 seront l'augmentation de 10 % des crédits consacrés au dispositif RAPID, ainsi portés à 50 millions d'euros, la montée en puissance des études sur la cybersécurité et la coopération franco-britannique dans le domaine des drones de combat, dans le cadre du programme FCAS DP, et des missiles

Le niveau prévisionnel des engagements est également de 743 millions d'euros, en retrait par rapport à 2014, mais à peu près au niveau des crédits prévus en LPM.

En ce qui concerne les commandes et livraisons en 2015, nous commanderons les travaux d'adaptation au M51 du sous-marin nucléaire lanceur d'engins « Le Téméraire ». Nous lancerons également la réalisation des satellites COMSAT NG pour renouveler nos capacités de communication spatiale ; la réalisation du système satellitaire CERES (capacité de renseignement électromagnétique spatiale) ; la modernisation de l'infrastructure des réseaux de communication du ministère, dans le cadre du programme Descartes ; la rénovation de onze avions de patrouille maritime Atlantique 2 ; l'acquisition d'un nouveau système de drone MALE (moyenne altitude longue endurance) ; l'acquisition de huit MRTT supplémentaires, après la tête de série commandée en 2014 et avant la commande de trois nouveaux exemplaires prévue ultérieurement ; les travaux de modernisation du C-130 ; et la réalisation de bâtiments de soutien et d'assistance hauturiers (BSAH).

Au chapitre des livraisons, sont prévus onze Rafale et trois mises à niveau du Rafale marine du standard F1 au standard F3, 220 armements air-sol modulaires (AASM), un lot de missiles de croisière navals (MDCN), deux avions SDCA rénovés, une frégate FREMM, des torpilles MU90, quatre hélicoptères Tigre, les vingt-cinq derniers véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI) et les 310 derniers équipements FÉLIN. Notre capacité de défense anti-aérienne sera améliorée par la livraison de vingt-trois missiles ASTER et de 200 missiles Mistral. Nous comptons également sur la réception de quatre A400M, huit hélicoptères NH90 et treize porteurs polyvalents terrestres – c'est-à-dire des camions, le cas échéant blindés.

En ce qui concerne les effectifs et la masse salariale, nous poursuivrons en 2015 les déflations prévues par la LPM. Je répète qu'il est nécessaire de préserver nos compétences pour satisfaire les demandes qui nous sont adressées, ce qui suppose parfois un apprentissage technique long. Le niveau de recrutement doit compenser les insuffisances de 2013 et 2014.

En conclusion, la première annuité de la LPM est globalement conforme aux prévisions : la renégociation des grands contrats dans les conditions prévues, la disponibilité des recettes exceptionnelles en provenance du PIA, le lancement des grands programmes M51, Scorpion et MRTT, la commande du quatrième sous-marin Barracuda sont au rendez-vous ou le seront très bientôt.

Le PLF pour 2015 permettra de poursuivre l'effort ainsi entrepris, étant entendu que les conditions de fin de gestion 2014 seront décisives pour la bonne exécution de l'exercice 2015 : les ressources exceptionnelles devront, je l'ai dit, être disponibles et il faudra également que l'exportation du Rafale prenne le relais de la commande nationale. La LPM prévoit la livraison de vingt-six Rafale sur la période concernée ; au rythme de onze par an auquel nous nous sommes engagés, cela suppose d'en exporter au moins quarante. Ces conditions sont connues depuis longtemps et font l'objet d'un dispositif de suivi qui permet de mesurer les écarts éventuels entre prévision et réalisation.

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