Intervention de Philippe Vigier

Réunion du 14 novembre 2012 à 9h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier, rapporteur :

Comme Henri Guaino, je pense que le travail des parlementaires est de s'emparer à bras-le-corps de certains sujets d'intérêt général. Si je me suis engagé avec autant de passion sur celui de l'égalité d'accès aux soins, n'y sont pas étrangers les quatre décès de médecins par burn out déplorés récemment dans le territoire de santé où je travaille. Il y en a notamment eu un à Morée dans le Loir-et-Cher, là précisément où l'ancien Président de la République était venu annoncer le lancement des maisons de santé pluridisciplinaires.

Depuis janvier dernier, j'ai beaucoup écouté. J'ai revu une nouvelle fois les syndicats. Et je demeure encore ouvert à toutes les suggestions.

Cette proposition de loi vient-elle trop tôt ? Trop tard ? Je sais seulement qu'il faut agir sans retard car le problème va immanquablement s'aggraver. Je n'oublie pas Jean-Marie Le Guen, président du conseil de surveillance de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP), déclarant en janvier dernier que si nous n'avions pas été aussi près de l'élection présidentielle, il aurait voté mon texte. Ne soyez pas schizophrènes, chers collègues.

En janvier dernier, Michel Issindou avait dit qu'il voterait sans état d'âme mon amendement tendant à exiger qu'à l'issue de leurs études, les étudiants exercent trois années dans un territoire sous-doté. Il proposait d'ailleurs alors un amendement au nom du groupe socialiste que nous n'aurions jamais osé présenter ! Si la ministre de la santé présente une grande loi de santé publique, je serai constructif. J'en prends ici l'engagement car le sujet transcende les clivages politiques.

Madame Le Callennec, j'apprécie votre approche pragmatique. La difficulté des généralistes à obtenir l'agrément de maître de stage est réelle, tous me le confirment dans la région Centre. Il n'est pas possible par exemple d'accueillir un stagiaire si on ne dispose pas d'un logement de fonction où l'héberger. Quel cabinet peut en offrir un ? Le plus souvent, les médecins sollicitent donc les mairies. S'agissant des cotisations sociales susceptibles d'être allégées, je suis ouvert à toutes les propositions. La commission est mieux à même que moi de dire lesquelles pourraient être visées.

Madame Iborra, selon vous, ni l'incitation ni la coercition n'auraient jamais marché. Pour ma part, je dis, avec beaucoup d'humilité, que seul un ensemble de mesures complémentaires permettra d'obtenir des résultats. Deux cents contrats de praticien territorial de médecine générale : ce n'est pas à la hauteur des enjeux. C'est infime par rapport au nombre total de 108 000 médecins !

Lors du drame survenu récemment dans le Lot, l'UDI n'a pas immédiatement crié avec les loups, comme tant d'autres, et elle a eu raison, car on s'est aperçu qu'il y avait d'autres difficultés que l'accès en moins de 30 minutes à un service d'urgence. L'enjeu nous concerne tous : il s'agit de défendre le magnifique acquis de la sécurité sociale, instituée en 1945, et qui fait qu'aujourd'hui la France est encore considérée comme le meilleur pays au monde où se faire soigner.

Madame Louwagie, exiger des jeunes médecins qu'ils exercent trois ans en territoire déficitaire, est-ce vraiment coercitif ? Les polytechniciens sont bien soumis à une obligation de servir l'État. Les infirmières aussi doivent remplir certaines obligations avant de pouvoir s'installer en libéral et les étudiants qui autrefois passaient les Instituts préparatoires à l'enseignement secondaire (IPES) étaient bien tenus d'enseigner un certain nombre d'années…

Madame Orliac, cette proposition de loi ne s'appliquera en 2020 que pour l'obligation d'exercer durant trois ans en territoire sous-doté, et ce afin de ne pas changer les règles en vigueur pour les étudiants en cours de cursus. Toutes les autres mesures seront d'application immédiate. Pour rétablir l'internat régional, il suffit d'une décision conjointe du ministère de la santé et du ministère de l'enseignement supérieur.

Monsieur Sebaoun, oui, il existe un gouffre entre la formation des médecins et la réalité de l'exercice sur le terrain. La formation n'a cessé de s'allonger, passée de sept à neuf ans pour les généralistes et de neuf à dix ans, quatorze ans même avec le clinicat, pour les spécialistes. Vous avez raison aussi pour ce qui est des disparités régionales. Il ne vous aura pas échappé que ma proposition de loi prévoit une possibilité d'échanges entre régions : un interne en cardiologie à Tours pourra faire, par échange, une année d'internat dans une autre ville. Beaucoup invoquent la liberté de choix qui devrait être laissée aux internes. Mais qu'en est-il vraiment aujourd'hui ? Les moins bien classés aux épreuves classantes nationales (ECN) doivent souvent arbitrer entre spécialité et région d'exercice. Aujourd'hui, le dernier du classement qui voudrait être dermatologue ne trouverait de stages d'internat que dans une région sous-dotée. S'il tient à rester dans sa région de formation, il peut être amené, selon les cas, à renoncer à devenir spécialiste et à s'orienter vers la médecine générale.

Monsieur Robinet, la possibilité d'une « perméabilité » entre régions est essentielle, j'en suis convaincu pour habiter moi-même un département limitrophe d'une autre région administrative. Les présidents d'université peuvent trouver des solutions. Il existe certes des disparités dans la formation des internes selon les régions, de même d'ailleurs qu'à tous les niveaux du cursus médical, ce n'est pas nouveau. Mais doit-on tout régenter ? Je pense, pour ma part, qu'il faut laisser de la souplesse aux universités. L'important est que les internes qui le souhaitent puissent aller acquérir un complément de formation dans une autre région. Jamais la formation médicale ne sera dispensée de manière absolument identique sur l'ensemble du territoire. Le dernier classé n'a d'autre choix en région parisienne par exemple que de faire ses stages dans les centres hospitaliers de la périphérie, où sa formation est différente de celle qu'il recevrait dans les grands CHU.

Monsieur Bapt, vous attendez la grande loi promise par Mme Touraine. Nous aurons l'occasion d'en reparler en séance publique.

Madame Besse, merci de votre soutien. Vous pouvez témoigner de l'écoute qui a été la mienne.

Monsieur Paul, je n'oublie pas que vous m'aviez soutenu en janvier dernier pour ce qui concerne l'obligation d'exercice pendant trois ans dans un territoire sous-doté et ne manquerai pas dans l'hémicycle de rappeler vos propos d'alors. Vous estimez nécessaire une refonte de toute l'architecture de notre système de soins. Ma proposition de loi n'a pas la prétention de tout régler. Il faut revoir les relations entre médecine publique et médecine privée, de façon qu'elles coopèrent mieux, dans l'intérêt des patients. L'engorgement des urgences à l'hôpital pourrait être résolu par une meilleure organisation de la permanence des soins. Mais cela suppose davantage de passerelles entre public et privé. Ne cristallisons pas l'opposition entre les deux secteurs.

Oui, monsieur Perrut, les élus locaux doivent s'impliquer – et je ne doute pas que l'égalité d'accès aux soins figurera parmi leurs priorités lors de la campagne pour les municipales de 2014. Vous avez évoqué les communautés hospitalières de territoire : leur mise en place n'a pas toujours été facile, j'en ai eu l'expérience dans l'Eure-et-Loir.

Je répondrai à Bernard Accoyer en séance publique, puisqu'il a dû nous quitter.

Monsieur Tian, je ne pense pas qu'il faille supprimer le numerus clausus – le classement qui en résulte présente l'intérêt de reconnaître le mérite. Il faut, par région, l'adapter en fonction des besoins car les médecins sont aujourd'hui mal répartis sur le territoire. Il est vrai qu'il n'est pas satisfaisant que certains étudiants partent faire leurs études en Roumanie ou ailleurs avant de revenir exercer en France. Mais voilà trente ans que les étudiants vétérinaires partent se former en Belgique tout simplement parce que là-bas, il n'y a pas de concours classant ! Je ne souhaite pas qu'on ouvre les vannes pour le numerus clausus, simplement qu'on l'adapte, éventuellement à nombre constant. Reconnaissons toutefois que l'écart entre le dernier reçu et le premier recalé est minime. Sur quels critères s'opère la sélection ?

Monsieur Jacquat, comme vous le constaterez dans certains de mes amendements, j'ai tenu compte du fait que les infirmiers, les sages-femmes et les masseurs-kinésithérapeutes s'étaient engagés dans un mécanisme conventionnel de régulation de leur installation. Les actes n'ont pas été suffisamment revalorisés par le passé. Ne soyons pas hypocrites : les professionnels qui acceptent de travailler dans les zones sous-dotées sont mieux payés. Et souvenons-nous qu'il fut un temps où les actes infirmiers du professionnel qui avait réalisé plus de 18 000 actes médico-infirmiers (AMI) dans l'année n'étaient plus remboursés.

Madame Poletti, merci de votre soutien fidèle et de votre engagement sans faille.

Monsieur Guaino, vous faites montre d'un bel esprit républicain dépassant les clivages partisans. L'accès aux soins, au même titre que l'accès à l'emploi et l'accès au logement, fait partie du triptyque des droits sociaux que nous défendons. Je tiens à ce que notre pays soit exemplaire en ce domaine.

Monsieur Guedj, je vous remercie de votre « non de soutien ». C'est un premier pas et ne doute pas que vous saurez aller plus loin.

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