Intervention de Paul Molac

Réunion du 14 novembre 2012 à 16h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Molac :

La lutte contre le terrorisme est une priorité nationale et la récente actualité nous a rappelé amèrement que la menace était réelle. Le terrorisme, c'est une guerre insidieuse, sournoise, qui guette nos concitoyens dans leur quotidien et s'attaque à tous sans distinction. Nous devons nous protéger, et votre détermination, monsieur le ministre, nous rassure comme elle doit rassurer nos concitoyens.

Toutefois, la modification de la loi que vous proposez pose plusieurs problèmes. Le durcissement en est-il à ce point nécessaire et ne va-t-il pas à l'encontre de certains des principes de droit qui fondent notre démocratie ? La loi actuelle est déjà très répressive. L'accusation d'association de malfaiteurs en vue d'une entreprise terroriste permet de placer en détention presque n'importe qui sur la base de simples conversations. Ce type de disposition a d'ailleurs été dénoncé par des associations de défense des droits de l'homme. La législation actuelle nous paraît suffisante pour assurer la protection de nos concitoyens, et la correction des dysfonctionnements constatés lors d'une affaire récente doit être recherchée ailleurs que dans une modification de la loi.

L'impérieuse nécessité de lutter contre le terrorisme ne doit pas nous faire oublier certaines dérives dans l'application de la loi antiterroriste. Comme l'a rappelé la Ligue des droits de l'homme, cette loi ne doit pas être un instrument de lutte contre l'immigration clandestine, pas plus qu'elle ne doit être utilisée pour réprimer certaines idées minoritaires dans notre espace politique. Je pense aux protagonistes de l'affaire de Tarnac ou aux militants indépendantistes basques et bretons, dont deux d'entre eux ont été acquittés à l'issue de leur procès après avoir effectué deux à trois ans de détention provisoire. Nul besoin de partager leurs idées indépendantistes pour convenir que ces personnes ont été injustement traitées. De même, dans le cas d'Aurore Martin, la police et la justice françaises doivent-elles être les instruments d'une politique de répression aveugle menée par l'appareil d'État espagnol ? La loi espagnole permet de condamner des partis politiques qui n'ont pas désavoué très fermement le terrorisme. Si cela a des avantages, il y a aussi des inconvénients. Avec une telle loi, le Sinn Féin aurait été interdit en Irlande du Nord, Gerry Adams emprisonné en Grande-Bretagne et le processus de paix entre l'IRA et les milices protestantes n'aurait pas pu être engagé. À l'heure où le Pays basque est en train de tourner une page du terrorisme, cette affaire est malvenue et inopportune. Je ne vous fais pas de procès d'intention, monsieur le ministre, je pense que vous n'y êtes pour rien. Permettez-moi de citer la déclaration d'indépendance des États-Unis : « Les gouvernements sont établis pour garantir les droits de l'homme ». La difficulté avec le type de loi que nous examinons, c'est de tenir une ligne entre la préservation des droits de l'homme et leur limitation pour lutter contre le terrorisme. À notre sens, la lutte contre le terrorisme a plus besoin d'un encadrement des procédures judiciaires pour éviter les abus que je viens de mentionner que du durcissement de la loi antiterroriste.

Un autre problème est la définition du terrorisme, qui nous semble trop large. Viser les personnes intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur offre déjà de multiples possibilités pour lancer des poursuites judiciaires. Je suis surpris que les services de police demandent encore une extension. Pourquoi ne pas s'inspirer de la définition de l'ONU : le terrorisme a pour intention de causer la mort ou de graves blessures corporelles à des civils ou à des non-combattants lorsque le but d'un tel acte est, de par sa nature ou son contexte, d'intimider une population, de forcer un gouvernement ou une organisation internationale à prendre une quelconque mesure ou à s'en abstenir ? C'est une définition plus précise qui permet de réduire les cas d'abus manifestes.

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