Intervention de Nathalie Kosciusko-Morizet

Réunion du 14 novembre 2012 à 16h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNathalie Kosciusko-Morizet :

Un phénomène nous préoccupe tous : la consultation de sites Internet incitant à la radicalisation. Il s'agit d'un phénomène grave et dont l'importance va grandissant. Certains sites, dont les adolescents ou les jeunes adultes s'échangent parfois les adresses, proposent de petites vidéos très bien faites, faciles à diffuser, contenant des images glaçantes, soigneusement mises en scène et accompagnées de musiques obsédantes ou de récitations de versets du Coran. Elles ont un impact très fort sur ceux qui les visionnent. Dans la mesure où ces sites sont généralement hébergés à l'étranger, nous ne disposons pas d'un moyen technique simple pour en interdire l'accès. De même, leur consultation régulière ne fait l'objet d'aucune qualification juridique.

Je sais, monsieur le ministre, pour avoir pris connaissance des débats du Sénat sur le sujet, que vous ne vouliez pas vous exposer à un risque de censure en introduisant dans le projet de loi une disposition – faire de la consultation habituelle de ces sites un délit – pouvant être considérée par le Conseil constitutionnel comme excessive au regard des enjeux et attentatoire aux libertés publiques. Je fais donc une proposition qui s'appuie à la fois sur l'expérience en matière de pédopornographie et sur le travail mené par le Conseil d'État sur le projet de loi déposé au printemps dernier.

La notion clé, pour éviter une annulation par le Conseil constitutionnel, est celle de proportionnalité entre les atteintes aux droits et libertés et les objectifs poursuivis. Une garantie consisterait donc d'abord à prévoir une dérogation au bénéfice de professions pour lesquelles la consultation de tels sites répond à un besoin manifeste : journalistes, chercheurs, par exemple. Ensuite, on pourrait ne pas appliquer à la consultation habituelle de sites faisant l'apologie du terrorisme trois règles de procédure propres aux faits relevant du terrorisme, mais qui ne paraissent pas adaptées en l'espèce : l'allongement à vingt ans du délai de prescription de l'action publique, la prolongation de la garde à vue et les perquisitions de nuit. Grâce à ces deux éléments, il serait possible d'atteindre l'objectif – recherché par beaucoup de membres de la Commission, appartenant à la majorité comme à l'opposition – de réprimer la consultation habituelle de sites appelant au jihad, tout en écartant le risque d'une annulation par le Conseil constitutionnel.

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