Intervention de Serge Bardy

Réunion du 15 octobre 2014 à 9h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Bardy :

L'industrie papetière est en effet fortement capitalistique, monsieur Laurent Furst. Dans le tableau que M. Nicolas Bouzou en a dressé, elle risque d'être la prochaine industrie à disparaître du paysage français, après les industries extractives. Elle a perdu 33 % de ses emplois en dix ans, contre 22 % pour l'ensemble de l'industrie.

Je précise que notre rapport a été mis en ligne par la Documentation française. Vous y trouverez l'analyse de différents modèles économiques.

Si la filière graphique connaît des difficultés particulièrement aiguës, il n'en va pas de même pour le carton et l'emballage, où la croissance est de 5 %, et pour la ouate, où l'on atteint presque une croissance à deux chiffres dans certains secteurs.

Le changement de paradigme que j'évoquais ne consiste pas à abandonner la réflexion sur le papier, mais à enrichir cette réflexion en l'étendant à l'ensemble des marchés faisant appel à la cellulose, qu'il s'agisse de fibre vierge ou de fibre recyclée. Alors que nous ne devions aborder, au départ, que la fibre recyclée et le papier graphique, nous avons élargi notre analyse à l'ensemble des fibres et aux trois principaux marchés : graphique, carton-emballage et ouate.

Si des pays comme l'Allemagne ont interdit la mise en décharge du papier, c'est parce qu'elle libère du méthane, gaz vingt-trois fois plus nocif pour l'environnement que le CO2. Nous proposons de suivre cette voie.

Par ailleurs, le recyclage consomme deux fois moins d'énergie et émet 55 % de CO2 de moins que la production de papier à partir de fibres vierges. J'ajoute que 60 % des papiers et cartons sont recyclés en Europe.

Je vous prie de d'accepter mes excuses, monsieur Michel Heinrich, pour n'avoir pas suivi avec suffisamment d'attention les invitations lors de mes déplacements.

Notre rapport prend en compte votre suggestion concernant les contrats d'approvisionnement, puisque le chantier 19 est intitulé « Définir puis promouvoir les contrats bitripartites entre collectivités locales, industriels papetiers, et récupérateurs le cas échéant, dans le prochain agrément 2017-2021 de la filière des papiers graphiques ».

Vous avez fort bien détaillé les aspects éco-industriels du fonctionnement des entreprises de votre région, dont Norske Skog Golbey. Le chantier 26 en énonce le modèle : « Appuyer la mise en oeuvre de dispositifs d'écologie industrielle territoriale afin d'assurer aux industriels un approvisionnement énergétique moins coûteux, plus écologique et en faveur du rétablissement de leur compétitivité ».

La compétitivité a toujours été un axe de notre réflexion, monsieur Laurent Furst. Sans compétitivité, cette industrie est promise à une disparition certaine. Tous les leviers que nous proposons ont fait l'objet d'une discussion avec les grandes fédérations de l'industrie papetière et visent à améliorer cette compétitivité.

Nous ne sommes nullement naïfs face à la Chine, monsieur Michel Heinrich. Dans une grande métropole que nous avons visitée, une personne est employée depuis plus de dix ans comme trader vendant le papier collecté au plus offrant sur le marché mondial. Les balles s'en vont souvent – mais pas toujours – vers l'Asie, avec un pic lors des fêtes chinoises. Dans le même temps, la collectivité reçoit la manne d'ÉcoFolio. De la part d'un territoire subissant un fort chômage, cela semble assez paradoxal ! C'est pourquoi nous demandons, dans le chantier 11, une obligation de détention de certificat de recyclage des papiers, et, dans le chantier 16, l'instauration d'une comptabilité analytique pour la collecte et le tri des déchets par les collectivités – ce qui nous a valu, du reste, des réactions parfois vives de la part des maires.

Le centre technique du papier de Grenoble, madame Françoise Dubois, est une référence mondiale. Il doit affronter, comme d'autres CTI, une baisse de ses dotations. Une nouvelle baisse le mettrait en péril, alors qu'il apporte une grande aide aux PME-PMI en matière d'innovation – comme ce papier imperméable qu'on est en train de mettre au point.

Dans la circonscription dont je suis l'élu, monsieur Furst, le coût de la collecte porte-à-porte est de 43 euros, très en dessous de la moyenne nationale, mais l'on constate aussi une augmentation de l'apport volontaire de papier. Peut-être s'agit-il d'un cas particulier, mais l'exemple mérite réflexion.

Le rapport appelle également à la vigilance quant à la concurrence entre bois et papier récupéré. La mise en place d'une filière cellulose permettra de maintenir un équilibre.

La fabrication de papier à partir de chiffons, madame Laurence Abeille, ne représente qu'une infime partie de la production. Nous ne l'avons donc pas incluse dans les modèles économiques.

Parmi les pans entiers d'industrie qui disparaissent, on peut citer la reliure. Il ne reste plus qu'une seule entreprise industrielle de reliure en France : les autres sont en Italie.

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