Nous avons déjà évoqué les ruptures dans le domaine du numérique et je voudrais maintenant prendre l'exemple du véhicule du futur. A l'ouverture du Mondial de l'automobile, nous avons publié un rapport partant de l'approche : « Quel véhicule pour dans 30 ans ? » Avec la croissance de l'urbanisation, le changement du bouquet énergétique, on voit apparaître des ruptures très importantes, notamment avec le développement du véhicule électrique, qui vont remettre en question la fonction même du véhicule ainsi que les technologies employées. Mais c'est aussi la structure verticale actuelle des constructeurs automobile avec ses sous-traitants intégrés qui va devoir être remise en cause et ceci très rapidement. Des bouleversements se produiront comme ceux qu'a connus l'industrie du numérique, qui vont amener à une restructuration nouvelle de l'industrie faisant apparaitre des leaders indépendants spécialisés sur les grandes étapes de la chaine de valeur. Mais revenons au modèle d'innovation ; le modèle de la « Silicon Valley » n'est peut-être pas le meilleur modèle, ni le seul. Le modèle d'innovation de la « Silicon Valley », qui sert de référence mondiale à cause de son succès, repose sur des fondements culturels de la société américaine, en particulier le goût pour ‘invention et l'utilisation d'un dispositif nouveau pour une fonction nouvelle, qui correspond mal à l'état d'esprit des ingénieurs français, qui sont plutôt formés pour la recherche de la performance à travers l'invention et la mise au point de (grands) systèmes technologiques nouveaux. A la pure imitation du modèle américain, il conviendrait donc plutôt de substituer en France le modèle de l'innovation « intégrative », qui vise moins la performance au niveau de chaque composant que la constitution de systèmes intégrés combinant les efforts de tout un réseau d'entreprises et recréant des mécanismes de filière. Cette approche repose sur une solidarité non seulement d'efforts entre partenaires, mais aussi une solidarité objective pour accéder au marché et réussir sur ce marché. Ce principe assure une place d'importance aux PME chargées de l'invention de composants spécifiques du système mais dont le caractère innovant constitue un atout pour l'ensemble. C'est un schéma d'innovation de cette nature basée sur l'intégration technologique dans le cadre d'un éco-système qu'il faut rechercher pour notre pays.