Intervention de Pascal Canfin

Réunion du 7 novembre 2012 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement :

Budgétairement, vous avez en effet parfaitement raison ! Notre pays peut d'ailleurs progresser sur ce plan-là, nous aurons l'occasion d'en discuter avec vous lors des Assises du Développement et de la Solidarité Internationale.

Légitimement, les Français s'inquiètent donc plus qu'ailleurs en Europe des résultats obtenus. S'ils sont majoritairement favorables au maintien voire au développement de cette politique, ils s'interrogent en effet plus que les Scandinaves ou les Britanniques sur son efficacité, son utilité et son impact. Nous devons aux contribuables et aux citoyens des pays dans lesquels nous intervenons une telle transparence. En tant que ministre, je ne suis pas en mesure de dire combien de vaccins nous avons contribué à distribuer, combien d'enfants nous avons contribué à scolariser, combien de kilomètres de routes nous avons contribué à construire etc. Il est temps de combler de telles lacunes. Les Britanniques et la Banque mondiale (BM) l'ayant fait, je ne vois pas pourquoi nous n'y parviendrions pas. Je peux d'ores et déjà vous annoncer que, dans le cadre des Assises, nous nous pencherons sur une série d'hypothèses, de scénarios et d'indicateurs potentiels - les méthodes sont complexes – permettant de calculer, par exemple, la part imputable à la France dans l'effort réalisé par la Banque Mondiale sur tel ou tel sujet. Là encore, nous en discuterons ensemble et le Gouvernement, ensuite, arbitrera.

La transparence concerne également les flux financiers. Ceux qui partent du sud et remontent vers le nord à travers des montages fiscaux complexes et optimisés pouvant passer par des territoires plus ou moins exotiques représentent dix fois le montant de l'APD. Parce qu'il est essentiel d'agir sur ce plan-là, notre politique de développement dépasse donc le cadre strict de l'APD, le travail que nous avons engagé avec M. Pierre Moscovici, ministre de l'Economie et des Finances sur la transparence des investissements des multinationales ne coûtant de surcroît rien du tout sur le plan budgétaire alors que son impact est déterminant sur les conditions du développement. Avec les pays scandinaves, la France est aujourd'hui le pays le plus en pointe sur cette question dans le contexte de révision de la directive européenne dite « transparence », laquelle aboutira avant la fin de cette année à la définition d'un nouveau cadre. Il s'agit, en effet, de parvenir à la transparence complète des investissements, pays par pays, projet par projet, de manière à ce que nous puissions lutter contre la corruption et que les États puissent collecter des impôts leur permettant ensuite de mener à bien des politiques publiques d'éducation, de santé, d'infrastructures, sans recourir à la solidarité internationale.

C'est également dans cet esprit que la France a été le premier pays à annoncer sa contribution au financement du nouveau Fonds de la Banque Mondiale – au tiers du financement global - visant à promouvoir des contrats équitables entre grandes entreprises et États africains dans un premier temps – le projet est porté par le vice-président Afrique de la BM – afin de pouvoir financer des journées où avocats, consultants, fiscalistes permettront aux États de jouer à armes égales dans les négociations. Aujourd'hui, chacun sait que les entreprises, et c'est légitime, arrivent avec des cohortes de professionnels rompus à la négociation, au droit international, à la responsabilité juridique quand, en face, les compétences sont parfois beaucoup plus légères. Nous avons donc souhaité un rééquilibrage. L'utilisation des fonds supposera bien entendu de la part des États concernés le respect de conditions de transparence. Cette mesure me paraît extrêmement intéressante en raison de l'effet de levier induit qui permettra aux États, je le répète, de se passer in fine de l'APD.

Troisième mot-clé : soutenabilité.

La communauté internationale s'interroge sur les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et sur l'agenda de lutte contre la pauvreté. Comment dépasser les OMD alors qu'ils sont partiellement atteints et qu'ils doivent être révisés à partir de 2015 ? Comment, de surcroît, les intégrer à l'agenda plus large de la soutenabilité globale ? Plus concrètement, comment continuer à tirer de la pauvreté 1,3 ou 1,4 milliard de personnes qui vivent avec moins d'un dollar par jour ? Comment faire en sorte que les classes moyennes des pays émergents qui, depuis une décennie, accèdent à la richesse puissent vivre comme nous alors que les ressources de la planète sont limitées ?

Quelles que soient nos divergences politiques, nos analyses seront les mêmes quant à la tension existant sur les ressources fossiles, les minerais, le changement climatique, l'eau, la biodiversité : tous les indicateurs, au mieux, sont à l'orange et, au pire, au rouge. Personne ne sait, aujourd'hui, comment résoudre ces problèmes mais nous devons y travailler ensemble. Je souhaite que notre politique de développement s'inscrive dans cet agenda-là.

Par ailleurs, M. le ministre Laurent Fabius a évoqué la « signature développement durable » de l'APD française, façon de souligner que nous devons être les plus exemplaires possible. J'ai quant à moi entrepris un certain nombre de changements dans ce sens et, tout d'abord, en ce qui concerne le cadre sectoriel « énergie » de l'Agence française de développement (AFD), principal opérateur de l'APD.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion