Intervention de Pascal Canfin

Réunion du 7 novembre 2012 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement :

Les entreprises sont évidemment associées aux Assises. Un représentant du MEDEF International m'a assuré que son organisation sera représentée alors que ce n'était pas le cas lors de la première session. Ce n'était pas faute, pourtant, d'avoir lancé les invitations. Je compte particulièrement sur les représentants des entreprises pour participer aux travaux du cinquième chantier, dédié à l'innovation technologique et financière. Ainsi ne nous contenterons-nous pas de travailler sur les secteurs les plus impliqués dans la conduite des projets de développement. Par exemple, nous pourrons examiner la situation des télécoms et nous pencher sur les questions qui se posent en Ethiopie avec France-Télécom, auxquelles nous devons pouvoir répondre. Il en est de même s'agissant de la capacité des petits producteurs paysans à accéder à l'information concernant les cours mondiaux directement sur leur téléphone portable puisque l'Afrique n'est pas passée par l'étape du téléphone filaire - aujourd'hui, il est en effet plus facile de procéder à un paiement avec son téléphone portable à Nairobi qu'à New York ou à Paris. Comment donc utiliser les nouvelles technologies au service du développement sinon en identifiant les entreprises susceptibles d'être intéressées ? Notre diplomatie économique éprouve des difficultés pour contacter les PME, les TPE et parfois même les ETI qui, dans des secteurs comme les High T., n'ont pas l'habitude de travailler avec les administrations. Je tiens à engager un tel travail. Si certains d'entre vous, dans vos circonscriptions – certains bassins d'emplois étant plus concernés que d'autres - souhaitent être pionniers en la matière, qu'ils n'hésitent surtout pas à nous contacter pour que l'on puisse examiner lors du chantier « innovation » la meilleure façon de travailler en lien avec les territoires et les entreprises qui y sont implantées.

La RSE est quant à elle déterminante parce qu'elle permet de tirer la mondialisation vers le haut à travers des clauses sociales et environnementales et qu'elle permet également de répondre à des interrogations légitimes. Par exemple, il ne me semble pas acceptable que des entreprises chinoises financées par l'AFD ne respectent pas sur le terrain les grands principes du droit international dans le domaine social et environnemental. En outre, au sein des appels d'offres, la RSE permet de fixer des règles du jeu a priori plus favorables aux entreprises européennes qu'à d'autres. Si ces règles consistent à ne pas tenir compte des conditions de travail et de logement des ouvriers non plus que de la façon dont sont traités les déchets des chantiers, nous perdrons, car il y aura toujours un administrateur, une ONG ou un journaliste pour, à juste titre, nous rappeler à l'ordre et, dans ce cas-là, le marché nous échappera. Je crois beaucoup à l'introduction des clauses sociales et environnementales dans les marchés de l'AFD et des autres bailleurs. Je prendrai d'ailleurs des initiatives à ce sujet dans les prochaines semaines dans le cadre de notre réflexion autour de l'AFD puisqu'il est difficile de demander aux autres de faire ce que nous ne ferions pas. Notre action portera ses premiers fruits avant la fin de l'année et je ferai en sorte, ensuite, que les autres bailleurs suivent. J'ai déjà évoqué cette question avec le président de la Banque mondiale, j'en parlerai demain aux commissaires européens concernés et je gage que les choses avanceront.

Nous ne sommes pas en l'occurrence dans la pratique de liaison de l'aide car cela ne serait conforme ni aux obligations internationales de l'OCDE, ni au respect de nos valeurs, ni à notre intérêt. Nous n'avons en effet qu'une très faible part du « gâteau » des appels d'offres. Si nous lions l'aide en considérant que les financements de l'AFD ne seront accordés qu'à des entreprises françaises et si tous se comportent de la même manière, nous perdrons. Autant donc travailler sur les conditions sociales et environnementales - en excluant ceux qui se livrent à de la concurrence déloyale - et, ensuite, sur des secteurs utiles tels les énergies renouvelables ou l'ensemble des services urbains pour lesquels existent une vraie demande et de vrais enjeux de développement. Ce sera évidemment positif si, au final, une entreprise française peut bénéficier des crédits.

Monsieur Janquin, vous avez eu raison de rappeler que le changement de nom du ministère ne relève pas d'une opération du Saint-Esprit. Il survient en effet au terme d'un long processus d'une quinzaine d'années engagé par M. Jospin. Nous nous inscrivons dans cet héritage et nous le revendiquons. Il sera d'ailleurs difficile de revenir dessus, je le répète, quelles que soient les majorités.

Le Haut conseil de la coopération internationale (HCCI) est moribond. Le lancement d'une nouvelle structure de concertation pérenne qui ne soit ni complètement informelle ni une usine à gaz constitue l'un des chantiers des Assises. Si vous avez des informations à ce propos - lorsque, bien entendu, celles concernant les Assises vous auront été transmises par des canaux divers et variés ! -, n'hésitez pas à participer aux trois heures de discussion qui seront dédiées à cette question.

S'agissant de la souveraineté monétaire, un sommet de la zone franc a été organisé. A Dakar et à Kinshasa, François Hollande a affirmé qu'il était ouvert à des aménagements – il ne s'agit évidemment pas de détricoter cette zone, ce que d'ailleurs personne ne nous demande – afin de faire en sorte que disparaissent les quelques abus qui ont été pointés s'agissant de la gestion de trésoreries et des banques centrales. Nous travaillons en ce sens. Je le répète : nul ne demande une réforme structurelle de notre coopération monétaire mais si tel était le cas, nous pourrions envisager un dialogue.

La francophonie, monsieur Dupré, ne relève pas de mes responsabilités mais de celles de Mme Yamina Benguigui.

Le futur COM de l'AFD, qui commencera en 2014, sera négocié en 2013, ce qui impliquera de lancer un processus d'évaluation de l'actuel contrat.

Au conseil d'administration de l'AFD qui aura lieu demain, sera discuté le premier cadre dit de « sécurité financière » qui permettra de lutter contre la corruption et de garantir l'absence de tout conflit d'intérêt de manière à éviter que l'Agence finance le projet d'une entreprise dont le responsable serait le petit-neveu du chef d'État du pays concerné. Des procédures seront désormais formalisées afin d'éviter de tels cas de figure et nous avons vérifié qu'elles soient compatibles avec les règles internationales comme celles du Groupe d'action financière (GAFI). Je souhaite que l'AFD soit exemplaire en la matière.

Nous n'aurons certes pas fini d'épuiser cette question avec le cadre de sécurité financière même s'il s'agit d'un progrès notable. Nous pourrons aussi oeuvrer, par exemple, à la résolution des problèmes liés aux paradis fiscaux même si l'AFD et le ministère sont contraints par un certain nombre de règles. Ainsi existe-t-il une liste française des paradis fiscaux sur laquelle s'appuie l'AFD mais celle-ci ne peut décréter que la juridiction de tel ou tel pays est non coopérative et refuser les flux ou les projets qui les traverseraient. Nous veillons à faire le maximum dans le cadre actuel des contraintes règlementaire, puis, nous essaierons d'aller au-delà.

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