Notre pays traverse une période de mutation technologique, sociale et environnementale sans précédent, avec les conséquences qu'on sait : chômage, désindustrialisation accélérée, etc. La dette publique ayant doublé en dix ans, nos contraintes budgétaires sont fortes. Un des indicateurs de la gravité de la situation est le déficit abyssal de notre balance commerciale : de 72 milliards d'euros en 2011 et probablement d'un niveau équivalent cette année et l'an prochain.
Comme Mme Nicole Bricq, je considère que le commerce extérieur est ou devrait être une grande cause nationale. Cette conviction n'est pas l'effet de l'enthousiasme que peut éprouver un rapporteur spécial pour son sujet, elle est dictée par le principe de réalité : un milliard de déficit commercial correspond en effet à la perte de 10 000 emplois dans notre pays.
Les crédits des actions 7, Développement international des entreprises, et 20, Financement des entreprises et attractivité du territoire, s'élèveront en 2013 à 104,3 millions d'euros, soit moins de 1 % des crédits de la mission « Économie ». Pour l'essentiel, ils sont destinés à financer les subventions pour charges de service public versées aux deux opérateurs de l'Etat, Ubifrance et l'Agence française pour les investissements internationaux, l'AFII.
Ce montant peut paraître faible pour une cause nationale. Cependant, ces crédits restent globalement stables malgré le contexte budgétaire difficile ; en outre, le soutien au commerce extérieur de la France ne dépend pas uniquement des moyens alloués, c'est aussi et surtout une question de stratégie et de structuration.
Les résultats de notre commerce extérieur sont en grande partie déterminés par des facteurs exogènes, tels que le cours de l'euro ou le montant de la facture énergétique, sur lesquels nous n'avons que peu de prise, et on ne peut donc espérer les améliorer qu'au prix d'une action sur le temps long. Le Gouvernement s'est donc fixé un objectif précis, réfléchi et à notre portée : remettre à l'équilibre la balance commerciale hors énergie d'ici à cinq ans, ce qui représente un effort de vingt-six milliards d'euros.
Madame la ministre, votre action, que vous avez pris le temps de nous présenter en détail, s'articule autour de cinq axes forts sur lesquels nous souhaiterions des précisions.
Vous avez décidé de confier le pilotage aux régions, considérant qu'elles connaissent bien les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) de leurs territoires, qu'elles mesurent leurs savoir-faire et leur capacité d'innovation. Les régions ont répondu à votre appel et se sont engagées, le 12 septembre dernier, sur des objectifs chiffrés. Elles devront arrêter, si ce n'est déjà fait, des plans régionaux d'internationalisation qui seront inclus dans leurs schémas de développement économique. Cependant, le rôle qui leur est ainsi dévolu inquiète les tenants d'un État jacobin. Comment concevez-vous l'articulation entre leur action et celle, indispensable, de l'État ?
Le financement et le conseil seront confiés à la Banque publique d'investissement, la BPI, dont le volet international doit beaucoup à votre action. Nos produits de financement de l'export sont insuffisamment concurrentiels ; s'il faut se garder de comparaisons systématiques avec l'Allemagne, force est de constater que, dans ce pays, ils sont excellents et jouent un rôle déterminant dans la réussite des entreprises nationales. Quant à la mission plus qualitative de conseil, elle est tout aussi importante dans la durée, sinon plus, que cette mission de financement.
Vous avez également proposé de travailler sur le couple filièrespays. Afin de combler notre déficit, nous nous centrerons sur nos filières porteuses comme l'agroalimentaire, la « ville durable » et les transports – domaines dans lesquels nos entreprises publiques et privées ont un vrai savoir-faire –, mais également les écotechnologies et la santé. Ne croyez-vous pas que la bonne corrélation entre pays et filières est difficile à trouver ? N'aurions-nous pas intérêt à travailler à partir de la demande existant dans certains pays, plutôt qu'à partir de notre offre de produits et de services ?
Le rôle d'Ubifrance sera renforcé. Son budget est préservé en 2013, pour lui permettre de poursuivre sa restructuration. Avec les régions, cet opérateur constitue le pivot de votre stratégie, même si vous prenez également en compte les collaborations parfois fructueuses qui existent avec les chambres de commerce internationales et avec les comités de filières professionnelles.
Notre attractivité est l'affaire de l'AFII, dont le budget baisse de 7 % dans le cadre de l'effort de redressement national. Nous continuerons de soutenir l'action de cette agence car elle est stratégique pour notre économie. C'est l'AFII en effet qui attire les investissements étrangers sur notre territoire ; or ceux-ci sont à l'origine de 13 % des emplois salariés, de 20 % du chiffre d'affaires de l'économie française, et de 20 % des dépenses de recherche et développement. Une fois achevée la réorganisation d'Ubifrance et de ses missions, ne faudra-t-il pas consentir le même effort pour l'AFII et son réseau d'agences ?
Votre stratégie intègre une forte volonté de défendre les positions de la France à l'international, à travers les accords de libre échange, l'exigence de réciprocité ou le respect des préoccupations environnementales et sociales. Notre pays ne peut évidemment travailler seul dans ce domaine, et je salue votre souhait de construire un véritable axe politique avec d'autres pays.
Au cours de la préparation de ce rapport, j'ai constaté l'énergie et les efforts que vous avez déployés en faveur de cette cause nationale. Vous agissez à la fois dans le temps politique court et sur le long terme. Mais, pour cette action de longue haleine, il faut que vous ayez le soutien de vos collègues de la culture, de l'éducation et de la formation professionnelle, ainsi que de l'intérieur et bien sûr de l'économie, pour faire de l'ouverture internationale une seconde nature de la France. Dans ce travail pour avoir raison des freins culturels à l'export, ne croyez-vous pas aussi qu'il serait utile d'organiser, dans dix-huit mois, une conférence nationale de l'export, afin de rendre lisible votre action, de faire le point sur votre stratégie, mais aussi de sensibiliser les autres acteurs touchés par l'internationalisation de l'économie ?
En conclusion, non seulement j'appelle à voter ce budget et à approuver la stratégie proposée mais, en tant que rapporteure spéciale, je m'investirai pleinement pour que le Parlement soit à vos côtés. Notre pays ne vit pas une crise, mais une mutation ; il a des atouts, et votre action portera ses fruits pour peu que nous agissions aussi sur le temps politique long. L'éducation, qui doit faire de nos jeunes des citoyens ouverts au monde, la formation professionnelle, les relations extérieures, l'innovation et la culture sont des secteurs à ne pas négliger pour réussir l'internationalisation de notre économie.