Je remercie Monique Rabin, rapporteure spéciale, d'avoir soutenu la stratégie que j'ai eu l'honneur de présenter récemment. Je reviendrai devant les commissions compétentes pour la développer et présenter les priorités de notre action. Jean Glavany, rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères, a eu raison de poser d'emblée le problème de la compétitivité. C'est au coeur de l'actualité puisque le Gouvernement formulera des propositions en ce domaine à l'issue du séminaire du 6 novembre prochain. Anne Grommerch, rapporteure pour avis sur le programme « Entreprises », a elle aussi eu raison de soulever la question de l'attractivité de notre territoire au travers d'Ubifrance et de l'Agence française des investissements internationaux (AFII) – étant précisé que la première est de ma compétence, mais non la seconde. Il existe en effet un lien étroit entre attractivité du territoire et compétitivité à l'export. Je remercie enfin Joël Giraud, rapporteur pour avis sur le programme « Commerce extérieur » d'avoir abordé le sujet essentiel de la politique commerciale de l'Union européenne vis-à-vis des pays tiers.
Un mot tout d'abord des moyens. Comme vous le savez, des efforts ont été exigés de tous les ministères, le budget de l'État pour 2013 comportant dix milliards d'euros d'économies. La contribution de mon ministère à ces économies a été de 1 % sur ses 104,2 millions d'euros. Un rebasage a également eu lieu pour tenir compte de la dernière tranche de dévolution de compétences à Ubifrance – cela représente 1,6 millions d'euros. Le plafond d'emplois de cette agence pour 2013 a été fixé à 1 393, en diminution de 1,8 %,. Cette diminution s'effectuera de façon lissée, comme cela a toujours été le cas depuis plusieurs années. Dans le cadre contraint qui s'impose à l'ensemble des ministères, Ubifrance a vu ses missions préservées et est parfaitement capable de s'adapter. Une étude venant de m'être remise sur le sujet, je vous dirai un mot en avant-première de la mise en oeuvre prochaine de couples pays-produits, l'objectif étant de coupler, par filière, l'offre commerciale française avec la demande des marchés extérieurs.
De la capacité d'adaptation d'Ubifrance, je ne donnerai que deux exemples. L'agence va ouvrir prochainement un bureau à Nairobi pour être présente sur le marché porteur de l'Afrique de l'Est, plutôt anglophone – je me rends au Kenya la semaine prochaine – et un autre en Birmanie, comme j'ai pu l'annoncer jeudi dernier à l'occasion du colloque qu'elle avait organisé au Sénat sur le thème « Asie du Sud-Est : des marchés à découvrir et à conquérir ».
S'il faut bien distinguer, monsieur Glavany, la compétitivité-coûts et la compétitivité-hors coûts, à l'exportation les deux forment un tout. Devant le déficit abyssal de notre commerce extérieur – 73 milliards d'euros fin 2011 –, on ne peut que s'interroger sur l'ensemble de la filière export, laquelle, ne le perdons jamais de vue, commence en France. Quel rôle jouent les régions ? Notre dispositif est-il assez lisible à l'étranger ? On s'interroge bien entendu aussi sur les causes structurelles de ce déficit.
À la fin des années 1990, date à laquelle s'est opéré le décrochage, les services aux entreprises étaient moins chers en France qu'en Allemagne. Aujourd'hui, l'Allemagne est plus compétitive, l'écart atteignant même 25 %. Or, les services aux entreprises sont essentiels à l'activité de l'industrie – cela représente 15 % de notre export. Il faut donc améliorer notre compétitivité-coûts et bien sûr favoriser l'investissement des entreprises. En effet, investir, c'est innover, et lorsqu'on innove, on exporte. Si cette vérité n'est peut-être pas d'évidence, tous les chiffres la confirment. Investissement, innovation et internationalisation, voilà la martingale pour réussir.
La France a des atouts. Encore faut-il qu'elle les mobilise. D'où l'intérêt de la future Banque publique d'investissement. D'où l'intérêt aussi de s'appuyer sur les régions qui ont d'ores et déjà toute légitimité à intervenir mais en auront encore davantage demain après la nouvelle étape de décentralisation. N'oublions pas qu'elles financent les pôles de compétitivité, qui sont globalement une réussite, et qu'elles disposent de financements pour les start-up et les PME innovantes – je compte d'ailleurs bien m'appuyer dessus. Les régions se sont également engagées à l'Élysée, en septembre dernier, à porter d'ici à trois ans dix mille entreprises supplémentaires à l'export. Comme je le leur ai demandé lorsque je les ai reçues le 18 septembre dernier, elles vont, de façon concertée, élaborer des plans export régionaux. Certaines d'entre elles n'en avaient pas encore. Elles les intégreront au nouveau schéma régional de développement économique et d'innovation que chacune d'entre elle devra également définir.
Comme vous l'avez rappelé, madame la rapporteure, un milliard d'euros de plus à l'export, ce sont dix mille emplois de plus en France. On mesure ce qu'il est possible de faire lorsqu'on sait que le Premier ministre m'a fixé l'objectif de ramener notre commerce extérieur à l'équilibre – soit 26 milliards à gagner.
À l'issue du séminaire gouvernemental du 6 novembre sur la compétitivité, le Premier ministre présentera des propositions globales. Mon ministère apportera sa contribution et j'aurai moi aussi des propositions. Le fait que je partage avec mon collègue Pierre Moscovici le même conseiller pour ce qui a trait aux financements facilite notre travail commun. La BPI mobilisera 40 milliards d'euros à la fois pour apporter des fonds propres aux entreprises et pour leur accorder des crédits. Dans un premier temps, il n'y aura pas de fusion organique entre Ubifrance et la BPI. Celle-ci proposera l'ensemble des soutiens financiers distribués par OSÉO et la COFACE. Elle conseillera, d'autre part, les entreprises qui souhaitent exporter, en s'appuyant sur Ubifrance, pleinement mobilisée à cet effet – son directeur général en a reçu la mission. Comme le prévoit son futur contrat d'objectifs et de performance qui sera signé début 2013, Ubifrance sera chargée d'accompagner pendant trois ans 800 ETI déjà exportatrices et sur lesquelles nous nous appuierons au départ. Cet accompagnement est indispensable car il ne s'agit pas pour les entreprises d'exporter une fois, mais bien de s'installer dans la durée sur les marchés étrangers.
Ma mission porte à la fois sur le moyen terme, à horizon de cinq ans, et sur le long terme, à horizon de dix ans.
En sus d'Ubifrance, aux côtés des régions et de leurs opérateurs, nous pouvons nous appuyer sur les chambres de commerce et d'industrie et, bien sûr, sur les entreprises. Lors de mes déplacements sur le terrain, je constate une mobilisation générale. Je constate également des tentatives d'organisation, au succès desquelles la BPI aidera. Celle-ci sera une porte d'entrée, un guichet unique. Nous sommes prêts à mettre à disposition des régions ou de la BPI, selon les modalités d'organisation, une partie des agents des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) en tant que conseillers à l'export. En effet, je l'ai dit, la BPI devra non seulement distribuer des crédits et octroyer des garanties actuellement accordés par OSÉO et la COFACE, mais aussi apporter des conseils à l'export. Toutes les entreprises ne sont pas à même d'y aller seules et si on les y incite sans que le marché ait été préalablement bien analysé, elles risquent, déconfites, de ne surtout pas renouveler l'expérience. Elles ont besoin d'un accompagnement, dont pourraient se charger les personnels précités des DIRECCTE, mais aussi des personnels des Douanes, dont certains pourraient aussi être mis à disposition, et bien sûr de la vingtaine d'agents d'Ubifrance en régions qui pourraient être utilement mobilisés pour cette tâche.
J'en viens aux financements à l'export. En sus de ce que fera la BPI, sur les quatre milliards qui avaient été réservés en 2011 au titre des investissements d'avenir, 150 millions seront consacrés à aider les entreprises à l'export. La décision en sera prise avant la fin de l'année.
J'ai observé que nous perdions des marchés parce que nos financements n'étaient pas assez compétitifs. C'est le cas notamment de la garantie de refinancement de la COFACE qu'il conviendrait de porter à 100 % alors qu'elle n'est aujourd'hui que de 95 %. C'est aussi le cas de la garantie de change sur valeur résiduelle pour inciter au financement d'opérations en euros afin de pallier le manque de liquidités en dollars. C'est un gros problème notamment pour Airbus. Il faut pouvoir étendre à tous les types d'aéronefs – nous en avons les moyens – la garantie inconditionnelle qui existe aujourd'hui pour certains types d'avions. Le marché est considérable pour les avions destinés aux transports régionaux : il nous faut donc être compétitifs. L'ensemble de ces mesures devrait pouvoir être intégré dans le collectif de fin d'année.
Enfin, des pays comme l'Allemagne, mais aussi la Finlande, l'Italie, la Suède, sont avantagés par rapport à la France parce que leurs entreprises bénéficient d'un financeur direct. Ainsi la KfW (Kreditanstalt für Wiederaufbau) offre aux entreprises allemandes des financements à l'export très compétitifs. Il faut que nous mettions en oeuvre un mécanisme semblable – contrairement aux mesures précédentes, cela ne pourra pas être fait avant la fin de l'année. Nous aurons besoin dans un premier temps de la Caisse des dépôts et peut-être dans un second temps de la BPI. Ce sujet relevant de ma compétence et de celle du ministre de l'économie et des finances, nous avons déjà commencé à travailler avec le directeur général de la Caisse des dépôts.
S'agissant de la lisibilité de notre présence à l'étranger, il est vrai qu'il existe une certaine confusion. Vous avez évoqué dans votre projet d'avis, monsieur Glavany, la concurrence qui peut exister entre Ubifrance et les structures des régions, citant notamment l'agence pour le développement économique de la région Rhône-Alpes à l'international, ERAI (Entreprise Rhône-Alpes International), fortement implantée à l'étranger. En Chine, le partage des responsabilités est clair et a été parfaitement négocié entre Ubifrance et ERAI.
Je regarde bien sûr ce que font les autres pays. La semaine dernière, au salon international de l'agroalimentaire, où je me suis rendue avec mon collègue Guillaume Garot, j'ai constaté que plusieurs pays très dynamiques à l'export avaient un pavillon unique, parfaitement repérable dans une telle manifestation. Il faut que dans les salons internationaux soit représentée une « maison France » réunissant tous les partenaires. Ainsi, dans le domaine de l'agroalimentaire, où interviennent aujourd'hui à la fois Ubifrance et la SOPEXA, il conviendrait dorénavant que les deux apparaissent ensemble sous le pavillon France. Nous sommes d'accord avec Guillaume Garot sur ce point, et les deux agences n'y sont pas opposées.
Monsieur Giraud, vous avez évoqué le sujet très important de la politique commerciale de l'Union européenne. Le multilatéralisme étant en panne, les accords de libre-échange se sont multipliés. La Commission européenne a fait montre de beaucoup d'allant sur le sujet mais plusieurs des accords conclus sont, hélas, quelque peu asymétriques. Je fais en ce moment le tour des capitales européennes – Berlin bien sûr, Varsovie, Rome, Madrid où j'étais lundi dernier – pour vérifier que mes homologues et leurs gouvernements défendent bien le principe de la réciprocité. Notre position n'est pas majoritaire pour l'heure. Mais nous n'avons pas renoncé à mener la bataille, bien au contraire. Car s'il est opportun d'ouvrir son marché, il importe que l'ouverture soit symétrique. C'est d'ailleurs pourquoi nous avions demandé à la Commission de mettre sous surveillance l'accord de libre-échange entre l'Union et la Corée, soupçonné de favoriser l'importation de véhicules coréens au détriment de nos constructeurs automobiles, alors même que ce secteur est en difficulté.
La réciprocité est une condition essentielle aux yeux de la France pour la signature d'un accord de libre-échange. L'Union européenne négocie ou s'apprête à négocier trois accords, qui seront structurants pour le commerce mondial : avec le Canada, le Japon et les États-Unis. Il faut que nous ayons des armes en poche lors de la négociation. J'aimerais en convaincre tous les États membres. La Commission a élaboré un projet de règlement sur la réciprocité dans l'accès aux marchés publics. Aujourd'hui, 90 % des marchés publics de l'Union sont ouverts aux pays tiers quand ceux du Canada, du Japon et des États-Unis le sont à peine à 30 %. Et je ne parle pas des marchés publics de l'Inde, de la Chine ou du Brésil qui, eux, ne le sont pas du tout ! Ce projet de règlement doit donc impérativement être adopté. Je plaide en ce sens auprès de la Commission bien sûr, mais aussi du Parlement européen et de l'ensemble des États membres. Le communiqué final des deux derniers conseils européens des chefs d'État et de gouvernement, de juin et octobre, demande d'ailleurs qu'on progresse sur ce règlement. Je compte sur les parlementaires nationaux pour m'aider à convaincre l'ensemble des partenaires.
Je termine par l'attractivité. Il existe, je l'ai dit, un lien étroit entre attractivité du territoire et compétitivité à l'export. La France a perdu la première place pour l'accueil d'investissements étrangers au profit de l'Allemagne. Mais elle conserve, on oublie souvent de le dire, la première place pour l'accueil de centres de production. Or, que des entreprises étrangères produisent en France, c'est de l'emploi, souvent de la haute technologie, et donc de l'export. Nous devons par conséquent tout faire pour conserver cette place afin de maintenir et de développer les emplois. Des entreprises étrangères extrêmement performantes continuent de choisir la France pour la qualité de ses infrastructures, de ses salariés, de ses établissements scolaires et de ses équipements culturels, en un mot pour l'environnement qu'elle offre. Ne perdons jamais de vue qu'une entreprise étrangère qui s'installe en France exporte depuis notre pays et que notre balance commerciale a donc tout à y gagner.
N'ayant déjà que trop parlé aujourd'hui, je reviendrai devant les commissions compétentes exposer tout cela plus en détail. On ne peut pas se fonder sur la situation de notre commerce extérieur pour dénoncer nos défauts de compétitivité et ne pas faire de l'exportation une priorité. Le commerce extérieur ne se réduit pas à un solde. Notre balance commerciale n'est rien de moins que le juge de paix de notre économie.