Intervention de Fleur Pellerin

Réunion du 31 octobre 2012 à 16h15
Commission élargie : Économie

Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique :

Je m'efforcerai de leur fournir des réponses à la fois précises et synthétiques.

En préambule, je me dois toutefois de rappeler, au nom d'Arnaud Montebourg que je représente aujourd'hui, dans quel esprit nous concevons le redressement productif.

Le redressement productif – une expression d'inspiration rooseveltienne – passe par la mobilisation de l'ensemble des acteurs qui doivent contribuer au rebond économique de notre pays : le Comité interministériel de restructuration industrielle – CIRI –, la cellule ministérielle dédiée aux restructurations, la Médiation du crédit et la Médiation de la sous-traitance, les 22 commissaires au redressement productif, l'AFII – agence dont la tutelle est partagée entre le ministère de l'économie et des finances et celui du redressement productif –, la BPI… Tous ces acteurs sont mobilisés au service d'une unique mission, la reconquête de la compétitivité des entreprises françaises.

À côté de la compétitivité-coûts, dont il est beaucoup question en ce moment, nous devons faire un effort considérable sur la compétitivité-hors coûts, en misant sur la qualité des produits que nous fabriquons. L'excellence existe en France ; nous devons tout faire pour la promouvoir.

Pour y parvenir, il nous faut des moyens. Ceux du redressement productif sont inscrits aux programmes 192 – Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle – et 134 – Développement des entreprises et du tourisme. Des outils existent également au sein des programmes d'investissements d'avenir : ainsi les aides à la relocalisation industrielle, qui permettent de soutenir les projets de réindustrialisation des entreprises.

Le programme 134 comprend les crédits de fonctionnement de la DGCIS et des DIRECCTE, soit au total 1 600 agents répartis entre administration centrale et administration déconcentrée.

Des crédits sont également alloués à des actions de soutien à la modernisation économique et à la compétitivité – ce que l'on appelle les actions collectives – ainsi qu'à des aides destinées aux centres techniques industriels.

Enfin, figurent dans ce programme les crédits des structures qui permettent à l'État de réguler et d'organiser les marchés et l'activité économique, en particulier ceux de l'Association française de normalisation (AFNOR) ou de l'Agence nationale des fréquences, qui gère les fréquences radioélectriques dans le respect du cahier des charges édicté par l'ARCEP.

Sur le projet de fusion entre le CSA et l'ARCEP, monsieur Thévenoud, je serai brève, dans la mesure où la réflexion menée à la demande du Premier ministre par le ministre du redressement productif, la ministre de la culture et moi-même ne sera achevée qu'à la fin du mois de novembre. Les deux autorités ont rendu leurs avis, mais nous devons encore procéder à un certain nombre d'auditions de professionnels avant de remettre nos conclusions.

S'agissant du Médiateur du crédit, celui-ci est, comme son nom l'indique, chargé de conduire de façon indépendante des médiations entre les banques et leurs débiteurs lorsque ces derniers connaissent des difficultés. La médiation est un art difficile consistant à rechercher un accord négocié entre les différentes parties impliquées ; c'est donc un outil, non pas d'intervention, mais de rapprochement, de discussion. Cette mission s'articule avec celle des commissaires au redressement productif, qui ont pour rôle, au-delà des éventuelles difficultés de crédit, de mobiliser l'ensemble des moyens de l'État afin d'organiser le redressement des entreprises en difficulté dans les régions et de sauver le plus d'emplois possible. Le rôle du Médiateur du crédit est et restera extrêmement important, notamment dans un contexte où l'environnement prudentiel des banques est en pleine évolution : la prochaine entrée en vigueur des normes dites « Bâle III » risque en effet d'entraîner un resserrement du crédit aux entreprises, dont les PME et les PMI seront les premières victimes. Dans ces conditions, la fonction du médiateur ne peut qu'être maintenue par le Gouvernement.

Madame Bonneton, tous les points que vous avez évoqués à propos de la situation financière de La Poste – dégradation des services publics, développement de leur mutualisation, apparition de nouveaux services dans les bureaux de poste – seront évidemment abordés dans le cadre des négociations en cours entre mes services et La Poste sur le nouveau contrat de service public. L'amélioration de la qualité du service public postal, en particulier du service universel et du délai de distribution du courrier, est bien évidemment un de nos objectifs.

L'aménagement du territoire est également une priorité pour La Poste. Dans un souci d'une action plus dynamique dans ce domaine, nous souhaitons élargir le périmètre d'intervention du groupe, en y incluant notamment le numérique.

S'agissant du coût des missions de service public, vous avez signalé l'écart entre l'évaluation effectuée par le groupe et la compensation versée par l'État. Les contraintes budgétaires actuelles ne nous permettent pas de le réduire autant que nous le souhaiterions, mais une partie de ces coûts – notamment ceux du service universel et de la distribution de la presse – sont pris en charge grâce à la vente de produits par La Poste. D'autre part, le financement de l'aménagement du territoire dépend aussi des collectivités territoriales – ce sujet doit faire l'objet d'un arrêté d'ici à la fin de l'année.

Le changement de statut de La Poste et l'augmentation de son capital devaient permettre de financer le programme d'investissements défini dans le cadre du plan Ambition 2015. Ce plan a été revu pour tenir compte des recommandations du rapport Kaspar, qui a permis une première prise de conscience de la dégradation des conditions de travail au sein du groupe. Nous serons particulièrement attentifs à ce que ces préconisations soient respectées, mais le PDG Jean-Paul Bailly s'est engagé à les appliquer toutes dans les mois qui viennent. Les 5 000 recrutements supplémentaires prévus devraient l'y aider. C'est en tout cas au groupe, et non à l'État, qu'il appartient de répartir ces nouveaux agents en fonction de ses besoins, mais nous serons particulièrement attentifs à ce que ces recrutements servent à assurer l'exécution des missions de service public de la Poste.

Nous veillerons de même à ce que la filialisation ne se traduise pas par la mise en concurrence des différentes entités de La Poste et par un dumping social à l'intérieur du groupe. Nous accompagnerons, dans le cadre du nouveau contrat de service public, les mutations internes par lesquelles l'entreprise doit s'adapter à l'intensification de la concurrence, en faisant en sorte qu'elles ne nuisent ni aux employés, conformément aux préconisations du rapport Kaspar, ni au service rendu aux usagers.

Nous avons dit et redit, madame Erhel, que la régulation du secteur des télécommunications devait mieux prendre en compte l'emploi. On ne sait pas assez qu'il figure déjà au nombre des objectifs du régulateur, le fait n'ayant pas été suffisamment mis en exergue par le précédent gouvernement. Le comité stratégique de filière sera saisi du sujet, dans le cadre notamment de l'attribution de nouvelles fréquences pour le déploiement de la 4G. Les questions d'emploi et d'investissement seront au centre des négociations que nous conduirons avec les opérateurs sur l'accélération du calendrier de ce déploiement, ainsi que sur le plan de développement du très haut débit. Nous attendons des engagements très fermes de ces opérateurs en termes de créations d'emplois en Europe et en France.

Vous savez que l'ARCEP doit contrôler le respect par les opérateurs des obligations en matière d'investissements et de couverture qui sont la contrepartie de l'obtention de licences. Nous veillerons à ce qu'elle applique dans l'exercice de cette mission une nomenclature unique, afin que tous les opérateurs soient traités de la même manière et qu'on compare ce qui est comparable, puisque des critiques avaient été formulées quant au rythme de déploiement et d'investissement de certain opérateur qu'il est inutile de nommer ici.

Jointes au travail de l'ARCEP, les mesures de la couverture du territoire auxquelles procède l'Agence nationale des fréquences permettront au Gouvernement et à la représentation nationale d'avoir une vision plus claire, plus transparente et plus objective de ces investissements et du taux de couverture atteint par chaque opérateur. Comme vous le savez, les licences de téléphonie mobile sont accordées en contrepartie d'engagements chiffrés sur ce dernier point, et si nous tenons autant à ce que l'ensemble des opérateurs s'inscrive dans une logique d'investissement, c'est parce que ceux-ci ont une répercussion sur l'emploi. Nous souhaitons donc que la réalité de ces investissements soit contrôlée sans attendre les échéances de 2015.

Vous avez raison de parler de la filière des télécommunications dans son ensemble, qui inclut aussi les centres d'appel, les boutiques, le réseau de distribution ou les équipementiers. Les difficultés considérables dans lesquelles elle se débat s'expliquent par l'absence depuis des décennies d'une politique industrielle. Nous souhaitons que le comité stratégique de la filière engage une réflexion sur la concentration en Europe ou sur les moyens de renforcer les équipementiers européens dans le cadre d'une relance des investissements dans le domaine des télécommunications et du très haut débit.

Vous avez également raison de souligner que la répartition des crédits d'intervention entre les divers programmes et missions doit gagner en lisibilité. La réflexion engagée par Marylise Lebranchu sur la réforme de l'État abordera aussi la question de la rationalisation de l'action publique, via notamment une nouvelle présentation budgétaire des actions de développement économique et de soutien aux entreprises.

Les objectifs d'Ubifrance et de l'AFII ne sont pas les mêmes : Ubifrance doit accompagner les entreprises françaises qui investissent à l'étranger, alors que l'AFII a pour vocation d'attirer des investisseurs étrangers en France. À ce propos, je viens de lancer, au Massachusetts Institute of Technology de Boston, la campagne mondiale de l'AFII pour promouvoir l'attractivité de la France. Cette campagne se poursuivra en novembre au Canada, en Chine, en Inde et au Brésil. Le programme d'action de l'agence lui a permis d'identifier certains domaines stratégiques dans lesquelles les investisseurs étrangers devront être particulièrement sollicités. Avec Nicole Bricq et Pierre Moscovici, nous suivons très attentivement son action en faveur de l'attractivité de notre territoire, ainsi que celle de son réseau.

Monsieur Grellier, le ministère du redressement productif a la volonté de réactiver la conférence nationale de l'industrie, afin de promouvoir une logique de filières, élément essentiel de la politique que le Gouvernement entend mener pour favoriser la croissance. L'écosystème régional est déjà mobilisé dans le cadre des comités stratégiques de filière régionaux. L'objectif est de mieux structurer certaines filières, sur le modèle par exemple de la filière aérospatiale, qui a réussi à articuler les grands groupes et les PME autour d'Airbus. De fait, il existe encore trop peu de synergies entre ces deux types d'entreprises, que ce soit à l'export ou en matière d'innovation, sujet sur lequel les PME doivent pouvoir bénéficier des politiques de recherche et développement des grands groupes.

Cette stratégie de filière doit permettre de concentrer les moyens régionaux via un guichet unique : la Banque publique d'investissement qui, à la différence d'une banque ordinaire, aura pour vocation de mettre à la disposition des TPE, des PME et des ETI une palette d'outils extrêmement large : garanties, crédits, fonds propres, financement de l'innovation, aides à l'exportation. Elle jouera également un rôle de conseil, pour orienter les entrepreneurs vers ces différents outils en fonction de leurs besoins. Sa doctrine d'emploi sera en outre différente : tout en agissant en investisseur avisé – il n'est pas question de prendre des paris trop risqués avec l'argent du contribuable –, elle sera un investisseur plus patient, qui réalisera des placements plus longs, peut-être un peu plus risqués. Son objectif sera de pallier ce grave défaut du financement de l'économie française qu'est l'absence de profitabilité de l'industrie du capital-risque dans notre pays. Autre nouveauté importante, la BPI consacrera 500 millions d'euros à un fonds dédié à l'économie sociale et solidaire.

L'idée d'une campagne de promotion de l'industrie est une très bonne idée, susceptible de séduire Arnaud Montebourg. J'ai pu mesurer au cours de mes déplacements à quel point l'environnement des affaires français était méconnu à l'étranger. Cependant, la campagne de l'AFII devrait déjà contribuer à améliorer notre image sur ce point.

Faire respecter, tant par les collectivités publiques que par les entreprises privées, les dispositions législatives encadrant les délais de paiement sera une des missions du médiateur des relations interentreprises et du médiateur des marchés publics dont nous avons proposé la nomination au Premier ministre. Ces médiations pourront bénéficier du soutien de l'Observatoire des délais de paiement, instance qui n'est peut-être pas suffisamment connue. Une réflexion pourrait en outre être menée avec la DGCCRF et avec la direction générale des finances publiques pour trouver des modalités d'incitation au respect de cette réglementation, voire de sanction en cas d'infraction. On pourrait, par exemple, faire obligation aux entreprises de faire état dans leur rapport annuel des délais dans lesquels elles auront réglé leurs fournisseurs.

De nombreuses filières souffrent de l'insuffisance de personnel qualifié, d'ingénieurs par exemple. Avec Geneviève Fioraso, nous travaillons à identifier les secteurs dans lesquels l'offre de formation ne comble pas les besoins de l'industrie. La stratégie de filières et la conférence nationale de l'industrie devraient également contribuer à remédier à cette insuffisance.

Le mentorat a fait ses preuves à l'étranger. Je crois beaucoup à l'utilité de cette méthode pour aider les jeunes entrepreneurs à développer les ETI dont la France a besoin.

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