Intervention de général Denis Mercier

Réunion du 16 octobre 2012 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

général Denis Mercier :

Je vous propose en effet de venir visiter, le 23 octobre prochain, une base aérienne de théatre. Du 15 au 25 octobre 2012, trois exercices majeurs, organisés par le commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA), vont avoir lieu simultanément à Vouziers, dans les Ardennes. Le scénario va entraîner les forces au commandement et à la conduite des opérations aériennes (AIREX), à partir d'une base aérienne projetable (BAPEX), lors d'une simulation de crise internationale menant à des opérations d'évacuation de ressortissants (VOLCANEX). Nous pourrions accueillir à cette occasion les membres de la commission de la défense qui le souhaiteraient lors d'une journée de démonstration sur le site de cet exercice européen majeur qui illustre bien une des épines dorsales de notre capacité aérienne : le commandement et le contrôle.

C'est avec fierté et plaisir que je m'exprime devant vous pour la première fois en tant que chef d'état-major de l'armée de l'air.

Alors que je viens de prendre mes fonctions depuis un mois, les aviateurs sont au centre de mes préoccupations. Ils mènent les opérations dans lesquelles l'armée de l'air est engagée, sur le territoire national et sur les théâtres extérieurs, tandis qu'ils mettent en oeuvre une des réformes les plus importantes que nous ayons jamais conduite. Leurs attentes sont fortes et légitimes. En tant que chef d'état-major de l'armée de l'air, mon objectif principal consiste à les accompagner dans l'aboutissement de la transformation engagée, en leur donnant une direction pour l'avenir, un projet cohérent de la politique qui sera déterminée par le Livre blanc. Un projet qui permette de maintenir le niveau opérationnel pour faire face aux nombreux engagements qui nous attendent et donner un sens aux efforts consentis par ces hommes et ces femmes qui continuent de démontrer au quotidien une motivation profonde pour servir notre défense, notre Nation et ses valeurs.

Je suis convaincu que malgré la conjoncture actuelle, aussi difficile soit-elle du point de vue économique, nous pouvons aller de l'avant et construire une armée de l'air fière de son passé et de son histoire, capable de regarder l'avenir avec confiance.

Je suis conscient qu'au delà d'une vision à moyen terme, il nous faut prendre en compte la situation actuelle et le défi budgétaire que notre pays doit relever. La difficulté de l'exercice réside dans cette adéquation entre préparer le futur et gérer le présent. Nous devons veiller à ne pas occulter l'avenir au seul regard du court terme. Toute rupture irréversible aurait des conséquences à moyen et long terme qui pourraient obérer durablement notre capacité à nous rénover.

Au service de la Nation et de la volonté politique de nos dirigeants, l'armée de l'air possède une expertise unique. Elle est capable d'intervenir à plusieurs milliers de kilomètres sur une zone de crise, par la voie des airs, immédiatement et en toute autonomie à partir de notre territoire national. L'opération Harmattan, l'année dernière, a fait la démonstration de quatre capacités clés dont je considère qu'elles forment le socle de ce domaine d'excellence.

Première d'entre elles, la capacité permanente, armée sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre à assurer la planification, le commandement et le contrôle des opérations aériennes.

Alimentée par le renseignement, cette capacité représente le véritable « cerveau » qui coordonne et conduit nos opérations aériennes. En Libye, les évacuations de ressortissants menées dès le 22 février, les missions de reconnaissance pré-crise, ou les frappes des premiers jours, ont été dirigées à partir du centre national des opérations aériennes (CNOA) de Lyon Mont Verdun. Maintenu en alerte par une activité quotidienne, due notamment à la surveillance des espaces aériens nationaux, ce centre présente des aptitudes de permanence, d'anticipation, de déclenchement d'alerte, de conduite d'intervention et de gestion de crise ouvertes à l'interarmées, l'international et l'interministériel.

Reliées en permanence à ce centre, nos bases aériennes forment la « colonne vertébrale » de l'armée de l'air. Nos avions de chasse ont frappé à Benghazi en décollant de Nancy, Dijon ou Saint Dizier. L'opération Harmattan a prouvé qu'elles étaient un véritable outil de combat, apte à basculer instantanément du temps de paix au temps de crise. Organisées en pôles de compétences, pouvant accueillir des organismes interarmées ou interministériels, elles sont disponibles en permanence au service des autorités étatiques pour tout cas de crise. Prépositionnées loin du territoire métropolitain, comme à Al Dhafra à Djibouti ou à Cayenne, elles offrent également des possibilités uniques pour déployer des dispositifs importants.

Deuxième capacité clef liée à la première: l'aptitude à recueillir du renseignement avant et pendant une opération.

Notre pays a pu intervenir en premier le 19 mars 2011, de façon autonome, parce qu'une importante campagne de surveillance, de recueil et d'exploitation de l'information avait été menée auparavant. « Yeux et oreilles » de notre dispositif, les satellites, AWACS, Transall Gabriel et avions de chasse ont offert une complémentarité de moyens permettant de reconstituer une grande partie de l'ordre de bataille ennemi. Si on ne voit pas, on ne sait pas, on n'agit pas.

Ce flux d'informations, pouvant être recueilli en temps réel, est le véritable nerf de nos engagements sur le territoire national ou sur les théâtres extérieurs. Cette capacité, coeur de la fonction connaissance-anticipation, se fonde sur des moyens pouvant être utilisés discrètement, la plupart du temps dans les espaces internationaux.

Elle se complète par l'aptitude à recueillir sur un théâtre d'opérations, une fois acquise la maîtrise des espaces aériens, un renseignement continu par une présence permanente que seuls les drones peuvent nous offrir.

Troisième capacité clé : la projection stratégique, nos « jambes ».

C'est elle qui nous donne l'élongation pour agir vite et loin. Nos avions de transport, de ravitaillement, sont la clé de voûte de cette projection. Ils peuvent agir dans tout le spectre des opérations : de l'évacuation de ressortissants au déploiement de moyens de combat en passant par l'assistance à des populations sinistrées. Ce sont eux qui sont allés chercher nos ressortissants au Japon après l'accident de Fukushima, alors que les compagnies civiles avaient suspendu leur desserte.

La réussite des opérations libyennes a reposé sur un effort logistique sans précédent permettant d'acheminer les munitions, les hommes et les matériels vers les bases d'où s'élançaient nos avions de combat. Preuve s'il le fallait que le soutien, à tous les niveaux, est une mission opérationnelle, notre infrastructure, nos systèmes d'information et de communication (SIC), notre soutien vie, ont permis le déploiement des avions de combat sur des bases aériennes où l'empreinte humaine était minimisée. A Souda, en Grèce, le ratio était de 20 aviateurs pour un avion. Cette capacité de projection sous faible préavis offre en plus une réversibilité de l'action toute aussi rapide. Le retour d'Afghanistan de nos drones, en mars dernier, et de nos Mirage 2000D, en juillet, en témoigne.

Sur ce dernier théâtre, nous avons la responsabilité, depuis le 1er octobre, de commander l'aéroport international de Kaboul. C'est une vraie mission centrée sur la gestion des flux de matériels entrant et sortant et qui met en oeuvre toutes les capacités d'une base aérienne. Une mission lointaine, opérationnelle, complexe mais stimulante. Elle illustre notre capacité à gérer, dans n'importe quelles circonstances, des plates-formes aéroportuaires, le coeur de notre métier.

Enfin quatrième capacité clef : la formation.

Véritable « sang » qui irrigue l'ensemble de nos composantes et nos spécialités, indispensable pour l'acquisition des compétences des aviateurs, elle agit à tous les niveaux. Pour s'imprégner de nos valeurs, pour maîtriser les équipements les plus avancés qui nous sont confiés. Elle s'exprime au quotidien, sur notre territoire ou à l'étranger, lorsque nos hommes et nos femmes s'entraînent et participent à des exercices. Cet ensemble a garanti le succès de nos équipages lors de la mission du 19 mars 2011. Ils ont concrétisé ce jour là des années de préparation opérationnelle.

La formation repose sur nos centres, à l'excellence reconnue, tournés vers l'interarmées, l'interministériel et l'international. Ouverts vers la jeunesse de notre pays, ils peuvent être le creuset d'échanges bénéfiques et offrent des perspectives de coopération européennes étendues.

Ces quatre capacités nous permettent d'agir loin mais aussi de coopérer avec d'autres partenaires : pays amis, industriels ou autres ministères. Elles sont aussi au coeur des missions régaliennes de protection dont l'armée de l'air a la charge.

De protection de nos intérêts vitaux d'abord, avec la mise en oeuvre de la composante aéroportée de la dissuasion. Ininterrompue depuis 1964, elle repose aujourd'hui sur la triade, pour partie modernisée et adaptée à la stricte suffisance, Rafale, Boeing C135, ASMP-A.

De protection de notre espace aérien ensuite, avec la posture de sureté aérienne conduite par le Centre national des opérations aériennes (CNOA), permanente, en liaison directe avec le premier ministre.

De protection de nos concitoyens enfin, avec les missions de sauvegarde et d'assistance, missions interministérielles assurées en métropole et dans les DOM-COM. Depuis le début de l'année, 27 opérations de recherche et sauvetage réalisées, 31 personnes sauvées. En engageant régulièrement des moyens, comme l'AWACS E3F, dans la lutte contre les trafics (pirates ou narcotrafiquants), l'armée de l'air contribue activement à tous les types d'engagement.

Vous le constatez : l'armée de l'air est aujourd'hui un outil crédible au service de notre pays, reconnu au niveau international. Le projet de loi de finances 2013 prévoit la livraison et la commande de nouveaux matériels qui s'inscrivent dans ces capacités socles et peuvent apporter une véritable rupture en offrant des possibilités opérationnelles nouvelles et des perspectives d'utilisation génératrices de gains de fonctionnement importants. J'insiste sur ce point qui doit à mes yeux être pris en compte dans le Livre blanc et la future loi de programmation militaire : comment les capacités nouvelles peuvent augmenter nos aptitudes opérationnelles en diminuant les coûts de fonctionnement. Ce que je pourrais résumer de la façon suivante: comment investir pour gagner de l'argent !

Concernant le commandement et le contrôle, le projet de loi de finances 2013 prévoit la livraison aux normes OTAN du centre de commandement, de détection et de contrôle des opérations aériennes. Cette évolution du CNOA permettra de diriger, depuis Lyon, toutes les opérations aériennes menées sur le territoire et à l'extérieur du territoire national. Nous maintiendrons une composante déployable, mais minimum, le but recherché étant d'opérer chaque fois que possible depuis le territoire national. Au standard OTAN, le personnel qui y sera affecté n'aura pas besoin de formation spécifique additionnelle pour être engagé dans une opération de l'Alliance. Le CNOA est déjà une structure ouverte qui offre la possibilité de planifier et conduire des opérations aériennes avec des partenaires européens. Cette évolution permettra de diminuer le nombre de centres de contrôle en France par une automatisation accrue des moyens. Il pourrait enfin servir d'épine dorsale à un dispositif plus large de gestion de crise, en agrégeant des cellules interministérielles, évolution que j'appelle de mes voeux et qui est source de réelles synergies entre défense et sécurité.

Dans le domaine du renseignement, la commande d'un premier système de drone intermédiaire MALE et la livraison d'un Transall C160 Gabriel rénové constituent des avancées significatives. Nous avons acquis de véritables compétences opérationnelles avec le Harfang mais son coeur informatique date du début des années 90. Tous nos principaux alliés européens sont résolument engagés dans l'acquisition de systèmes modernes. Il y a de véritables gisements de coopérations à exploiter avec eux dans des domaines aussi variés que la formation, le soutien, les normes ou même l'emploi.

Nous devons aussi réfléchir à de nouvelles voies dans l'utilisation de ces drones. Conçus pour surveiller de larges zones sur de longues périodes, ils peuvent apporter une aide précieuse à des autorités civiles pour l'évaluation permanente de la situation et la coordination des moyens. A titre d'exemple, l'administration américaine des douanes et des frontières dispose de sept drones MALE. La surveillance des espaces, qu'ils soient aériens, maritimes ou terrestres, sera de plus en plus assurée par des drones qui pourront être opérés à partir d'un centre unique, même s'ils sont engagés hors de nos frontières.

S'agissant de la projection stratégique, nous allons entrer dans une nouvelle ère. Une ère où la rapidité et la capacité de transport des nouveaux vecteurs nous imposent d'imaginer de nouveaux concepts d'emploi plus dynamiques.

L'arrivée des premiers A400M est inscrite dans le projet de loi de finances 2013, marquant une étape importante. Le déficit de notre capacité de transport est critique : le maintien des compétences de nos équipages est de plus en plus difficile et nos capacités sont fragilisées. Si l'A400M devait encore avoir du retard, notre capacité à assurer l'évacuation de nos ressortissants en cas de crise serait remise en cause. L'A400M va démultiplier nos possibilités : il permettra, par exemple, de transporter quatre fois plus de charges qu'un Transall vers Dakar ou N'Djamena en deux fois moins de temps.

La commande des premiers avions ravitailleurs Multi role transporter (MRTT), inscrite dans le projet de loi de finances 2013, ouvre aussi un nouvel horizon à notre capacité de transport stratégique. Les MRTT remplaceront, à l'horizon 2017, nos Boeing C135 dont l'âge avancé fait peser un risque permanent de rupture capacitaire et nous contraint beaucoup en termes de maintenance. Mais ils remplaceront aussi les trois Airbus A310 et les 2 A340 dont ils reprendront la totalité des missions de transport de personnel et d'équipements ; 14 appareils en remplaceront 19. Pilier de notre projection de forces et de puissance, un MRTT sera capable d'amener 4 Rafale et 20 tonnes à 5 000 km, là où un C135 n'amène que 2 avions et 7 tonnes. Vecteur polyvalent, il pourra transporter près de 300 passagers à 5 000 km, là où un C135 n'en transporte que 55.

À partir du territoire national, s'appuyant sur des pôles « (hub) » judicieusement positionnés, A400M et MRTT, parfaitement complémentaires, offriront une capacité d'intervention immédiate et inégalée vers n'importe quel point du globe. Ils pourront servir à d'autres coopérations dans des zones d'intérêt et leur long rayon d'action laisse imaginer l'emport de moyens de reconnaissance banalisés dans l'avenir. Utilisable dans une vaste panoplie de missions, le MRTT pourra par exemple atteindre l'Asie, à coût réduit car c'est un appareil qui est opéré aujourd'hui par la grande majorité des compagnies aériennes.

A400M et MRTT permettront d'assurer des lignes régulières vers les DOM-COM et de mutualiser des capacités de transport avec d'autres ministères qui se tournent aujourd'hui vers des affrètements coûteux et de mieux réagir aux surprises stratégiques. Ils permettront donc de revoir nos principes de prépositionnement de forces et ou d'équipements.

Tous deux offriront des perspectives de coopérations européennes très fortes. En nous adossant au commandement européen du transport aérien, l'EATC, qui a montré sa pertinence lors d'Harmattan, nous pouvons envisager de créer une véritable escadre européenne dont l'A400M sera le fer de lance.

Le projet de loi de finances 2013 confirme la livraison de neuf nouveaux Rafale polyvalents. Je me réjouis de la livraison de ces appareils. Cependant, il m'appartient de m'assurer que nos équipages disposent de suffisamment d'heures de vol pour maintenir leur niveau de qualification et de garantir la formation des plus jeunes. Une capacité de combat bien entraînée et crédible est essentielle au début de chaque opération car elle conditionne la maîtrise des espaces aériens, condition nécessaire pour assurer une liberté de mouvement dans les espaces terrestres et maritimes. Cette capacité d'entrée en premier doit être crédible car il n'y a pas de combat asymétrique dans les espaces aériens où c'est le plus fort qui impose sa loi. Cependant, contrairement à ce que nous avons pratiqué jusqu'ici, il nous faut dimensionner cette capacité initiale et réfléchir à d'autres voies pour l'entraînement et l'équipement du reste de la flotte de combat destiné à assurer, dans une deuxième phase des opérations, l'aptitude à durer et à régénérer le potentiel. Différents niveaux d'entraînements, accroissement de la simulation, utilisation de flottes de complément, ou de flottes à la polyvalence plus limitée, capacité à remonter en puissance sont parmi les pistes que nous explorons dans un souci de maintien de nos aptitudes opérationnelles à coût maîtrisé.

Cependant, la vision à moyen et long terme ne doit pas occulter la gestion du présent. Les efforts budgétaires du court terme pourraient nous imposer des choix aux conséquences irréversibles pour l'avenir. C'est pourquoi j'exprime trois inquiétudes principales.

La première concerne le maintien de l'activité aérienne pour nos équipages. Elle est essentielle pour garder des compétences, préserver un niveau suffisant de sécurité aérienne et garantir le moral de nos aviateurs. Nous sommes confrontés à la difficulté de contenir les coûts de maintien en condition opérationnelle (MCO). En 2012, l'écart entre les ressources disponibles et les besoins d'entretien programmé des matériels aéronautiques de l'armée de l'air a atteint 300 millions d'euros.

Cela se traduit par une pression de plus en plus forte sur la formation et l'entraînement des forces et en conséquence une érosion du capital des savoir faire opérationnels. Malgré les efforts que je salue du ministère sur le domaine, en 2013, le déficit d'activité sera d'environ 20 % par rapport au besoin nominal d'entraînement des équipages. C'est acceptable dans un budget d'attente, mais nous approchons d'un seuil qui pourrait devenir critique. Notre cohérence repose sur notre capacité à trouver le bon équilibre entre notre format et les ressources dédiés à l'entretien programmé de nos matériels.

Ma deuxième préoccupation concerne les hommes et les femmes de l'armée de l'air. Ils consentent depuis de nombreuses années de lourds efforts à des réformes exigeantes. Nous avons fermé douze de nos bases aériennes en quatre ans. À raison de 4 000 départs pour environ 2 000 recrutements annuels, nous conduisons une réduction de format de 25 %, sur le principe du « non remplacement d'un départ sur deux ». Cette politique s'est accompagnée d'une maîtrise de notre masse salariale pour laquelle nous avons conduit une politique rigoureuse en matière d'avancement et d'attribution de primes. Nous avons encore des défis à relever pour mener cette réforme à son terme.

Nous devons anticiper la remontée du recrutement. Nous devrons trouver la bonne formule pour permettre une remontée progressive et réaliste du recrutement tout en amenant à son terme la déflation prévue des effectifs. Car nous avons toujours un besoin essentiel de recruter dans les bonnes compétences.

Je suis également attentif à la perspective, en 2013, d'une réduction significative des tableaux d'avancement qui risque de fragiliser le moral des aviateurs, notamment dans les catégories de personnel qui portent la réforme. Au lieu d'un effort ponctuel peu bénéfique, il me semble nécessaire d'inscrire notre action dans une logique globale et pluriannuelle de révision des avancements prenant en compte l'allongement des carrières.

Je suis enfin très à l'écoute des problèmes d'identité que me font remonter les nombreux aviateurs qui sont dans les structures interarmées. C'est une vraie demande de leur part et nous développons un plan d'action spécifique qui proposera, par exemple, la mise en place de « bases aériennes virtuelles » dans lesquelles les aviateurs pourront se retrouver au sein d'espaces numériques participatifs.

Ma dernière crainte concerne la construction budgétaire. Les trajectoires financières actuellement envisagées nous amènent à court terme sous le seuil des engagements déjà passés. En poursuivant dans cette direction, nous serons amenés à annuler certaines commandes, avec des pénalités à la clé, et nous serons dans l'impossibilité de procéder aux nouvelles acquisitions, celles qui nous permettront de mettre en place des modes de fonctionnement source d'économies.

Les drones, les MRTT, qui n'entrent pas encore dans la construction budgétaire, sont en position de vulnérabilité.

La phase 2 de la quatrième étape du système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA) n'est pas prévue dans le projet de loi de finances 2013. Ses reports successifs fragilisent notamment nos capacités de détection sur le territoire national.

Le report de nombreux programmes d'équipement, décidés en amont des travaux du projet de loi de finances, pourrait aussi s'avérer préjudiciable à notre capacité opérationnelle. C'est le cas par exemple de ceux liés aux obsolescences du missile Aster30, du pod RECO NG, du simulateur Mirage 2000C, de la mise aux normes civiles des hélicoptères Puma et Fennec, de la rénovation des C130 et de la flotte de Mirage 2000D. Sur ce dernier point, je souligne que le Mirage 2000D au potentiel de vie encore élevé nous permettrait de disposer d'un avion, dont il nous faut déterminer le niveau de rénovation et le format, capable d'effectuer à moindre coût une large gamme de nos missions en complément du Rafale.

Il existe un véritable risque de perte de capacités opérationnelles, mais aussi de capacités industrielles nationales dont les conséquences pourraient être irréversibles. Je milite pour l'étude de solutions de court terme qui permettent de conserver la réversibilité nécessaire à la préparation d'un avenir qui pourra être différent de celui d'aujourd'hui. Un avenir qui sera porté par le personnel s'il n'est pas tourné vers une simple diminution des formats mais bien vers un véritable projet.

Après un mois passé à la tête de l'armée de l'air, je vous ai présenté ma vision de l'armée de l'air au regard des moyens que la Nation lui consacre. Je vous ai fait aussi part de mes inquiétudes. Notre outil est remarquable. Il est résolument tourné vers l'avenir. Il repose sur un équilibre complexe et fragile. Le projet de loi de finances 2013 est un projet de transition sur lequel nous devons être vigilants dans son application. Toute mesure irréversible prise pour gérer le court terme pourrait de façon irrémédiable compromettre l'avenir. Il doit nous permettre par ailleurs de lancer les programmes indispensables à notre capacité opérationnelle.

Notre richesse repose sur des aviateurs remarquables, à la motivation exemplaire qui sont engagés sur de nombreux théâtres d'opérations. Des citoyens français, fiers de leur engagement au service de leur pays dont ils portent haut les couleurs. Nous leur devons des moyens et des conditions de travail à la hauteur des efforts qu'ils consentent depuis de nombreuses années.

Je vous remercie de votre attention. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

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