Si en tant que président de l'interprofession laitière je ne suis pas étranger à la filière viande, celle-ci est représentée par l'Association interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev), que vous pouvez interpeller pour bénéficier d'une vue complète. Dans un contexte de tension sur les cours de la viande, les acteurs des secteurs bovin et porcin sont eux aussi concernés par le sujet.
Après une phase d'attente qui a suivi l'entrée en vigueur de l'embargo russe le 7 août dernier, le secteur laitier – axé, depuis plus de trente ans, sur la politique européenne – a rapidement pris la mesure de l'impact que la crise aurait sur les marchés. Seul 0,7 % de notre production laitière – y compris le fromage – est aujourd'hui exporté vers la Russie, la France étant le sixième exportateur en Russie dans ce secteur. Pour autant, beaucoup de pays – les États baltes, la Finlande, la Pologne – sont durement touchés, ce qui produit un effet domino sur l'ensemble des marchés européens. Les cotations de beurre et de poudre ont baissé de quasiment un tiers depuis la mi-août, présageant le prix du lait payé au producteur dans les semaines à venir. Bouleversant dans un premier temps le marché des industriels, l'embargo finira par avoir un effet sur l'agriculteur.
L'Allemagne et les Pays-Bas – gros exportateurs de fromage vers la Russie – ont rapidement réagi en se rabattant sur la fabrication de beurre et de poudre, chargeant le marché européen. En conséquence, les industriels français perdent des parts de marché et doivent trouver de nouveaux débouchés. À terme, on peut espérer un retour à l'équilibre, mais il passera par une baisse des cours de la matière première achetée aux producteurs. Si à l'heure actuelle, ceux-ci n'ont pas encore senti l'impact de l'embargo sur le prix du lait, les premières difficultés commenceront en octobre pour s'accentuer dans les mois qui suivent. En 2015, l'embargo devrait se traduire pour le producteur par une baisse d'environ 40 euros aux 1 000 litres – impact quasiment insurmontable en l'absence d'une décision politique forte.
Nous souhaitons alerter les pouvoirs publics communautaires sur cette situation et inciter la Commission européenne à chercher des solutions aux problèmes de ce marché dérégulé. En prévision de la fin des quotas laitiers en 2015, beaucoup de pays, bridés par ce système – l'Irlande, les Pays-Bas, l'Allemagne, le Danemark –, se sont préparés à produire davantage ; l'embargo vient accentuer les tensions que l'on prévoit à cette occasion sur les marchés laitiers où les cotations sont d'ores et déjà en chute libre.
En Finlande – gros exportateur vers la Russie –, Valio est contraint de fermer deux entreprises, licenciant 250 personnes. La France n'en est pas là pour l'instant, mais elle peut être fortement touchée dans les mois à venir. Si l'embargo dure un an, le prix du lait au producteur atteindra le niveau d'intervention des retraits, soit 200 euros pour 1 000 litres de lait stocké – une situation intenable.