Intervention de Stéphane le Moing

Réunion du 15 octobre 2014 à 9h00
Commission des affaires économiques

Stéphane le Moing, directeur de cabinet adjoint du ministre de l'agriculture :

Monsieur Peiro, Christine Avelin a évoqué l'action du ministre au niveau européen et les réponses communautaires. À l'échelle nationale, la filière des fruits et légumes a d'abord bénéficié des mesures générales d'allègement du coût du travail : la réduction Fillon pour les bas salaires et le dispositif « travailleur occasionnel demandeur d'emploi » (TODE) pour le travail saisonnier. En 2012, ces mesures ont représenté 1,8 milliard d'euros ; en 2014, les effets du CICE font monter le chiffre à 2,5 milliards. En 2015, avec la montée en puissance du CICE et les dispositions du pacte de responsabilité, on en sera à 3,2 milliards d'euros. Dans le contexte de l'embargo russe, cette bouffée d'air arrive à point nommé.

D'autres mesures plus spécifiques viennent aider la filière à faire face à ses difficultés – liées notamment aux conditions météorologiques. Leurs contours sont actuellement précisés dans le cadre de cellules départementales qui réunissent, autour des préfets, les services fiscaux, les banques et la MSA. En effet, au lieu de constituer des enveloppes a priori, il s'agit d'adapter les aides à la situation particulière de chaque exploitation en difficulté. Ainsi les producteurs qui ne sont pas endettés ont-ils moins besoin d'aide en matière bancaire mais davantage d'allégements de cotisations sociales. Début novembre, une réunion avec la MSA permettra de déterminer les besoins financiers par département afin de mettre en place les mesures actuellement en discussion. L'ensemble des dispositifs généraux ou d'urgence en matière de cotisations sociales, de fiscalité ou de prêts bancaires constitue une panoplie complète qui permettra de résoudre les problèmes de trésorerie des exploitations.

Monsieur Herth, on travaille depuis un an sur la définition d'une nouvelle génération d'assurances pour agriculteurs, faisant l'objet de subventions publiques, qui profiterait aux secteurs comme la viticulture – où le taux de pénétration de l'assurance s'élève à 15 % – et l'arboriculture. Ce dispositif qui offrira des contrats moins coûteux et plus accessibles sera opérationnel l'année prochaine. En complément, la loi de finances pour 2013 a profondément remanié la DPA pour inclure les aléas économiques parmi les critères qui en permettent le déclenchement. Ce mécanisme – qui permettrait de lisser efficacement la fiscalité dans la situation actuelle – reste trop peu utilisé, de même que la possibilité donnée par la fiscalité agricole d'étaler les résultats sur une moyenne triennale. Les exploitations devraient mobiliser davantage les dispositifs existants.

Monsieur Cinieri, madame Massat, les ressources budgétaires communautaires destinées à faire face à la crise font en ce moment même l'objet de débat, le collège des commissaires devant rendre ce matin une décision sur le financement du budget 2015. On envisageait, pour faire face à l'embargo russe, de mobiliser les disponibilités du budget de la PAC ainsi que des ressources complémentaires notamment issues des pénalités que certains pays – dont l'Allemagne – subiront pour dépassement des quotas laitiers. Soutenu par l'Allemagne et l'Italie, le Gouvernement français avait dès le début des difficultés fait valoir la nécessité d'épargner la PAC et de recourir à des fonds autres que la réserve de crise. Mais l'arbitrage, vous l'avez souligné, est difficile : aux urgences humanitaires s'ajoute la nécessité, en fin de programmation 2007-2013, d'honorer les engagements pris au titre des fonds structurels – notamment du Fonds européen de développement économique et régional (FEDER) – par des paiements. Le verdict – que l'on espère favorable aux intérêts agricoles – sera rendu aujourd'hui.

Madame Erhel, monsieur Mathis, alors que doivent bientôt s'ouvrir les traditionnelles négociations commerciales sur les prix de 2015, le Gouvernement veille à empêcher la grande distribution d'exercer des pressions sur les prix payés aux producteurs agricoles – pressions déjà effectives dans le secteur laitier. La semaine dernière, le Premier ministre s'est entretenu à ce propos avec Xavier Beulin, président de la FNSEA ; une réunion réunissant Stéphane Le Foll, Emmanuel Macron, la FNSEA, les filières agricoles et la grande distribution est prévue le 23 octobre. Elle permettra aux ministres d'appeler les distributeurs à ne pas en arriver, comme les deux années précédentes, à devoir recourir au médiateur pour réguler les relations commerciales. En attendant, dès le mois d'août, à la demande du ministre de l'agriculture, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a renforcé les contrôles sur la pratique des prix après vente – qui consiste, notamment pour des opérateurs étrangers, à vendre des marchandises sans prix fixé au départ. Dangereuse pour la stabilité des prix, cette pratique interdite semble pour le moment contenue, mais nous restons vigilants. Enfin, la loi relative à la consommation votée au début de l'année offre un cadre renforcé pour le contrôle de l'évolution des prix pratiqués par la grande distribution.

Madame Bonneton, l'ancrage territorial de l'alimentation constitue l'un des quatre volets des orientations de la politique gouvernementale en matière d'alimentation que le ministre de l'agriculture a présentée la semaine dernière. Il fait par conséquent partie du champ de l'appel à projets que nous lançons dans le cadre du programme national pour l'alimentation, les projets qui feront l'objet de soutien public devant être sélectionnés au moment du salon de l'agriculture. L'un des enjeux consiste à amener la restauration collective hors foyer – notamment les cantines scolaires – à faire davantage appel aux productions locales. Malgré les limites qu'il impose, le droit de la concurrence laisse de larges possibilités dans ce domaine. L'expertise réalisée par nos services montre que la discussion entre acteurs locaux – collectivités, État et producteurs – fait apparaître d'importantes potentialités inexploitées. Cette perspective de construction collective, sur le terrain, des pistes d'approvisionnement local nous semble plus pertinente que l'approche réglementaire.

Monsieur Suguenot, nous n'avons pas d'indices d'une remontée des prix des céréales, ni d'informations laissant à présager un effondrement de la production en mer Noire qui ouvrirait des perspectives aux céréaliers français. Cependant, notre récolte de cette année, largement préemptée par la demande exprimée, a déjà trouvé preneur.

Monsieur Pellois, la recherche de nouveaux débouchés qui pourraient absorber les exportations traditionnellement dirigées vers la Russie constitue un des volets offensifs de la stratégie développée ces dernières semaines. Nous travaillons notamment au déblocage des marchés fermés pour des raisons sanitaires : les États-Unis pourraient s'ouvrir à la pomme française, les Philippines à la viande, la Chine à la charcuterie – les discussions sur ce produit sont sur le point d'aboutir –, Hong-Kong aux huîtres. Au-delà de ce volet sanitaire, nous essayons de progresser sur plusieurs marchés grâce à la promotion de nos produits que nous organisons en lien avec FranceAgriMer, Ubifrance et Sopexa. Il s'agit notamment des marchés de l'Union douanière – Kazakhstan et Biélorussie –, de l'Asie – Corée, Chine, Singapour – et du marché communautaire qui représente toujours l'essentiel de nos débouchés et sur lequel il est important de conforter notre position.

Monsieur Le Roch, à la différence de la filière des fruits et légumes, le secteur laitier risque essentiellement de pâtir des anticipations à la baisse des acteurs sous l'effet conjugué de l'embargo russe et de la perspective de fin des quotas laitiers. Le prix des produits industriels – beurre et poudre – a déjà commencé à chuter, celui du lait restant pour l'heure globalement stable. Dans ce contexte – où la baisse éventuelle des prix s'expliquerait par des prédictions autoréalisatrices et non par l'équilibre entre l'offre et la demande sur le marché –, on compte agir au niveau communautaire en envoyant des contre-signaux. Ainsi la France, soutenue par l'Irlande, la Belgique et l'Espagne, a-t-elle demandé lundi, en conseil des ministres de l'agriculture, de relever le prix d'intervention sur le lait, trop bas. Au-delà de cette mesure, nous comptons consolider notre capacité de suivi des marchés grâce à l'observatoire des marchés laitiers – créé à la demande du ministre de l'agriculture – qui permettra de réagir en temps réel à toute évolution. Le ministre a également insisté auprès de la Commission sur la nécessité de mobiliser les instruments créés dans le cadre de la réforme de la PAC, qui facilitent la mise en place de mesures ad hoc en fonction de la situation des marchés. Dans les mois à venir, la filière laitière exigera toute l'attention tant de la Commission que du Gouvernement qui suivra de près les négociations tarifaires pour 2015 entre la grande distribution, les transformateurs et les producteurs.

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