Merci de toutes ces interventions.
La question qui est revenue le plus souvent est indéniablement celle du fonds d'amorçage.
Je commencerai par rappeler que la réforme des rythmes scolaires est une réforme importante, que j'assume totalement. Elle a été faite dans l'intérêt des enfants : on apprend mieux en cinq matinées qu'en quatre. Toutes les communes qui sont passées aux nouveaux rythmes dès 2013 et qui nous ont fait part des résultats de cette expérience nous disent la satisfaction des enfants, des parents, des personnels, et même des collectivités locales. Je ne nie absolument pas, je n'ai jamais nié qu'elle crée pour les communes une contrainte forte : il leur faut changer, s'adapter, s'organiser, trouver les animateurs, anticiper.
La rentrée a d'ailleurs été plus ou moins bien anticipée : certaines communes se sont très bien organisées ; il y a beaucoup d'endroits où ça marche, où les acteurs locaux ont réussi à trouver des activités utiles pour les enfants.
Pour accompagner cette réforme et la mise en place des nouvelles activités périscolaires, un fonds d'amorçage a été créé. Comme son nom l'indique, il s'agissait d'aider les communes à sauter une haie particulièrement haute. Ce fonds était prévu pour l'année 2013-2014 ; il a été reconduit entièrement pour l'année 2014-2015, et a cette fois concerné l'ensemble des communes, représentant alors une dépense pour l'État de 400 millions d'euros. Une aide de 50 euros par an et par enfant est accordée à chaque commune, auxquels s'ajoutent 40 euros pour les communes les plus en difficulté, ainsi que l'aide de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) dès lors qu'un centre de loisirs agréé est ouvert par la commune. Des ressources sont donc mises à disposition pour accompagner les communes.
Ce fonds d'amorçage a été pensé comme une aide temporaire et, pour l'année 2015-2016, la question de son champ d'application se pose encore. J'entends les inquiétudes des communes, qui se sont exprimées ce soir à droite comme à gauche. J'entends qu'il est difficile de prendre en charge cette dépense sans accompagnement. J'entends aussi qu'il n'est pas forcément juste et vertueux que l'État verse une aide à des communes qui ne mettent pas en place d'activités périscolaires.
Ma porte est ouverte. Je recevrai dès demain le président de l'Association des maires de France (AMF). Je continuerai aussi à discuter avec les villes qui ne se sont toujours pas engagées dans la mise en oeuvre des activités périscolaires, au détriment des enfants et de leurs familles. Ma porte est ouverte afin que nous trouvions ensemble la meilleure solution pour, en ce temps de rareté des deniers publics, permettre d'améliorer le temps scolaire et d'imaginer des activités périscolaires de qualité. La discussion se poursuivra dans les jours qui viennent.
J'en viens aux autres questions, à commencer par celles, nombreuses également, qui portaient sur l'efficience de notre système. Plusieurs d'entre vous ont pointé du doigt, comme l'avait fait la Cour des comptes, que l'allocation des moyens de l'éducation nationale n'est pas forcément optimale, au regard de nos résultats. Je partage cet avis – mais je n'en conclus pas qu'il faille cesser d'investir dans l'éducation ou de créer des postes d'enseignants ! J'en conclus qu'il faut mieux allouer les moyens, établissement par établissement, territoire par territoire, pour que les ressources soient en adéquation avec les besoins. Il faut notamment mieux prendre en considération les difficultés spécifiques, singulières, des établissements situés en zone urbaine sensible ou en zone rurale isolée. C'est pourquoi nous procéderons à une réforme de l'allocation des moyens par académie et, au sein de chaque académie, par établissement, afin que tous les élèves, où que soit situé leur domicile, quelles que soient leurs ressources, soient vraiment mis en condition de réussir.
C'est cette démarche que nous avons engagée – sans épuiser le sujet – avec la réforme de l'éducation prioritaire : là où l'accompagnement est plus nécessaire encore qu'ailleurs, il faut le renforcer. Dans certains quartiers, dans certains territoires, si l'école n'est pas suffisamment armée pour faire réussir les enfants, alors ceux-ci ne réussiront pas : les obstacles sont trop nombreux et trop difficiles à franchir. Nous réformons donc l'éducation prioritaire en donnant plus de moyens là où il le faut, pour stabiliser et former les équipes enseignantes, pour libérer du temps pour la préparation de projets pédagogiques collectifs et de sorties scolaires ou tout simplement pour travailler en équipe.
Cette réforme est en cours : les recteurs consultent actuellement les élus locaux, pour définir ensemble, de façon transparente, quels sont les territoires qui ont le plus besoin de ces moyens nouveaux. J'annoncerai la nouvelle carte avant la fin de l'année et les nouveaux moyens seront disponibles dès la rentrée 2015.
Je veux absolument rompre avec le système où, à deux élèves près, à une situation sociale près, les établissements perdent le bénéfice du statut ZEP ou REP. La nouvelle allocation des moyens sera donc progressive et adaptée à chaque établissement, ce qui fera disparaître les effets de seuil. Cela nous permettra de répondre aux objections de la Cour des comptes, en luttant mieux contre les déterminismes sociaux.
Plusieurs d'entre vous m'ont interrogée sur le métier d'enseignant. Pour améliorer la réussite scolaire, il faut aussi des enseignants mieux outillés, mieux formés, plus solides. Il a été question de la faible attractivité de ce métier : mais celle-ci venait surtout du fait que l'éducation nationale, avant 2012, supprimait des postes ! Comment voulez-vous attirer des étudiants vers l'enseignement quand l'État ne cesse de détruire des postes et, pire encore, la formation, comme si enseigner ne s'apprenait pas ?
La meilleure façon de redonner de l'attractivité à ces métiers, c'est de recruter, de reconstituer une formation initiale, mais aussi de revaloriser ces métiers. J'évoquais tout à l'heure l'ISAE, de 400 euros annuels : cela peut paraître bien peu, mais c'est un début de rattrapage d'un retard. Dès que nous pourrons faire mieux, nous le ferons. Mais les enseignants veulent aussi que leurs missions soient mieux définies : là encore, un travail considérable est mené depuis quelques mois au ministère de l'éducation nationale sur les différents métiers pour revoir le statut, les missions… Le décret de 1950 a enfin été refondu.
Monsieur Hetzel, je vous confirme que le décret relatif aux remplacements de courte durée est toujours en application. Le nombre d'heures que les établissements consacrent à ces remplacements s'est d'ailleurs maintenu au même niveau que les années précédentes. En réalité, le problème que vous soulevez se pose surtout pour les remplacements de longue durée, qu'il a été difficile d'assurer pendant des années en raison des suppressions de postes. Ces dernières ont en effet concerné en priorité les postes les moins visibles – ceux des remplaçants et des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) – et non ceux des enseignants qui se trouvaient devant les salles de classe. En créant des postes, nous sommes donc en train de reconstituer peu à peu le vivier de remplaçants.
La création d'un nouveau corps de psychologues de l'éducation nationale est l'un de nos chantiers de réflexion actuels : ceux-ci auront pour mission d'intervenir dans les établissements scolaires, de la maternelle jusqu'au post-bac. Nos travaux en la matière, qui devraient aboutir dans les mois qui viennent, devraient permettre d'améliorer le recrutement de ces personnels ainsi que leur formation et leur déroulement de carrière.
Nous avons consacré des moyens conséquents à la relance de la formation continue et créé des postes de formateurs. Dans le second puis dans le premier degré, nous avons créé un nouveau métier de professeur formateur académique et instauré un droit à la formation de trois jours pour les enseignants de l'éducation prioritaire. Pour favoriser la formation par le biais du numérique, nous avons créé de nouveaux modules de formation sur M@gistère, notre site de formation continue en ligne. Enfin, nous avons augmenté le nombre de jours de formation des directeurs d'école.
Comme je l'ai souligné ce matin lorsque j'ai été auditionnée par l'Observatoire de la laïcité, il convient de renforcer la portée de la charte de la laïcité qui a certes été affichée partout dans les écoles mais qui n'a pas forcément été assimilée par tous. En souvenir de la loi de 1905, nous pourrions retenir la date symbolique du 9 décembre pour organiser des actions sur le sujet sur l'ensemble du territoire. Par ailleurs, le Plan national de formation comprend une formation dédiée au thème de la laïcité : en 2013-2014, plus de 5 000 enseignants, inspecteurs et chefs d'établissement en ont bénéficié. Nous faisons aussi en sorte que la laïcité fasse partie des thèmes de tronc commun des formations dispensées dans les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE). En outre, j'ai proposé d'inclure sur la plateforme M@gistère un parcours d'e-formation relatif à l'enseignement laïque des faits religieux, ce afin de compléter le parcours actuel qui reste très général – n'abordant que les textes fondateurs de la laïcité. Enfin, le Conseil supérieur des programmes (CSP) élabore actuellement le Programme d'enseignement moral et civique : il me rendra ses travaux dans les prochaines semaines en prévision d'une application à la rentrée 2015.
En ce qui concerne l'éducation artistique et culturelle, le PLF pour 2015 prévoit une dotation de 260 millions d'euros afin de financer, d'une part, la rémunération des heures supplémentaires des enseignants chargés de transmettre cette matière, et d'autre part, l'intervention d'intermittents et d'intervenants extérieurs ainsi que le soutien à des associations chargées de contribuer à ces pratiques. J'ajoute que nous poursuivrons dans cette voie, non seulement parce que l'éducation artistique et culturelle constitue l'un des aspects de la réforme des programmes mais aussi parce que le parcours d'éducation artistique et culturelle devrait être instauré à partir de l'année prochaine. J'attends d'ailleurs également dans les prochaines semaines les conclusions du CSP sur le sujet. Plus généralement, la ministre de la culture, Fleur Pellerin, et moi-même serons amenées à présenter notre feuille de route commune dans quelques semaines.
Le projet « Collèges connectés » vise à faire des collèges des lieux d'incubation, des accélérateurs de l'appropriation du numérique. Nous projetons de porter le nombre de collèges concernés de 23 aujourd'hui à 100 à la rentrée 2015, l'accélération de l'usage du numérique sur ces sites préfigurant les mesures que nous souhaitons appliquer à tous les collèges à la rentrée 2016. En 2015, les collèges connectés bénéficieront chacun d'une dotation de 10 000 euros leur permettant d'acquérir des manuels numériques, d'un accompagnement particulier de la part de l'académie en matière de formation des enseignants au numérique et enfin, d'actions pédagogiques interdisciplinaires.
L'apprentissage junior ayant été débattu lors de l'examen du projet de loi de refondation de l'école, je tiens à souligner que nous n'avons jamais dit que l'apprentissage n'était pas un modèle de succès. Bien au contraire puisque nous aspirons à le développer, comme le Président de la République l'a affirmé lors de la dernière grande conférence sociale. En revanche, nous ne souhaitons pas que des jeunes soient envoyés en apprentissage sans avoir acquis le socle de connaissances, de compétences et de culture que nous sommes en train de revoir, c'est-à-dire sans avoir acquis les moyens d'évoluer ensuite dans un monde moderne caractérisé par la mobilité. C'est pourquoi nous sommes défavorables à l'apprentissage précoce dès 14 ans. Mais nous soutenons l'apprentissage par le biais de mesures financières : nous nous sommes ainsi engagés à consacrer 200 millions d'euros à l'augmentation des moyens des centres de formation en alternance (CFA) et à la création de l'aide au recrutement d'apprentis, qui s'élève à 1 000 euros par apprenti dans les entreprises de moins de 50 salariés. Nous consacrerons également des fonds européens au financement du logement et du transport des apprentis. Le ministère de l'éducation nationale s'est fixé l'objectif de porter le nombre de jeunes aujourd'hui accueillis sous statut d'apprenti dans nos établissements scolaires de 40 000 aujourd'hui à 60 000 demain. Pour ce faire, nous cherchons à améliorer l'image de l'apprentissage et de l'information le concernant dans le cadre de toutes les procédures d'affectation et d'orientation qui suivent les classes de troisième et de terminale – et notamment dans le cadre du parcours d'information, d'orientation et découverte du monde professionnel que nous sommes en train de créer pour les collégiens, qui permettra aux établissements scolaires de s'ouvrir au monde professionnel. Dans ce parcours, nous ferons en sorte que les élèves découvrent de près les réalités de l'apprentissage – notre objectif étant de susciter des vocations. Enfin, nous ferons en sorte que les enseignants puissent bénéficier de modules de formation à la pédagogie de l'apprentissage.
S'agissant de l'inclusion et du handicap, je suis très attachée à ce que l'école soit toujours plus inclusive : elle a d'ailleurs beaucoup progressé à cet égard, accueillant aujourd'hui 240 000 enfants en situation de handicap, soit le double d'il y a cinq ans. C'est pourquoi je me félicite que le Gouvernement ait satisfait au besoin d'augmenter le nombre d'auxiliaires de vie scolaire (AVS) et d'accompagnateurs d'élèves en situation de handicap : nous en recrutons ainsi 350 de plus cette année et comptons en recruter 350 l'an prochain. Il est également nécessaire de professionnaliser les 28 000 AVS aujourd'hui en exercice : alors qu'ils sont actuellement liés par des contrats à durée déterminée (CDD), nous avons souhaité leur faire bénéficier de contrats à durée indéterminée (CDI) et leur offrir une formation qui leur permette d'améliorer leurs pratiques. Enfin, pour accueillir ces élèves, le nombre de classes pour l'inclusion scolaire (CLIS) ne cesse d'augmenter et j'ai identifié le besoin de développer les unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS) en lycée professionnel.
Bien que l'organisation du périscolaire relève des communes et non de l'État, je souhaiterais que les différents travaillent ensemble dans le cadre des PEDT. Il en va d'ailleurs de même s'agissant de la prise en charge du handicap : il est beaucoup plus simple pour l'État – qui embauche des AVS, les forme et transforme leurs CDD en CDI – de les mettre ensuite à disposition des communes. Certes, elles les rémunéreront mais cela leur évitera de devoir recruter de nouveaux personnels pour accompagner les enfants dans leurs activités périscolaires. Cela nous permettra de faire en sorte que les enfants en situation de handicap aient accès non seulement à du temps scolaire mais également à du temps périscolaire.
Madame Bello, lorsqu'une enseignante ne peut effectuer son stage jusqu'au bout de sa durée réglementaire – notamment en cas de congé maternité –, la règle veut que son stage soit prolongé et qu'elle conserve son poste, sauf si la durée de son absence s'avère trop longue. Par ailleurs, bien que l'organisation des concours soit soumise à des règles d'équité entre les candidats, afin de prendre en compte les spécificités des territoires d'outre-mer, il est tout à fait possible au président du jury d'un concours de prendre la décision de déplacer une délégation de son jury vers un territoire ultramarin pour y faire passer ce concours.
Lorsque nous évoquons la préscolarisation des enfants de moins de trois ans, nous visons notamment les familles les plus éloignées de l'école. Sachant à quel point les écarts d'apprentissage de la langue se creusent dès avant trois ans, nous avons souhaité cibler notre action en la matière sur les territoires où les besoins sociaux sont les plus importants. C'est pourquoi chaque réseau d'éducation prioritaire comportera au moins une classe accueillant des enfants de moins de trois ans. Sur le plan quantitatif, après que le nombre d'enfants de trois ans accueillis n'a cessé de diminuer pendant dix ans, cette tendance s'est inversée en 2013-2014. Et ce retournement sera amplifié en 2015 et les années suivantes dans les zones en difficulté. Nous nous donnons donc les moyens de mener cette politique à laquelle nous tenons beaucoup.
S'agissant des matières scientifiques et des nouvelles technologies, et en particulier des recommandations formulées par Maud Olivier dans son rapport sur les cultures scientifiques, techniques et industrielles, un effort d'expérimentation a effectivement été accompli dans les ESPE de Lyon mais aussi de Toulouse et de Poitiers. Dans la dernière de ces villes par exemple, nous avons institué des modules de vulgarisation scientifique à destination des étudiants de licence non scientifique. Et nous souhaitons que les autres ESPE évoluent dans le même sens. Par ailleurs, les nouveaux programmes nous permettront d'encourager l'appétence pour la science et les technologies. Enfin, je vous accorde que nous pourrions en faire davantage en faveur l'initiation aux sciences dans le cadre périscolaire. Mais encore une fois, c'est grâce aux plans éducatifs territoriaux que nous y parviendrons le mieux : 7 000 de ces plans ayant déjà été signés, des marges de progrès existent en la matière.
Pour conclure, je suis très attachée aux internats et sais à quel point nous en avons besoin tant ils favorisent la réussite scolaire – et en particulier celle des jeunes filles. En effet, beaucoup d'entre elles se retrouvent freinées, lorsqu'elles souhaitent poursuivre des études supérieures, par des parents qui refusent de les voir déménager ou s'éloigner. Du point de vue budgétaire, les internats de la réussite sont financés par le programme d'investissements d'avenir : aux termes de la loi de finances initiale pour 2014, le deuxième volet de ce programme a contribué à leur financement à hauteur de 150 millions d'euros supplémentaires – crédits destinés à la création de 6 000 places supplémentaires en internat de la réussite, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine ayant été retenue comme opérateur pour réaliser ces constructions. Enfin, ces internats font l'objet d'un plan d'ensemble associant l'État et les collectivités locales et assorti d'une charte de l'internat, destinée à préciser la politique qui doit y être conduite, notamment pour favoriser la mixité sociale. Dans le cadre de ce plan, la priorité sera accordée aux régions les plus déficitaires en termes de places d'hébergement en internat, soit les régions Île-de-France, Nord-Pas-de-Calais, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Rhône-Alpes, ainsi qu'en outre-mer. En Nouvelle-Calédonie, l'État s'engage ainsi à construire deux lycées équipés d'un internat.