En tant qu'ancien vice-président et co-rapporteur de cette mission, je veux tout d'abord saluer la qualité du travail accompli après de nombreuses heures d'auditions et des déplacements aux quatre coins de France pour rencontrer les acteurs de la sécurité.
Le rapport contient beaucoup de bonnes propositions en termes d'outils de mesure de l'insécurité et d'amélioration du cadre de travail des forces de l'ordre – sur le nombre restreint d'objectifs, sur l'allégement des tâches « indues », sur la formation, sur la réforme du cadre juridique de l'enquête, sur l'augmentation des moyens humains et matériels, sur les intervenants sociaux dans les commissariats, sur l'utilisation des réseaux sociaux. Sur ces sujets, beaucoup de ces propositions font consensus.
Il en va de même des propositions relatives à la répartition adaptée des effectifs et au contrôle du Parlement sur celle-ci, ainsi qu'à la mutualisation entre les deux forces – à condition que cela n'obère pas les capacités de l'une au profit de l'autre et que l'on n'aille pas jusqu'à la fusion.
L'analyse des ZSP a également fortement mobilisé notre mission. Les propositions de stabilisation de leur nombre à quatre-vingts et de renforts en effectifs ne font pas débat, même si, de l'aveu du ministre, ces structures n'ont pas toutes vocation à être pérennisées et si certaines n'obtiennent pas les résultats escomptés. L'exportation des bonnes pratiques de partenariat développées dans les ZSP vers d'autres territoires va de soi, ainsi que le renforcement de l'association des maires à leur fonctionnement.
En revanche, la question des reports de délinquance est centrale. L'amélioration de la coproduction de sécurité locale permise par les ZSP gagnerait en efficacité en s'appuyant, comme le propose le rapport, sur l'articulation avec les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) via des groupes de travail thématiques transversaux.
À la lecture du rapport, on a bien confirmation que les ZSP ont bénéficié de moyens supplémentaires au détriment d'autres territoires. Il en va ainsi – il y aura bientôt un rapport là-dessus – de la mobilisation constante dans les ZSP des forces mobiles de sécurité (CRS et gendarmerie mobile), ainsi que des douanes – qui nous ont pourtant rappelé leur hostilité à la dispersion de leurs moyens – et du fléchage quasi-exclusif des ressources du FIPD vers les ZSP, qui se fait au détriment des autres territoires.
Le renforcement du rôle du maire dans la prévention de la délinquance est également une attente forte des élus locaux, notamment dans l'élaboration des plans départementaux de prévention de la délinquance, même si l'organisation de rappels à la loi nécessiterait aussi un véritable pouvoir de sanction pour être efficace. De plus, le fonctionnement des CLSPD s'est complexifié à la suite de l'adoption de la loi du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales. La mission aurait pu par ailleurs utiliser les informations qu'elle a recueillies pour dresser certaines des évaluations qu'elle préconise.
On ne peut qu'être d'accord également avec le renforcement des liens entre la justice et les acteurs de la sécurité publique, par la généralisation de chargés de mission auprès du procureur de la République – vous n'en avez pas parlé –, la création d'un conseil de juridiction au sein de chaque tribunal de grande instance (TGI) permettant le dialogue entre les magistrats du siège et du parquet – nous avons constaté que ce serait une bonne chose à maintes reprises –, ainsi que l'institution, au sein de chaque département et TGI situés dans les ressorts comprenant une ZSP, d'un conseil départemental de justice.
Voilà ce qui va bien. J'aurais pu évoquer d'autres propositions mais je n'ai pas voulu être trop long. Il y a revanche des problèmes.
Vous avez évoqué notre démission. Nous avons effectivement démissionné de cette mission d'information avec mes collègues Éric Ciotti et Georges Fenech parce que nous avons été totalement indignés par la mutation-sanction qui a frappé un haut fonctionnaire de la gendarmerie, le général Bertrand Soubelet, que l'on appelle désormais dans la gendarmerie « le général courage », en raison de la sincérité avec laquelle il s'est exprimé lors de son audition, faisant état d'inquiétudes d'ailleurs largement partagées face à une réponse pénale inadaptée.
Est-ce qu'un général de gendarmerie venant s'exprimer devant une mission d'information n'a pas le droit de prononcer certaines paroles ? C'est extrêmement grave ! Certes, il n'a pas été le seul, parmi nos interlocuteurs, à tenir ce langage sauf que la presse s'est emparée de ses déclarations. Cela pose la question de l'ouverture à la presse de nos auditions. Sa sanction signifie clairement que toute vérité n'est pas bonne à dire devant des députés travaillant dans le cadre d'une mission d'information. C'est pourquoi nous avons démissionné et cela n'a pas été une décision facile car ce faisant, le Gouvernement a fait très clairement obstacle au pouvoir constitutionnel de contrôle du Parlement sur son action. Comment diagnostiquer les dysfonctionnements et y remédier si nous sommes privés des informations réelles sur instruction du Gouvernement ? Dès lors que les hauts fonctionnaires que nous entendons sont menacés de sanction, que la sanction tombe de surcroît et que leur liberté de parole n'est pas protégée lorsqu'ils viennent s'exprimer dans notre enceinte, cette mission n'a plus de sens, pas plus que celles à venir. Le ministre de l'intérieur n'a d'ailleurs jamais répondu à notre courrier, transmis par le Président de l'Assemblée nationale que nous avions saisi.
J'observe avec un peu d'ironie que même le président-rapporteur de notre mission d'information – sur un autre sujet – a aussi fait l'objet d'une sorte de mutation-sanction puisque, mon cher collègue, vous ne faites plus partie de notre Commission. Nous le regrettons car vous êtes un spécialiste reconnu des questions de sécurité et nous avons pu travailler ensemble dans d'excellentes conditions. En effet, nous n'avons rien à vous reprocher dans le cadre de cette mission et nous louons vos méthodes de travail. Nous partageons du reste beaucoup des propositions que vous avez formulées.
Toutefois, il résulte de la comparaison du document que j'ai sous les yeux avec les travaux préparatoires qu'il y a un certain parti pris idéologique dans les termes utilisés et que ceux-ci peuvent nuire à son objectivité. Aussi je me réjouis que l'emploi du terme « fantasme » pour qualifier le sentiment d'impunité ait disparu.
D'autres expressions, caricaturales, peuvent susciter encore la réprobation, comme l'affirmation de « la logique destructrice de la RGPP » – on fait porter à la RGPP un chapeau un peu large – ou le raccourci qui consiste à dire que, depuis les années deux mille, les gouvernements de droite n'ont fait que multiplier les objectifs assignés aux forces de l'ordre, alors que des lois fondamentales pour la lutte contre la délinquance ont adapté sans relâche notre arsenal juridique. Il en est de même de l'accusation d'avoir « transformé les personnels en producteurs de statistiques », ce qui est excessif et nie l'apport positif de l'introduction d'une culture du résultat. Je pense également que restreindre les objectifs ne permettra pas la souplesse nécessaire à l'adaptation de la réponse de sécurité aux difficultés du terrain.
La formulation « les forces de l'ordre doivent être irréprochables ; or ce n'est pas toujours le cas » peut être comprise comme mettant en cause la probité des femmes et des hommes qui chaque jour accomplissent pourtant excellemment leur mission de protection de la société sur le terrain. Établir une relation de cause à effet entre les contrôles d'identité menés par les forces de l'ordre et les émeutes violentes qui ont secoué la France est sans doute aussi excessif.
Sur le fond, le diagnostic du rapport de la mission peut encore apparaître lacunaire.
L'état des lieux fait par le rapport, même s'il traite des évolutions de la délinquance, aurait gagné à établir les profils délinquants – étrangers notamment, alors que les ressortissants d'Europe de l'Est représentent 30 % des auteurs de cambriolages selon les chiffres communiqués par le patron de l'Office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI), ou les délinquants réitérants –, par type de délits, en lien avec les lieux de leur commission. C'est comme si l'on cherchait à ménager des zones d'ombre sur les manifestations de la réalité délinquante pourtant précisément décrite par nos interlocuteurs, ainsi que par l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) que vous avez cité : l'implantation croissante et durable de la grande criminalité organisée sur tout le territoire, y compris en milieu rural ; l'augmentation de la part des mineurs dans la délinquance de masse, en lien avec des réseaux criminels ; la diffusion de la prostitution ; l'évolution des vols à main armée ; les vols d'engins agricoles, etc.
Les difficultés de la mesure de l'insécurité ne mentionnent pas assez la qualité des travaux de l'ONDRP, ni le retard pris – et qu'il faut dénoncer très fortement – dans l'interconnexion des fichiers. Certains d'entre nous s'inquiètent par ailleurs – le précédent ministre n'y était pas non plus très favorable, me semble-t-il – de la création du service statistique du ministère de l'intérieur. Cette mesure internalise le diagnostic, désormais placé entre les mains du ministre, au lieu de le confier à une instance indépendante externe, même si je veux me garder de tout procès d'intention.
Or, en l'absence de données sur la réponse pénale, y compris en ZSP, comment peut-on contester le sentiment d'insécurité en affirmant, comme le fait le rapport, qu'il est « déconnecté de l'insécurité réelle », quand on sait que la délinquance n'a cessé d'augmenter depuis 2012 ? Et ce n'est pas qu'une question d'effectifs puisque, alors que le Gouvernement est à l'heure du bilan de mi-mandat, les atteintes aux biens ont augmenté de 4 %, les cambriolages de 6,4 % en 2013, les vols violents sans armes et les atteintes volontaires à l'intégrité physique ont poursuivi leur augmentation, de même que la délinquance itinérante ou encore les escroqueries et infractions économiques.
Pour s'exonérer de toute responsabilité, le rapport évoque en boucle pour seule et unique source de tous les maux la RGPP. Mais les spécialistes savent – vous en êtes, monsieur le président – que la sécurité est loin de n'être qu'une question d'effectifs ! Il faut parler de la lourdeur des procédures – cela a été un leitmotiv au cours des travaux de la mission – qui obère l'action policière au détriment du temps consacré à l'enquête et au travail de terrain des forces de l'ordre.
Le rapport devrait davantage souligner la diminution des crédits de fonctionnement de la police – que nous a confirmé le directeur général de la police nationale (DGPN) lors d'une audition. Cela représente une baisse de 5 % en 2014, de 10 % en 2016 et de 15 % en 2017. Cela ne va pas faciliter l'affectation de moyens aux forces de l'ordre pour effectuer leurs missions. Si l'on augmente les effectifs mais que l'on diminue les moyens, l'efficacité de l'action ne pourra être assurée ! Le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) a confirmé cette situation de tensions persistantes sur le fonctionnement de la gendarmerie, en matière d'entretien de systèmes de communication, d'immobilier domanial, d'entretien des véhicules, d'achat de carburant, etc.
Sur vos propositions de financement complémentaires visant à taxer davantage les sociétés de sécurité privée – si j'ai bien compris –, en faisant passer leur contribution de 0,5 % à 0,7 % du chiffre d'affaires et en ponctionnant une partie des fonds du CNAPS, je vous invite à veiller à ne pas fragiliser leur équilibre économique alors que ce secteur est un fort pourvoyeur d'emplois.
On aurait pu inscrire parmi les propositions un moratoire – qui existe comme nous l'a confirmé le DGGN – sur la mise en réserve des crédits budgétaires de la police et de la gendarmerie par Bercy. On pourrait également transférer une partie des recettes des amendes routières aux collectivités territoriales pour permettre l'entretien des bâtiments.
L'affectation des avoirs criminels et véhicules saisis aux forces de l'ordre ne me semble pas être un dispositif performant puisqu'il nous a été indiqué que seuls dix millions d'euros sur 350 millions d'euros saisis ont été affectés aux forces de police.
Alors que le rapport met en exergue les relations entre la police et la population, le mal-être des forces de l'ordre n'est que peu évoqué. On nous a pourtant confirmé la gravité de la situation, sur fond de hausse des outrages et violences sur dépositaires de l'autorité publique, des suicides (40 en 2014 contre une trentaine en 2013), de désaffection de la police judiciaire, d'exaspération devant la lourdeur des procédures rappelée dans le rapport – le temps perdu pour l'enquête a été évalué –, ce qui nécessiterait un véritable choc de simplification. À ce propos, je ne crois pas que l'on puisse prétendre que l'arrivée de l'avocat n'a pas obéré l'issue des enquêtes, puisque, au contraire, les enquêteurs estiment que la garde à vue n'est plus vraiment un outil d'enquête, les formalités multiples représentant deux tiers du travail. La réponse à cette problématique n'est pas qu'une question de formation.
On se demande, au vu des missions dont la justice vient de se décharger sur la police et du taux de saturation de ces deux administrations, comment le transfert des tâches indues à d'autres administrations que suggère le rapport pourrait aboutir – même si c'est une bonne proposition – alors que la question des transfèrements de personnes détenues, pourtant consensuelle depuis dix ans, n'est toujours pas réglée. Seules huit régions ont été transférées à l'administration pénitentiaire… Or cette question se pose d'autant plus que la loi du 15 août 2014 vient d'ajouter aux missions des forces de l'ordre le suivi des délinquants condamnés à une contrainte pénale, ainsi qu'à compter du 1er janvier 2015, le suivi des personnes libérées aux deux tiers de leur peine, missions qui devraient être dévolues aux services pénitentiaires d'insertion et de probation.
Des pistes intéressantes ont été écartées, comme la nécessité de lutter contre le décrochage et l'absentéisme scolaires, question restée sans réponse depuis l'abrogation de la loi du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l'absentéisme scolaire. Les établissements publics d'insertion de la défense (EPIDE) et le service citoyen des mineurs délinquants ne sont pas non plus évoqués, alors qu'ils offrent d'intéressantes perspectives de réinsertion.
Je ne m'étendrai pas sur la question du jugement des mineurs puisqu'il y a une réponse du président de la mission.
Pour renforcer le lien entre les forces de l'ordre, les maires et les bailleurs sociaux, le transfert permanent des images de vidéoprotection des bailleurs sociaux aux forces de sécurité, ainsi que la communication aux bailleurs sociaux par la police de l'identité des personnes occupant les parties communes des immeubles devraient être autorisés afin de faciliter les procédures d'expulsion quand elles sont nécessaires. La question de l'expulsion des locataires fauteurs de troubles – à laquelle j'ai d'ailleurs consacré une proposition de loi –, aurait par ailleurs mérité de figurer dans ce rapport.
Pourquoi ne pas proposer d'étendre le dispositif, pourtant consensuel, des « voisins vigilants » ou « voisins citoyens » comme l'ont rebaptisé nos collègues et de l'adapter dans les villes ? Je n'ai pas pu prendre connaissance dans son intégralité du document que nous avons sur table ce matin mais si cette proposition figure dans le rapport, tant mieux !
L'apport de la vidéoprotection – que le ministre de l'intérieur a qualifiée lors de son audition d'« extraordinaire outil d'élucidation des actes de délinquance constatés » – est minoré par ce rapport qui met l'accent sur son évaluation, sans proposer d'achever son développement. Or la diminution des crédits du FIPD – qui perd deux millions d'euros en 2015 – et la réduction de la part consacrée à la vidéoprotection – qui a diminué de 20 % en deux ans (elle représentait 55 % en 2012 et sera de 35 % en 2015) – ne permettra pas de combler le retard énorme que connaît la France. Je citerai un seul chiffre : Paris ne dispose que de 1 000 caméras sur la voie publique, alors qu'à Londres 75 000 caméras sont reliées à Scotland Yard. En outre, l'éclatement de l'orientation des crédits du FIPD proposée par le rapport vers le financement d'actions qui relèvent des départements, comme la prévention spécialisée et la médiation sociale, ne répond pas vraiment aux enjeux des territoires.
Nos interlocuteurs s'accordent sur le constat qu'une véritable lutte contre la délinquance passe par une réponse pénale effective – comme l'avait souligné à sa manière le général Soubelet. En effet, s'il n'y a pas de réponse pénale effective, à quoi servent les effectifs de police et de gendarmerie déployés sur le terrain ? Je caricature un peu… Or, ce rapport, dans le droit fil de la circulaire de politique pénale de la garde des Sceaux de 2012, du rapport d'information de M. Dominique Raimbourg sur les moyens de lutte contre la surpopulation carcérale et de la loi du 15 août 2014, propose encore de réduire les sanctions encourues. C'est le sujet sur lequel nous sommes le plus en désaccord.
Les propositions de la mission d'information sont insuffisantes pour régler le problème de la non-exécution des peines. Je rappelle qu'actuellement, il y a entre 80 000 et 100 000 peines de prison ferme qui sont en attente d'exécution. Les préconisations du rapport de M. Éric Ciotti de 2011 sur les moyens d'améliorer l'exécution des décisions de justice pénale semblent avoir été ignorées. En outre, le Gouvernement refuse d'appliquer la loi de programmation relative à l'exécution des peines adoptée par la précédente majorité.
Dans le volet « réponse pénale », on peut déplorer l'absence d'éléments sur la réforme de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante– même si cela ne faisait pas partie du champ de nos travaux – , ainsi que de propositions visant à sanctionner les réitérants, auteurs d'une délinquance de masse, ou encore les délinquants communautaires – notamment les ressortissants d'Europe de l'Est.
En outre, la mission ne propose pas de revenir sur l'abrogation des « peines plancher » pour les délinquants récidivistes mises en place par la précédente majorité – ce que je comprends au regard des orientations de la loi du 15 août 2014.
Il faut également évoquer la contraventionnalisation de l'occupation des halls d'immeubles car c'est un grand problème qui ne fait pas consensus. Ce qui me gêne, c'est que cette mesure ne permettrait plus le placement en garde à vue des personnes concernées auteurs d'autres délits (usage et trafic de stupéfiants). En effet, qui peut croire qu'elles s'acquitteront de ces contraventions ? Sauf peut-être avec l'argent de la drogue mais cela conforterait leur trafic… C'est donc un débat très lourd d'enjeux.
Quant à la contraventionnalisation de l'usage de stupéfiants – qui, si j'ai bien compris, a été retiré in extremis du rapport –, beaucoup d'observateurs s'y opposent car elle ne permettrait plus le placement en garde à vue des consommateurs, essentiel dans l'identification des réseaux.
Dépénaliser de graves délits routiers, comme la conduite en état d'ivresse, sans permis ou malgré sa suspension ou le défaut d'assurance, mérite d'être étudié ! Il faut faire attention à ne pas adresser un signal qui accréditerait l'idée d'une « impunité routière », alors même que le rapport constate que le taux de récidive est élevé en ce domaine. Une étude du ministère de la justice indique ainsi que parmi les personnes condamnées pour délits et contraventions de la cinquième classe, 42 % avaient récidivé dans les huit dernières années ! En outre, la proposition du rapporteur de faire de l'amende contraventionnelle forfaitisée la première sanction d'actes dont la répétition constituerait un délit pose un problème juridique car ce procédé éteint l'action pénale. Et en vertu du principe non bis in idem, on ne pourrait pas en faire le point de départ d'une récidive. C'est plutôt ennuyeux ! D'autant que vous confessez, monsieur le rapporteur, que ce système nécessiterait une modification informatique de la base « permis de conduire », à l'heure où les crédits sont déjà insuffisants pour permettre le fonctionnement normal des logiciels existants à périmètre constant…
Les propositions faites par la RATP d'augmenter les amendes pour fraude dans les transports publics et de donner aux agents de contrôle des autorités de transport un pouvoir de contrôle d'identité ne figurent pas dans le rapport, alors qu'elles permettraient de lutter efficacement contre ces formes d'incivilités.
Les auditions laissaient penser que le rapporteur souhaitait étendre la transaction pénale aux délits punis d'une peine supérieure au seuil actuel d'un an de prison. Que sont devenues ces propositions auxquelles le rapporteur tenait, même si j'y étais opposé ? On peut également lire entre les lignes qu'il est favorable à la dépénalisation de certains comportements mentionnés dans le rapport Raimbourg précité (comme le racolage passif, la mendicité agressive, l'occupation d'un terrain en réunion, la vente à la sauvette). Peut-il dire pourquoi il y a renoncé ?
Demander l'application de la transaction pénale prévue par la loi du 15 août 2014 ne tient pas compte des difficultés de sa mise en oeuvre par les forces de l'ordre. Le DGPN et le DGGN ont confirmé que cette réforme alourdirait considérablement le temps consacré aux procédures au détriment de l'enquête. En outre, les commissariats ne sont pas équipés – aujourd'hui en tous cas – pour percevoir et conserver de l'argent, ce qui nécessiterait de créer des régies, avec tous les problèmes que cela poserait.
En conclusion, cette mission, qui s'était fixé un objectif ambitieux et nécessaire à la compréhension d'un phénomène en constante mutation, malgré un travail d'auditions et de recherche considérable – dont on peut regretter qu'il ne soit pas retranscrit –, a accouché d'une souris. C'est pourquoi je ne souhaite pas cautionner les propositions que son rapport contient – notamment en matière de réponse pénale. Je regrette que des pistes intéressantes, évoquées par les interlocuteurs de la mission et que je viens de citer, n'y figurent pas. Aussi, avec les membres de mon groupe, je voterai contre ce rapport, sur lequel pèse de surcroît le discrédit de la sanction contre un haut fonctionnaire seulement coupable – à nos yeux – d'avoir livré une analyse qui a déplu au Gouvernement.