Intervention de Patrick Hetzel

Réunion du 23 octobre 2012 à 9h30
Commission élargie : recherche et enseignement supérieur

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Hetzel, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l'éducation pour la recherche :

Madame la présidente, madame la ministre, mon intervention se concentrera sur trois questions : le crédit d'impôt recherche – CIR –, l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur – AERES – et l'Agence nationale de la recherche – ANR. Vous le voyez, nos interrogations révèlent une certaine cohérence.

La compétitivité de notre économie est un enjeu essentiel et le crédit d'impôt recherche en est un outil fondamental. Depuis sa création en 1983, le CIR a connu plusieurs étapes dans son développement, la dernière remontant à 2008, au cours de la précédente législature. Cette réforme a clairement joué un rôle central dans le maintien des dépenses de recherche du secteur privé face à la crise majeure des financements.

En matière fiscale, ce qui ressort très nettement des auditions, c'est la nécessité d'assurer une continuité des mesures adoptées et de les sécuriser. Dans le projet de loi de finances pour 2013, vous n'avez pas cédé, madame la ministre, à la tentation de réduire le crédit d'impôt recherche, et c'est une excellente nouvelle pour notre économie compte tenu de l'effet de levier qu'il exerce et qui est très largement salué. Mais l'article 55 du projet de loi en modifie certaines modalités.

Constatant que seule une partie des dépenses de développement des entreprises est prise en compte actuellement dans l'assiette du CIR, alors que celles-ci sont décisives pour transformer une découverte technologique en un produit commercialisable, l'article 55 propose de rendre éligibles à ce régime certaines dépenses d'innovation réalisées en aval de la R&D par les PME, et portant sur des activités de conception de prototypes ou d'installations pilotes de même nature. Ces dépenses entreraient dans la base du CIR dans la limite de 400 000 euros par an et bénéficieraient d'un taux d'aide de 20 %, qui est réduit par rapport à ce qui existait précédemment. La notion de prototype étant en fait déjà partiellement prise en compte, la mesure ne risque-t-elle pas de se traduire par une baisse de la créance, dès lors ramenée à 20 % des dépenses éligibles ? Que comptez-vous faire pour définir clairement la nouvelle assiette ? Il s'agit d'une question centrale et qui inquiète beaucoup les entreprises que nous avons interrogées.

L'article 55 prévoit également d'améliorer le dispositif du rescrit fiscal en permettant aux entreprises d'y recourir même lorsque leur projet de R&D a déjà débuté. C'est une mesure intéressante, mais qui ne règle pas une question cruciale : celle de l'expertise. L'éligibilité des dépenses de recherche au CIR est décidée par les experts du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, sans possibilité d'un débat contradictoire. Celle-ci doit être introduite par un décret annoncé dans le texte. Comment comptez-vous vous y prendre pour renforcer une sécurité indispensable à la compétitivité de nos entreprises ? L'importance croissante du CIR comme l'extension annoncée du dispositif de rescrit fiscal rendent nécessaire le renforcement de l'expertise. Outre OSEO et l'ANR, déjà habilités à délivrer des rescrits, le rôle d'expertise ne devrait-il pas être étendu à une autorité administrative indépendante, à savoir l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur ?

Or, loin d'envisager de nouveaux développements pour l'activité de l'Agence, l'Académie des sciences, dans son rapport adopté le 25 septembre sur les structures de la recherche publique en France, propose purement et simplement sa suppression. Ce rapport constituant la contribution de l'Académie aux Assises de la recherche, une telle proposition est pour le moins surprenante. L'AERES, comme l'ont clairement montré les auditions, est un acteur maintenant reconnu du dispositif de la recherche publique, en particulier par les organismes de recherche qui se réfèrent maintenant couramment à ses évaluations, les derniers en date étant le CNRS et l'ANR, et qui s'en félicitent... Quelle est la place aujourd'hui attribuée par la ministre à l'AERES dans le dispositif français de recherche et d'enseignement supérieur ?

L'Agence nationale de la recherche est le principal acteur des appels à projet du programme des investissements d'avenir pour le ministère le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, et l'un des vecteurs essentiels de la nouvelle politique de la recherche définie par la loi de programme de 2006. Alors que la culture de la recherche par projet s'est bien installée dans notre pays grâce à l'Agence, et que ce mode de financement prévaut dans la plupart des pays actifs en matière de recherche, il serait nécessaire que vous nous éclairiez sur la place que vous entendez faire au financement par projet, qui peut contribuer à notre excellence. Le projet de loi de finances présente des crédits en baisse pour l'ANR, de l'ordre de 10 %, qu'il s'agisse des autorisations d'engagement ou des crédits de paiement. Les crédits ainsi dégagés sont certes partiellement redéployés au profit des organismes de recherche mais il s'agit manifestement d'un saupoudrage qui ne règle pas la question de la stagnation des crédits récurrents. Tous les grands pays performants privilégiant aujourd'hui le financement par projet, je considère comme très risqué de baisser les financements de l'ANR, tout simplement parce qu'il existe des effets de seuil et de taille.

Ces trois questions méritent une réponse dans la mesure où il y va de l'avenir de la science et de l'économie dans notre pays.

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