Intervention de Isabelle Attard

Réunion du 23 octobre 2012 à 9h30
Commission élargie : recherche et enseignement supérieur

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Attard, rapporteure pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l'éducation pour l'enseignement supérieur et la vie étudiante :

Je tiens d'abord à saluer le maintien de l'effort budgétaire consenti par le Gouvernement en faveur de l'enseignement supérieur et de la vie étudiante. Les crédits des deux programmes 150 et 231 connaissent une hausse respective de 249 et de 156 millions d'euros. Les évolutions prévues par la programmation triennale soumise à une contrainte d'austérité laissent toutefois craindre que cette hausse soit la dernière avant longtemps.

Les crédits supplémentaires accordés financent la création des 1 000 nouveaux postes d'enseignant en licence promis par le Président de la République pendant la dernière campagne. Ils rétablissent enfin un budget crédible des bourses sur critères sociaux alors qu'il avait été sous-évalué pendant plusieurs années, au point de perdre toute sincérité, de l'aveu même de la Cour des comptes et de Mme la ministre.

Pour les années à venir, je m'interroge sur la possibilité de tirer tous les fruits des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche, sachant que la contrainte stricte à laquelle nous sommes soumis permettra au mieux de stabiliser le montant des budgets. Les changements d'organisation et de gouvernance des établissements attendus par la communauté universitaire, le financement de nouveaux projets de recherche, le rééquilibrage territorial des dotations d'investissement consenties aux établissements devront se faire par redéploiement. Qu'en sera-t-il de la politique immobilière ? J'attends avec intérêt les conclusions de la mission d'évaluation des partenariats public-privé confiée à M. Rolland Pellet. Je veux croire que des procédures moins onéreuses et plus soucieuses du contrôle parlementaire des deniers publics que celles privilégiées par la précédente majorité permettront de dégager des économies qui pourront être redéployées en faveur de sites oubliés par la politique précédente.

J'ai consacré l'essentiel de mon avis budgétaire à la politique de l'Etat en faveur du logement étudiant. L'Etat, dans ce domaine, utilise tous les instruments à sa disposition : aides directes aux étudiants ou à leurs familles, dépenses fiscales pour la construction de résidences ou subventions accordées au Centre national des oeuvres universitaires et scolaires – le CNOUS – pour rénover et étendre le parc des résidences universitaires. Le Gouvernement vient d'annoncer le relèvement des objectifs de construction retenus jusqu'à présent par le plan Anciaux, qui passeront de 5 000 à 8 000 nouveaux logements par an. Une dotation supplémentaire de 20 millions d'euros est accordée au CNOUS pour atteindre cet objectif, sans ralentir le rythme des rénovations de ses anciennes résidences.

Ce nouveau plan peut être l'occasion non seulement de compenser la pénurie de logements étudiants dans quelques grandes agglomérations mais aussi de développer en France un modèle de logement collectif à basse consommation d'énergie. Toutefois, ce nouveau plan pourrait, comme le précédent, être une occasion à demi manquée. J'ai, le concernant, quatre questions, madame la ministre.

Les 20 millions d'euros supplémentaires alloués au CNOUS seront-ils reconduits chaque année sans que la dotation destinée au logement étudiant dans les nouveaux contrats de projet État-région s'en trouve réduite ?

Les 40 000 nouveaux logements sont-ils uniquement attendus dans le parc des CROUS ou bien une partie se retrouvera-t-elle dans les programmes des bailleurs sociaux, voire des investisseurs privés ?

Pourquoi la mission nationale de pilotage du nouveau plan, qui devait être confiée à un haut fonctionnaire s'appuyant sur les directions concernées de votre ministère et de celui du logement, ainsi que sur le CNOUS, n'a-t-elle pas vu le jour depuis que l'idée en a été lancée en juin dernier ?

En l'absence de cette mission nationale qui devait piloter l'implantation et le mode de financement des nouvelles résidences, comment comptez-vous encourager la construction et la gestion par les CROUS de logements étudiants collectifs qui soient à la fois économes en énergie, loués à moindre prix que les studios actuellement construits, et plus adaptés que le logement cellulaire à la socialisation comme à l'épanouissement des étudiants ?

En laissant les bailleurs sociaux et les CROUS construire dans leur coin des cellules individuelles dans les casiers en béton qui sont ancrés dans les habitudes des bâtisseurs depuis soixante ans, le nouveau plan de construction perdrait l'occasion de répondre sans surcoûts à la préoccupation du logement social, à celle de l'accompagnement vers l'autonomie des étudiants les plus jeunes, et à celle de la réduction des loyers payés par les étudiants les plus modestes.

Vous avez vous-même fait référence le 24 juillet dernier, madame la ministre, au modèle des colocations de Montréal. Ce type de logement a besoin d'un médiateur public qui évite les abus et veille à ce que l'animation collective reste orientée vers les meilleures pratiques pédagogiques en échange de services offerts aux étudiants ainsi que d'une caution solidaire qui réduisent les frais d'entrée en location. La médiation locative sera sans doute le métier à venir des CROUS, mais c'est un métier qu'ils doivent apprendre, d'abord dans leurs propres résidences en veillant à ce qu'elles soient conçues dans ce but. Sans une forte incitation de votre part et de la part de la ministre de l'égalité des territoires et du logement, les CROUS, comme les autres bailleurs, qui sont très réticents à l'égard du logement collectif, feront de votre nouveau plan de construction ce qu'ils savent faire pour le moment, même si nombre d'exemples étrangers, au premier rang desquels celui des kots organisés par les universités belges, prouvent que le logement collectif est adapté à la vie étudiante : avantageux pour les étudiants les plus modestes et les plus jeunes, et en même temps rentable pour leurs gestionnaires. L'expérimentation pourrait le prouver en acclimatant ce modèle.

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