Je vous rejoins au sujet de l'équipement des forces spéciales : les véhicules P4 ont fait leur temps. La DGA comprend tout l'enjeu de ces petits programmes aux montants somme toute assez faibles, même s'il n'est pas toujours facile de protéger ces crédits en période de forte turbulence budgétaire. De plus, en raison du degré de spécification de ces équipements, on est parfois tenté d'attendre quelques années le matériel parfait alors qu'on en a besoin rapidement et qu'il est peut-être déjà disponible sur étagère. Quand on sait que la rénovation de nos P4 coûte 27 000 euros pièce, je me demande s'il ne serait pas plus judicieux de ferrailler ce parc et, pour le même prix, d'acheter d'autres matériels.
L'artillerie fait partie des armes d'appui et n'est donc en rien menacée : à l'heure actuelle, nos fantassins n'imaginent pas progresser sans l'appui d'un sapeur ou d'un artilleur. On ne saurait remettre en cause la fonction artillerie. Cela étant, la puissance de feu des LRU est sans commune mesure avec celle des anciens canons : ainsi, un régiment LRU sur le terrain aura une puissance de tir équivalente à celle dont on disposait autrefois avec quatre ou cinq régiments. Autrefois, on raisonnait suivant le modèle des réservoirs de forces : on mettait tous les fantassins dans un sous-ensemble, les cavaliers dans un autre, les sapeurs dans un troisième, puis les artilleurs, etc. Un autre modèle a été choisi à partir de 2008 et a démontré sa pertinence en opération : c'est celui de la brigade interarmes, qui permet à des fantassins, des cavaliers, des sapeurs et des artilleurs se connaissant bien au quotidien pour s'être entraînés ensemble de se retrouver sur le terrain. L'une des particularités de ce modèle est qu'il garantit la présence d'un régiment d'artillerie au sein de chaque brigade interarmes. Reste à définir combien il y en aura : c'est une autre question, à déterminer dans le cadre du modèle.
En ce qui concerne la concertation, j'ai assisté aux progrès accomplis en la matière au cours des années 1997-1998, à la suite de l'impulsion donnée par le ministre Alain Richard. Ainsi l'élection des présidents de catégorie a-t-elle constitué à l'époque une véritable révolution – ce que l'on a un peu oublié aujourd'hui –, de même que l'obligation de siéger aux conseils de la fonction militaire d'armée (CFM) pour siéger au conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), ou encore l'instauration de la concertation aux niveaux intermédiaires – au niveau régional, extrêmement important. Très sincèrement, je pense que le niveau de concertation aujourd'hui atteint permet de maintenir un vrai dialogue entre le commandement et les CFM d'armée, sous réserve que les CFM traduisent bien des préoccupations collectives et non individuelles – ce qui est le cas. Enfin, le groupe de liaison récemment créé par le ministre a encore amélioré la situation. Je sais qu'une réflexion a été engagée afin de renforcer le dispositif de concertation, mais en tant que chef d'état-major de l'armée de terre, je tiens à ce que le dispositif actuel de concertation soit conservé : je ne souhaite pas qu'un autre système vienne s'y substituer.
Sur les déflations d'officiers, je n'ai pas l'expérience du général Mercier ou de l'amiral Rogel ; si je vous confirme que nous mettrons tout en oeuvre pour atteindre l'objectif qui nous a été assigné, je ne suis pas pour autant certain d'y parvenir. Sur le fond, je mesure le caractère considérable de la charge de déflation qui est imposée en particulier pour la catégorie des officiers. La règle du contingentement et la clause d'autoassurance nous incitent évidemment à réussir cette déflation, car dans le cas contraire les économies à réaliser dans un contexte budgétaire contraint seront à trouver ailleurs, éventuellement dans le recrutement. Cela dit, le fait de ne pas réussir pourrait constituer le premier signe objectif que les déflations successives auxquelles il a été procédé ces dernières années arrivent aujourd'hui en butée.