Ce qui frappe les esprits au sujet de Daech, c'est la rapidité avec laquelle ce mouvement parvient à accroître ses effectifs et à diversifier son matériel – on a même vu ses combattants utiliser des chars. Ce n'est pas tant l'effectif de Daech qui pose problème que son organisation : c'est devenu une véritable armée. C'est également un peu ce qui se passe, toutes proportions gardées, en République centrafricaine, avec les ex-Séléka ; autrefois, on assistait à des pics de crise qui duraient trois jours, puis les protagonistes revenaient dans leurs villages et reprenaient leurs activités habituelles. Désormais, cela ne cesse plus, tout simplement parce que l'on a affaire à des gens dont c'est devenu le métier, de véritables mercenaires appointés. La problématique n'est donc pas seulement militaire, mais porte également sur les flux financiers qui viennent alimenter des forces de métier. Il y avait 25 000 combattants hier, il y en a 50 000 aujourd'hui et il y en aura peut-être 75 000 demain, et c'est cette évolution même qui est inquiétante – d'autant que nous n'avions jamais été confrontés à un phénomène de ce genre en Afrique.
Au sujet de l'opération Barkhane, je souligne que nous répondons à une menace transnationale par un dispositif transnational, ce qui constitue une évolution originale, ambitieuse et ayant de bonnes chances de réussite pourvu que nous nous gardions de tomber dans une logique du type Fort Saganne en installant des postes trop isolés. La clé de la réussite, c'est la combinaison des hommes et de la technique – les moyens d'observation dont nous disposons nous offrant un avantage majeur sur nos adversaires – ainsi que sur la combinaison dynamique des moyens : forces conventionnelles, forces spéciales, aérocombat, renseignement, que nous devons développer. Et nous ne devons pas perdre de vue l'autre menace que constitue Boko Haram en Afrique – mais je n'en dirai pas plus, ne voulant pas anticiper les décisions que doit prendre le ministre à l'issue de la réflexion en cours.
Enfin, pour ce qui est de l'optimisme que j'affiche, et qui étonne certains d'entre vous, imaginer ce que l'on dirait si l'on avait désigné à la tête de l'armée de terre un chef ayant lui-même le moral dans les rangers ! Vous connaissez le dicton : « quand le chef s'assoit, les hommes se couchent… »