Intervention de Dominique Baert

Réunion du 24 octobre 2012 à 9h35
Commission élargie : Égalité des territoires, logement et ville

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Baert, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour la ville :

Puisque je suis contraint à la concision, je me concentrerai sur trois thèmes seulement.

Les crédits budgétaires, tout d'abord, sont en repli ; en raison de l'indispensable rétablissement des comptes publics, les dépenses sont contraintes. La dotation du programme 147 « Politique de la ville » est donc dans ce projet de loi de finances pour 2013 de 505 millions d'euros, au lieu de 525 millions d'euros en 2012 ; ce montant diminue dans la planification triennale annexée.

Mais, avant même que vous n'argumentiez, monsieur le ministre délégué, rassurez-vous : le rapporteur spécial que je suis n'a pas oublié que cette baisse des crédits à venir – la planification triennale prévoit que les crédits de paiement passeront de 505 millions d'euros en 2013 à 474 millions en 2015 – fait pâle figure à côté de la réduction d'un tiers de ces crédits, en quatre ans, par l'ancienne majorité. Je ne peux pas ne pas rappeler que les crédits consommés ont été de 853 millions d'euros en 2008, de 788 millions en 2009, de 632 millions en 2010 et de 570 millions en 2011 : cela fait presque 300 millions d'euros en moins.

Voilà qui relativise la baisse de 2013, et d'autant plus que j'ai pris bonne note que la réduction du programme en 2013 est compensée par la prise en charge par le fonds interministériel de prévention de la délinquance, le FIPD, d'actions de prévention sociale jusque-là financées par l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, l'ACSé, dans le cadre des contrats urbains de cohésion sociale, et cela pour 20 millions d'euros.

Le rapporteur spécial pour la politique de la ville peut sans doute se féliciter de cette majoration complémentaire des crédits de la politique de la ville, mais l'élu local que je suis également ne peut que s'interroger sur un tel arrangement : la vidéo-protection aussi a besoin de moyens, notamment dans nos villes et quartiers sensibles ; il faut donc rester prudent pour ne pas affaiblir la capacité d'action des élus locaux en matière de sécurité – thème au coeur des difficultés de nos villes.

Le Gouvernement a décidé de renforcer les crédits de péréquation pour les dotations aux communes et aux intercommunalités : c'est un élément périphérique, positif, et ô combien important, qui s'ajoute aux crédits du programme 147. Je salue donc la majoration de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, la DSU, et surtout la forte progression du fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC.

Deux questions subsistent, qui sont autant de défis pour vous, monsieur le ministre délégué. D'une part, l'impasse du financement de l'ANRU, que souligne mon rapport : depuis 2004, l'ANRU a dépensé 8,57 milliards d'euros, quand ses recettes s'élevaient à 5,45 milliards ; son résultat cumulé est donc déficitaire de 3,12 milliards ! Il faudra bien trouver comment le financer. D'autre part, la baisse programmée des crédits du programme montre si besoin était que la politique de la ville devra, demain, concentrer davantage ses moyens et surtout savoir mobiliser les crédits d'autres ministères et d'autres politiques sectorielles.

J'aborde ensuite les structures. Il faut constater que, du strict point de vue budgétaire, le ministère de la ville est un nain par rapport à ses opérateurs. La gestion opérationnelle des crédits, le suivi des actions menées et leur évaluation relèvent surtout, et à vrai dire exclusivement, de l'ANRU et de l'ACSé.

Dans ces conditions, que pèse concrètement le ministère de la ville, voire le ministre de la ville ? La politique de la ville aurait pourtant besoin d'un pilotage fort : une réelle autorité serait indispensable non seulement pour ses actions propres, mais aussi pour la mobilisation franche et nette des crédits de droit commun. Or, dans la configuration actuelle, l'impulsion s'émousse, s'amortit sur des airbags administratifs ; au moment où elle arrive sur le terrain, la décision politique a considérablement perdu de sa force initiale. Monsieur le ministre délégué, la majorité qui vous soutient a été élue sur le thème du changement : le changement des structures, voilà un beau thème d'action !

Il faut le dire, l'ANRU, l'ACSé, l'EPARECA – établissement national public d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux –, le secrétariat général du Comité interministériel des villes : ce sont au moins deux structures de trop. Le ministère de la ville est à juste titre attaché à l'évaluation des actions menées en son nom. Qu'il n'hésite pas non plus à évaluer les structures et organismes qui travaillent pour lui !

J'en arrive enfin à la question de l'efficacité de la politique de la ville, assez durement mise en cause – trop durement sans doute – par la Cour des comptes dans son dernier rapport. Nul ne peut pourtant nier, dans une approche microsociale, l'utilité des crédits CUCS – contrats urbains de cohésion sociale –, des programmes Réussite éducative ou Adulte-relais, ou a fortiori des plans de rénovation urbaine.

Comme pour répondre par avance à mes préoccupations, monsieur le ministre délégué, vous avez lancé une concertation visant à réformer la géographie prioritaire de la politique de la ville – mais il faudra veiller à choisir les indicateurs les plus pertinents –, ainsi qu'à regrouper les différents contrats en un seul – et il conviendra, ici, de veiller à ce que le maire ne perde pas la main, même si l'échelon intercommunal est sans doute le bon.

Tout cela va dans le bon sens. Permettez-moi toutefois d'insister sur deux directions souhaitables pour une politique de la ville renouvelée.

J'insiste d'abord sur l'impérieuse nécessité d'engager, puisque la plupart des conventions ANRU arrivent à leur terme, un plan national de rénovation urbaine de deuxième génération, un PNRU 2. Car il reste beaucoup de travail pour rénover l'urbanisme de nos villes.

Il faut ensuite mettre un accent plus fort, plus puissant, sur l'emploi. Le renouvellement urbain doit être créateur d'emplois. Je souscris à l'idée des « emplois francs » : les exonérations de charges seraient fondées non plus sur l'adresse de l'entreprise, mais sur celle du demandeur d'emploi recruté. Cela suppose toutefois que les zones d'expérimentation soient plus nombreuses – et j'en profite pour rappeler que la situation de Roubaix justifierait pleinement son inclusion – mais aussi que les crédits soient plus substantiels que ceux accordés par le projet de loi de finances.

Monsieur le ministre délégué, au vu de l'évolution des crédits budgétaires, comment redonner à la politique de la ville sa priorité ?

Serait-il possible de disposer d'un aperçu des prévisions de recettes et dépenses du FIPD en 2013, avec et sans le budget consacré à la vidéo-protection, et en faisant apparaître la fraction de recettes afférente à chaque ministère contributeur ?

Enfin, au moment où nous débattons des crédits de la politique de la ville, les modalités de financement du PNRU sont encore incertaines. Le Gouvernement a évoqué de nouvelles sources de financement de la rénovation urbaine, qui seraient mises en place dans le cadre d'un projet de loi de finances rectificative. Monsieur le ministre délégué, pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur ces points ?

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