Intervention de Cécile Duflot

Réunion du 24 octobre 2012 à 9h35
Commission élargie : Égalité des territoires, logement et ville

Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement :

Je remercie Mme Lepetit d'avoir signalé que, dans un contexte difficile qui doit intégrer le nécessaire redressement des finances publiques, nous avons fait le meilleur budget possible. L'exemple des APL permet de l'illustrer, en relativisant la diminution d'une partie du budget pointée par M. Charroux : les dotations de l'État en faveur de ces aides passent ainsi de 5,7 milliards d'euros en 2012 à 4,9 milliards 2013. Toutefois, cette diminution masque la réalité d'une augmentation des dépenses en faveur des APL, ces dernières passant de 16,8 milliards d'euros en 2012 à 17,3 milliards en 2013, l'indexation se faisant sur l'indice de référence des loyers, l'IRL. Face à l'urgence que représente le problème du logement et afin de parvenir à un budget équilibré, nous avons fait le choix de mobiliser l'ensemble des financements possibles plutôt que de privilégier un strict affichage budgétaire.

Monsieur Bénisti, la politique du logement se construit sur une très longue durée. Entre le moment où nous pourrons céder du foncier gratuit de l'État et celui où des habitants prendront la clé de leur logement, il s'écoulera entre deux et trois ans, temps de la construction d'un logement et de l'instruction d'un dossier. Le ministère du logement est ainsi une école de la modestie, aucune politique ne pouvant ici produire d'effets instantanés. De plus, la gravité de la situation que recouvre le chiffre des 600 000 logements insalubres – présence de cafards, de plomb, développement de maladies chroniques chez les enfants – devrait calmer les velléités d'agacement sur des sujets périphériques.

Par ailleurs, monsieur Bénisti, chacun peut commettre des erreur. Ainsi, en matière de politique en faveur de l'accession à la propriété et de soutien à l'investissement locatif que vous évoquiez, le gouvernement précédent en a fait au moins deux, qu'il a d'ailleurs lui-même corrigées. La première est la loi Scellier : ce dispositif – dont la quasi-suppression brutale a ensuite contribué à la baisse des mises en chantier sur 2012 – était extrêmement coûteux pour le budget de l'État. Ne faisant pas l'objet d'un zonage, il a conduit à la construction de logements vides dans des lieux mal choisis. Les investisseurs privés y perdent à double titre : d'une part, ils ne touchent pas de loyer ; d'autre part, ils ne peuvent plus bénéficier de la défiscalisation.

La deuxième erreur se rapporte au prêt à taux zéro, le PTZ. Dépourvu de critères sociaux, il constituait un mauvais dispositif : l'effet d'aubaine qu'il représentait pour certains des 350 000 ménages aidés en 2011 s'est instantanément répercuté sur le prix des biens, contribuant à augmenter le coût de l'immobilier et à ralentir la production de logements. Le précédent gouvernement avait déjà commencé à resserrer le PTZ ; notre choix est de le recentrer sur l'accession sociale. Il s'agira non seulement de privilégier les ménages modestes, mais également de travailler sur les différés d'amortissement, qui créent une forme d'apport personnel permettant de sécuriser durablement les opérations d'accession à la propriété. Lorsqu'on s'adresse à des personnes qui touchent deux fois le SMIC, mieux vaut éviter les effets d'annonce ; il est préférable d'élaborer un dispositif sûr et sérieux.

S'agissant du Grand Paris, je ne me lasserai pas de répéter que ce projet est très largement soutenu par les habitants de la région. Le débat qui a eu lieu sous l'égide de la Commission nationale du débat public, la CNDP, en partenariat avec les citoyens, représente un exemple de bonne méthode. Ce projet et la manière dont il a été débattu obligent l'État à ne pas décevoir les millions de franciliens qui ont vu dans le Grand Paris Express une solution aux difficultés de transport qui pèsent sur leur santé et leur qualité de vie. Il sera donc mené à bien, mais, là encore, il faut agir de manière sérieuse. Ce n'est pas une commission que j'ai nommée, monsieur Bénisti, mais un rapporteur qui évaluera précisément l'ensemble des coûts : celui des raccordements avec les gares existantes, celui du prolongement de la ligne 14 au Nord – soit le coût réel de la ligne orange –, celui de l'interopérabilité entre la ligne orange et la ligne rouge, essentielle pour un réseau qui a vocation d'être circulaire. Tous ces coûts étaient sous-évalués et nous les reconsidérons pour pouvoir financer et tenir les engagements, au-delà des effets d'annonce que l'on obtient en affichant des cartes dans les journaux. Je remercie donc M. le président Gilles Carrez d'avoir rappelé que ces questions exigent de la lucidité et de la franchise. Aujourd'hui, la Société du Grand Paris dispose des moyens financiers suffisants pour engager ces travaux. La dotation en capital en 2015 n'est pas forcément nécessaire, mais si elle l'était, l'État y pourvoirait. L'ensemble des élus qui travaillent sur cette question – en particulier les présidents des conseils généraux de toutes étiquettes politiques – ont été pleinement rassurés, et vous devriez l'être également.

Monsieur Richard, je vous remercie d'avoir noté que la question de l'hébergement soulevait le problème difficile de l'asile. Une partie des personnes que l'on accueille dans des structures d'hébergement devraient bénéficier du dispositif relatif au droit d'asile, et le croisement de financements qu'implique ce fonctionnement est problématique. La question est donc compliquée et elle est au coeur des réflexions menées avec les associations. Vous pouvez être certain que le travail que vous avez effectué avec Mme Hoffman-Rispal, avec laquelle nous partageons des convictions fortes, nourrira la réflexion de l'atelier « hébergement et logement » de la Conférence nationale contre la pauvreté qui aura lieu en décembre. Nous menons ce travail de concert avec Mme Marie-Arlette Carlotti ; là encore, la modestie, la détermination et un certain consensus sont nécessaires pour faire avancer les dossiers.

En ce qui concerne le zonage, madame Bonneton, nous avons en effet l'obligation de construire pour répondre aux besoins, ce qui implique d'identifier les zones où la construction est nécessaire. J'ai été plusieurs fois sollicitée sur les difficultés en matière de zonage ; nous allons donc nous pencher à nouveau sur cette question. La mise en place de l'Observatoire du logement permettra également, je l'ai dit, d'évaluer tant la tension sur le marché locatif traditionnel que la tension sociale, c'est-à-dire le besoin de logements sociaux. Je tiens à ce propos à condamner la formule qui consiste à dire que l'on serait « condamné à vivre dans un logement social ». Quand on sait que 1,7 million de familles qui n'ont pas les moyens de payer les loyers dans le privé sont aujourd'hui dans l'attente d'un logement social, cette formule est scandaleuse.

Monsieur Carpentier, la question des copropriétés dégradées est un sujet central, à la fois en termes financiers et en termes de dispositif. Ce qui manque aujourd'hui aux collectivités locales, c'est un cadre législatif qui leur permette d'intervenir efficacement sur ces copropriétés, et d'éviter l'action des « marchands de sommeil ». L'un des chantiers de la prochaine loi sur laquelle nous travaillerons d'arrache-pied sera de donner aux élus des moyens d'action face à des escrocs qui utilisent la misère humaine et les failles de la loi existante pour s'enrichir.

Enfin, monsieur Charroux, je vous ai partiellement répondu au sujet des APL ; la question de la rétroactivité est complexe et nous tirerons toutes les leçons du rapport de l'Inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, que j'ai rendu public. S'agissant des procédures de réquisition, les dispositifs sont actuellement à l'étude, afin de faire face à la situation de plus en plus difficile que nous risquons de connaître dans les semaines à venir. Il s'agit de mesures législatives, là aussi complexes, sur lesquelles il faudra réfléchir dans le cadre de la future loi afin d'évaluer la possibilité de pouvoir, dans certains cas, en confier l'exécution aux élus locaux. La constitutionalité – à laquelle je suis très attentive – du droit de propriété est très forte en France, et son rééquilibrage avec le droit au logement est sans doute l'un des chantiers à ouvrir.

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