Intervention de Anne-Marie Escoffier

Réunion du 30 octobre 2012 à 9h30
Commission élargie : relations avec les collectivités territoriales

Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation :

Messieurs les rapporteurs, je vous remercie de la présentation que vous venez de faire des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales.

Le Gouvernement est conscient que la nécessité de redresser notre pays suppose qu'on mette en place un dispositif financier et fiscal marqué par la stabilité, la solidarité et la justice.

Bien que stable en valeur, l'enveloppe reste contrainte. Cependant, des efforts particuliers ont été faits, puisque, comme vous l'avez souligné, la progression de la DSU et de la DSR a doublé.

Le rapporteur spécial m'a interrogée sur le fonds de secours que le Président de la République a évoqué devant les présidents des conseils généraux. Ce fonds exceptionnel permettra de soutenir les départements confrontés à l'augmentation des dépenses liées aux trois allocations de solidarité : allocation personnalisée d'autonomie, revenu de solidarité active et prestation de compensation du handicap. Reste à savoir comment répartir les 170 millions ainsi dégagés. En 2010, un fonds de 130 millions avait été réservé en partie aux trente départements les plus défavorisés, le reste – soit 75 millions – revenant à ceux qui connaissaient des difficultés particulières. Nous devons déterminer ceux qui seront concernés, sachant que le chiffre de trente départements, que vous avez cité, n'a rien d'officiel. En lien avec l'Association des départements de France, nos services cherchent en ce moment des critères objectifs pour établir les fragilités et les difficultés des départements, ainsi que la manière dont ils pourraient réduire leurs dépenses de fonctionnement, le Président de la République ayant subordonné la création du fonds aux efforts des collectivités pour réduire leurs dépenses. Les services proposeront ensuite une répartition du fonds. Nous avons à coeur de déboucher sur ce dossier, car nous savons que la hausse des allocations n'a pas trouvé d'équivalents dans les dotations versées aux départements.

Le rapporteur spécial m'a ensuite interrogée sur le soutien à l'investissement, la difficulté que rencontrent les collectivités pour accéder au crédit ayant été soulignée avant l'été. Les collectivités participent pour plus de 73 % à l'investissement public, mais, faute d'accéder au crédit, elles se voient actuellement contraintes de limiter leurs projets.

Une enquête réalisée en septembre auprès des préfectures a montré que 85 % des collectivités ne pouvaient couvrir que 50 % de leurs besoins, et que vingt-huit collectivités n'avaient pas trouvé le moyen de financer leur trésorerie de court terme. Sur le long terme, 347 collectivités ne couvraient que la moitié de leurs besoins, et 53 collectivités n'avaient obtenu aucun financement.

Pour soulager la situation financière des collectivités territoriales, dès le mois de mai, le Gouvernement a demandé à la Caisse des dépôts et consignation de baisser significativement les taux sur l'enveloppe de 3 milliards ouverte sur les fonds d'épargne. La demande de crédit par les collectivités a alors rapidement dépassé ce montant, pour monter jusqu'à 3,4 milliards. La CDC fera redistribuer, à travers le financement normal, par l'intermédiaire des banques, et dans une limite de 2 milliards, des fonds susceptibles d'être attribués.

La Banque postale, qui intervient en général dans la limite de 200 000 euros, est prête à un effort supplémentaire. Dès la semaine prochaine, elle dégagera entre 1 et 2 milliards de crédits. En 2013, elle pourra intervenir pour des montants de 100 000 euros, voire inférieurs.

Enfin, différentes associations – notamment l'Association des maires de France ou celle des départements de France – ont demandé la création d'une agence de financement des collectivités territoriales. Le Gouvernement s'interroge encore sur sa faisabilité. Sur le plan juridique, il faut s'assurer que l'État n'aura pas à garantir des crédits qu'il ne pourrait pas assumer. En outre, il faut vérifier que le besoin des collectivités territoriales ne peut être couvert par la CDC ou la Banque postale, dans les conditions précédemment rappelées. Reste que le dispositif proposé devrait permettre de couvrir les besoins des collectivités jusqu'à la fin de l'exercice 2013.

S'agissant des emprunts toxiques, je vous renvoie à une réponse que j'ai faite moi-même à l'Assemblée nationale. Toutefois, dans cette réponse, j'avais omis de citer les travaux conduits par M. Claude Bartolone dans le cadre de l'association présidée par le sénateur Vincent, en lien avec le médiateur, M. Gissler, inspecteur général des finances, pour essayer de trouver des solutions chaque fois que l'on a été confronté à ce problème des emprunts toxiques.

À cet égard, je rappellerai deux règles essentielles : premièrement, les banques ont une obligation de conseil et de transparence vis-à-vis des emprunteurs, qui doivent notamment avoir été très clairement informés du taux de TEG ; deuxièmement, les collectivités territoriales sont contraintes de rembourser la partie correspondant au capital emprunté. S'agissant de la partie correspondant aux intérêts, s'il est établi que la banque n'a pas honoré son obligation de conseil et de transparence, les collectivités peuvent engager des contentieux ; certaines l'ont fait et sont dans l'attente de décisions de justice pour savoir ce qu'il en est du remboursement des intérêts.

Nous travaillons avec le Gouvernement pour sortir de cette situation difficile en examinant toutes les possibilités qui s'offrent à nous. Je pense plus particulièrement à la médiation, qu'il conviendrait d'améliorer, ou à un moratoire dont il faudrait examiner les conditions de mise en oeuvre. Quoi qu'il en soit, les difficultés auxquelles ont été confrontées nos collectivités locales nous amènent à la plus grande vigilance et à la plus grande prudence.

Monsieur Terrasse, vous avez évoqué le problème des normes. Je vous rappelle que les différentes études menées, en particulier dans le cadre de la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN), ont abouti au constat qu'il existe aujourd'hui 400 000 normes qui entraînent des contraintes, dont le coût est évalué à 2,3 milliards d'euros pas an ?

À la suite de ces études, deux propositions de loi ont été déposées : celle de M. Morel-A-Lhuissier, qui a été débattue il y a un peu plus de quinze jours, et celle du sénateur Doligé.

Nous avons été amenés à refuser la première, en insistant sur le fait qu'une proposition de loi ayant pour objectif de ne s'appliquer qu'aux collectivités du monde rural introduisait une inégalité entre les collectivités et les citoyens et serait déclarée inconstitutionnelle.

Nous n'avons pas pu examiner la seconde proposition de loi dans son entier. Mais, de la même façon, nous y avons relevé plusieurs motifs d'inconstitutionnalité – inégalité d'accès au dispositif et manque de lisibilité.

Lors des États généraux des collectivités et de la démocratie territoriale, le Président de la République s'est engagé à faire en sorte que le problème des normes soit très rapidement examiné. Le président du Sénat a d'ailleurs mandaté la Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation pour qu'elle prépare un texte tenant compte à la fois des conclusions de la CCEN, et donc des préconisations de M. Lambert, et des options présentées dans les deux propositions de loi.

Le Président de la République s'est montré très ferme. Pour ce qui est du stock de normes, il s'agira de les réduire. En ce qui concerne leur flux, des règles très strictes seront mises en place au moment de l'élaboration des textes, dont nous sommes tous responsables à un moment ou à un autre. L'objectif est que, pour chaque norme créée, deux normes soient supprimées. Chacun de nous doit y veiller.

Monsieur Terrasse, vous avez également soulevé la question du calendrier de la prochaine réforme de la décentralisation.

Il ne pouvait être question d'accélérer le processus sans même engager de dialogue. Depuis le printemps dernier, une large concertation a été entamée à l'initiative du Sénat, au sein des collectivités territoriales et auprès de l'ensemble des élus. Les résultats de cette concertation ont été repris les 4 et 5 octobre derniers, à l'occasion des États généraux de la démocratie territoriale. Il était impossible pour Mme Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, et moi-même d'élaborer un texte avant d'avoir recueilli la somme des propositions. Depuis ces États généraux, nous regroupons et nous analysons toutes les propositions, tout en poursuivant la concertation. J'ajoute que, depuis le printemps, le Premier ministre a reçu les représentants de toutes les associations d'élus et que, de son côté , le Président de la République a rencontré les présidents de l'Association des régions de France, de l'Assemblée des départements de France et que, à l'heure qu'il est, il s'entretient avec les représentants de l'Association des maires des grandes villes de France ; il prolongera ces rencontres dans les semaines qui viennent.

Sur la base de ces propositions, de ces rencontres et des engagements pris par le Président de la République, nous élaborons un projet de texte de loi qui sera soumis au dialogue. Nous espérons pouvoir le remettre à la fin de cette année ou au début de l'année prochaine au Conseil d'État, et le soumettre au printemps prochain au Parlement.

Monsieur Dussopt, vous avez évoqué l'avenir de nos dotations et vous vous êtes interrogé sur la probabilité de leur baisse, au cours des années 2014 et 2015.

En 2013, le montant de notre dotation restera stable. Dans le contexte de crise que nous connaissons, il aurait été logique que le Gouvernement réduise dès maintenant cette dotation, pour contribuer au redressement de la France souhaité par le Président de la République. Pour autant, compte tenu justement de l'importance de la crise, le Gouvernement a souhaité stabiliser notre dotation, en valeur, en 2013. En revanche, il a envisagé de la baisser de 750 millions d'euros en 2014 et en 2015.

Le Comité des finances locales, le CFL, a été consulté. Son président, André Laignel, a mis en place un groupe de travail qui sera chargé de réfléchir sur les conditions dans lesquelles ces réductions pourraient être opérées, et si elles doivent l'être – cela dépendra de l'évolution de la situation financière de notre pays.

Vous m'avez interrogée sur le calendrier qui a été proposé pour la négociation du pacte de confiance et de solidarité, sur lequel le Président s'est engagé. Les trois termes de l'expression ont leur importance. Il s'agit d'un pacte, ce qui signifie qu'il y aura un consensus, à l'issue du dialogue mené avec l'ensemble des partenaires. C'est aussi un pacte de confiance, dans la mesure où c'est sur la base de ce dialogue que l'on pourra avancer et traduire la volonté du Gouvernement et du Parlement dans des textes qui auront été débattus collectivement. C'est enfin un pacte de responsabilité : les collectivités continueront de faire des efforts et s'engageront collectivement par rapport à la Nation.

Lorsque le CFL aura travaillé et formulé ses propositions, le Parlement – Assemblée nationale et Sénat – et ses commissions seront consultées pour donner leur avis, de façon que ces avis puissent être pris en compte au moment de l'élaboration du projet de loi de finances pour 2014.

Une autre de vos questions, monsieur Dussopt, portait sur l'identification, au sein des budgets locaux, des dotations de péréquation et des actions relatives à la politique de la ville – et donc sur la DSU et sur les crédits accordés au titre de la politique de la ville.

Le doublement des crédits affectés à la DSU, comme l'a rappelé l'un de vous, a été maintenu. Je précise que tout en étant une dotation de solidarité, la DSU n'est pas une dotation spécifique – même si elle peut concerner des communes cibles ayant des difficultés particulières – venant en concurrence avec la politique de la ville ; elle est distincte. Les actions menées au titre de la politique de la ville sont, elles, ciblées et ne sont financées que sur la base d'un projet ou d'un programme précis. Ce lien n'existe pas avec la DSU : celle-ci est certes une dotation attribuée aux collectivités locales, qui doivent l'utiliser dès lors qu'elles en bénéficient, mais c'est une dotation libre d'emploi et qui n'est pas attachée à une politique particulière. Alors que, à l'origine, la DSU devait être dédiée à des actions ciblées, elle est aujourd'hui utilisée globalement par les collectivités.

En tout état de cause, l'article L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales a prévu l'obligation, pour les collectivités, de présenter chaque année à leurs assemblées délibérantes un rapport sur l'usage des fonds perçus au titre de la DSU et de la politique de la ville. Comme nous avons pu le vérifier, chaque collectivité se soumet à de telles obligations et produit ce rapport, dans le cadre des travaux de chacune des assemblées. Toutefois, comme il n'a été procédé ni à un récolement ni à une analyse, nous ne savons pas comment les fonds ainsi perçus ont été utilisés. Au mieux, nous pouvons demander que les rapports soient collectés, examinés et analysés pour qu'on puisse en mesurer les effets. Reste à savoir si cela en vaudrait la peine, eu égard à l'analyse que l'on pourrait faire de ces rapports, et surtout aux conclusions que l'on pourrait en tirer.

Vous m'avez interrogée sur le rythme de montée en puissance des outils de péréquation. Cette montée en puissance est un engagement qui a été pris depuis l'année 2012 et qui doit conduire jusqu'à l'année 2015. Aujourd'hui, certains demandent que l'on réduise ce rythme, d'autres qu'on l'accélère. Face à ces demandes divergentes, le Gouvernement a pris une position de sagesse en conservant la même progression que celle qui avait été proposée. De ce fait, le FPIC est doté de 360 millions d'euros et le FSRIF de 230 millions d'euros.

Quel jugement porter sur cette péréquation ? Pour cela, il suffit de se reporter à l'excellent rapport sur le FPIC, qui a été remis par le Gouvernement – le rapport sur le FSRIF, qui vient d'être remis au Secrétariat général du Gouvernement au cours des dernières heures, sera bientôt consultable. Il ressort de ce premier rapport que le FPIC répond aux attentes : favoriser les collectivités se trouvant dans les situations les plus difficiles, en particulier les petites communes rurales, les quartiers difficiles des villes et l'outre-mer. Ces mécanismes de péréquation horizontale viennent compléter les dispositifs de péréquation verticale. D'où la conclusion favorable de ce rapport.

Vous avez parlé d'un amendement qui pourrait contribuer à améliorer le système de péréquation. Cet amendement vise en effet à porter de 0,50 % à 0,75 % le niveau d'effort fiscal demandé aux communes pour bénéficier des versements du FPIC. Le Gouvernement étudie cette proposition. Il serait en effet logique que les collectivités locales qui font elles-mêmes un effort puissent être aidées. Par ailleurs, celles qui sont en dessous de ce seuil de 0,50 % ne sont pas très nombreuses, et il serait un peu dommage de ne pas les inciter à aller un peu plus loin. Cet amendement paraît tout à fait raisonnable, mais nous pouvons en débattre.

Vous êtes nombreux à avoir évoqué les problèmes d'articulation entre le FPIC et le FSRIF. À cet égard, il me paraît utile de vous rappeler la logique qui avait présidé à l'institution du FSRIF. Il s'agissait de rechercher un effet péréquateur entre les collectivités de la région d'Île-de-France, pour corriger de fortes disparités. Ce premier effet obtenu, il convient de passer à un deuxième niveau de péréquation, entre la région d'Île-de-France et le reste des collectivités sur l'ensemble du territoire. C'est pour cela que, contrairement à certains, nous ne souhaitons pas annihiler l'effet FSRIF pour ne tenir compte que de l'effet FPIC, mais additionner l'effet FSRIF, suivi de l'effet FPIC. Le second rapport, que nous pourrons consulter dans quelques jours, devrait nous permettre de conforter notre position.

En dernier lieu, vous avez soulevé le problème de la restauration d'un pouvoir de taux significatif pour les départements et les régions, et du financement des allocations individuelles de solidarité. Le Président de la République, comme il l'a dit lui-même, souhaite la mise en place d'un dispositif financier et fiscal qui redonne de l'autonomie aux collectivités, leur permette de travailler dans la stabilité et dans la durée, en sachant sur quelles dotations elles peuvent compter. Tout cela ne peut pas se mettre en place dans le cadre de ce PLF. Nous y travaillerons ensemble, avec le CFL et avec le Parlement, comme je l'indiquais tout à l'heure, dans le cadre de la préparation du PLF pour 2014.

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