Intervention de Cécile Duflot

Réunion du 25 octobre 2012 à 15h00
Commission élargie : politique des territoires

Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement :

J'espère être la première d'une longue liste de ministres de l'égalité des territoires, car, au-delà du débat sur la fusion de cette mission avec la mission « Égalité des territoires, logement et ville » – fusion à laquelle je ne vois personnellement pas d'inconvénients –, se pose effectivement la question d'une vraie politique d'égalité en ce domaine.

Une telle politique doit tirer les leçons de ce que fut l'aménagement du territoire dans notre pays, comme de son relatif abandon au cours des dix dernières années, où l'on a fait le choix de privilégier certains territoires – à travers, par exemple, les pôles de compétitivité –, dont on considérait qu'ils seraient des locomotives pour d'autres, quitte à prévoir certaines compensations pour ceux qui ne suivraient pas. Renverser cette logique conduit à considérer que tous les territoires doivent faire l'objet d'une attention égale, bien que différenciée selon leur situation, certains d'entre eux ayant pu être meurtris.

Même si les crédits de la mission ne sont pas considérables, ils s'inscrivent dans une logique contractuelle, c'est-à-dire ascendante et horizontale plutôt que verticale, comme précédemment : la question des services publics me semble emblématique à cet égard. Les cinquante ans de la DATAR, que nous fêterons l'an prochain, seront une bonne occasion d'ouvrir de nouvelles perspectives à cette institution. La Commission présidée par M. Thierry Wahl y réfléchit, à propos notamment du futur Commissariat général à l'égalité des territoires : outre son rôle de coordination et de définition stratégique, cet organisme disposera des grilles de lecture permettant de valider les politiques d'égalité entre les territoires.

Il est vrai, monsieur le rapporteur pour avis, que les territoires en situation de décrochage ne sont pas les mieux armés, notamment en matière d'ingénierie, pour répondre aux appels à projets, si bien que ces derniers favorisent les territoires mieux dotés. L'intention du Gouvernement est de donner à chaque territoire la possibilité de valoriser ses atouts, plutôt que d'encourager la capitalisation à partir d'une situation déjà établie : nous y travaillerons avec l'Agence française des investissements internationaux.

Il s'agit bien de décliner une vision générale intégrant en particulier le problème des zones rurales et très rurales, pour lesquelles l'État s'est montré moins attentif, et ce depuis très longtemps. La fracture numérique, qui pourrait potentiellement s'aggraver, est de ce point de vue une question centrale. Je ne puis vous répondre, monsieur le rapporteur pour avis, sur l'abondement du fonds d'aménagement numérique du territoire, mais chacun est conscient des montants en jeu. Un consensus semble se dégager sur la mutualisation des compétences, afin d'assurer la réalisation de projets financés, faisant l'objet d'appels d'offre techniques auxquels certaines collectivités sont plus en mesure de répondre que d'autres.

J'ai déjà été interrogée, hier, sur la présence des services publics dans les territoires, notamment des sous-préfectures – même si celles-ci ne relèvent pas directement de mon ministère. J'y suis très sensible. Cette présence, au demeurant, doit d'abord être humaine, car l'accès dématérialisé ne peut être une réponse au sentiment d'abandon des habitants de certains territoires. La RGPP, avec sa logique verticale et univoque, a eu des effets dévastateurs à cet égard, entraînant des restructurations brutales sans concertation.

La filière bois est pour moi un autre sujet de préoccupation majeure. La France dispose en ce domaine de richesses considérables, et elle avait un savoir-faire qui est en passe de disparaître : dans les métiers du sciage, nous devons faire appel à des professionnels d'autres pays européens. Mon intérêt pour cette filière, que je souhaite partager avec Arnaud Montebourg, tient aussi à ce que je suis chargée du logement, lequel peut constituer un débouché durable, non seulement dans le cadre de la transition écologique, mais aussi parce que l'activité n'est pas délocalisable. L'intégration d'une action relative à la filière bois au sein du programme des interventions territoriales de l'État (PITE) est donc en cours de discussion ; elle ne pourra intervenir dès le projet de loi de finances de 2013, mais il est quasi certain que ce sera chose faite dans celui de 2014.

Les pôles de compétitivité ne sauraient constituer le seul outil d'aménagement du territoire. Les évaluations montrent qu'ils ont une efficacité très variable, et qu'il convient de réfléchir à leur gouvernance, de mieux associer les PME et d'en assurer une meilleure diffusion sur les territoires concernés. En d'autres termes, au sein des pôles, des ressources doivent être mobilisées en faveur des PME, car celles-ci éprouvent des difficultés à s'y intégrer d'elles-mêmes.

S'agissant du calendrier, Monsieur Calmette, le rapport de la Commission présidée par Thierry Wahl devrait être remis fin décembre-début janvier et celui de la mission de prospective confiée à Éloi Laurent, fin janvier. Il s'agit de se doter à la fois d'une analyse sur les moyens opérationnels de notre politique et d'une réflexion précise sur le concept d'égalité des territoires, afin d'écrire une nouvelle page de l'histoire des politiques d'aménagement. Cette approche reposera sur l'expertise de l'ensemble des collectivités territoriales – la Commission est d'ailleurs composée de fonctionnaires de l'État et de tous les types de collectivités, rurales et urbaines. Elle doit nous conduire à mettre en place un dispositif rapidement opérationnel : la DATAR fêtera ainsi son 50e anniversaire en regardant vers l'avenir. La question de l'égalité des territoires, qui dépasse les clivages politiques, est aujourd'hui cruciale pour un certain nombre de territoires ruraux au bord du décrochage.

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