Intervention de Cécile Duflot

Réunion du 25 octobre 2012 à 15h00
Commission élargie : politique des territoires

Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement :

Monsieur le député Chassaigne, « là ou il y a une volonté, il y a un chemin ». La volonté et les choix politiques sont déterminants en matière d'égalité des territoires. Il convient de redéfinir le cap de cette politique, puis de la doter de moyens. Certes, mon ministère participe à l'effort de maîtrise des dépenses publiques, mais les crédits du programme 112 baissent de 6,5 %, non de 20 %, monsieur Marleix.

Je suis très sensible à la question des territoires ruraux, qu'il ne faut pas opposer à celle de la ville. Cela pourrait d'ailleurs avoir du sens de regrouper les programmes Aménagement du territoire et Politique de la ville, dans la mesure où certains problèmes, par exemple l'accès aux services publics, se posent dans des termes analogues à Champigny et en Lozère. Par exemple, le délai pour obtenir un rendez-vous médical peut compter tout autant que la proximité géographique du médecin. À cet égard, la question de l'accès aux pédiatres est déterminante, dans la mesure où ce sont les enfants qui permettent de maintenir la vitalité d'un territoire.

La politique des pôles de compétitivité devra être revue. La désertification a un coût, j'en conviens volontiers avec M. Molac : il est beaucoup plus difficile de réparer les dommages a posteriori que d'éviter l'effondrement d'un territoire. Nous sommes arrivés à un moment critique, où il convient de redéfinir nos objectifs. L'enjeu n'est pas seulement le montant des subventions, mais le pilotage de cette politique, qui pourrait être assuré par le Commissariat général à l'égalité des territoires.

Les contrats de projets État-région (CPER) demeurent un outil déterminant. En dépit des critiques parfois justifiées sur certaines contributions de l'État, ils ont rempli leur mission : les contrats qui arriveront à échéance en 2013 ont été exécutés à 80 % en moyenne.

Nous allons poursuivre cette démarche en travaillant non seulement sur les contrats régionaux, mais en nous posant également la question des contrats territoriaux. En effet, les évolutions des dix dernières années le montrent : si le développement est plus homogène entre les régions – les revenus par habitant des différentes régions se rapprochent de la moyenne nationale –, les inégalités entre les territoires se creusent au sein même des régions. Par exemple, des villes moyennes peuvent progresser, alors que les territoires périurbains et les zones hyper-rurales connaissent un décrochage marqué.

Il convient donc de travailler au niveau infra-régional, à l'échelle des territoires. J'ai eu des échanges approfondis à ce propos avec l'Association des départements de France, notamment sur les services publics de proximité : petite enfance, maintien à domicile des personnes âgées, sécurité civile et pompiers, transport scolaire. Efforçons-nous de repenser ces questions dans une double logique de mutualisation de l'expertise et de proximité au service des citoyens.

Pour répondre à M. Marleix, la PAT a sans doute été utile, mais constitue-t-elle le meilleur outil d'aménagement du territoire ? Elle a certes permis d'aider certaines entreprises et de sauvegarder un certain nombre d'emplois. Mais le dispositif n'est mobilisé que par celles qui en ont la capacité et ne répond pas nécessairement aux situations les plus urgentes. C'est pourquoi nous voulons revoir le périmètre d'intervention et le financement de la PAT.

Le plan national de soutien aux maisons de santé a enregistré des résultats très positifs, même s'il n'a pas été mis en oeuvre de manière homogène. Nous devons établir une cartographie plus précise des territoires déficitaires : la DATAR est en train de mettre en place un observatoire des maisons de santé, afin de vérifier l'efficacité de cette politique, le maillage pertinent et l'adaptation du dispositif aux territoires. En effet, des situations différentes peuvent appeler des réponses différentes, qui doivent être apportées au plus près des territoires, le cas échéant avec le soutien de l'État. Mais le rôle de l'État consiste aussi à identifier les territoires les plus meurtris, et cela concerne aussi la ville de Clichy-sous-Bois et la copropriété du Chêne Pointu. Ensuite, il travaillera en partenariat avec les collectivités territoriales pour intervenir dans les situations les plus difficiles. Telle est notre conception de l'égalité des territoires.

En ce qui concerne le déploiement des réseaux à très haut débit, il s'agit en effet de débloquer son financement et de trouver des moyens à cette fin. Le Commissariat général à l'égalité des territoires pourrait avoir une branche spécialisée dans ce domaine, chargée de fournir l'expertise adéquate pour la rédaction des cahiers des charges, en appui aux collectivités territoriales qui mettent en place des réseaux d'initiative publique. Les collectivités ont fait la démonstration de leur dynamisme et de leur capacité d'action. L'État a cependant un rôle à jouer en matière de mutualisation, afin d'éviter la coexistence de réseaux différents.

Pour répondre à M. Benoit, les documents d'urbanisme – qui s'articulent les uns aux autres – jouent un rôle déterminant en matière de planification. La question est celle du bon niveau. Elle sera abordée dans le cadre de l'examen du projet de loi sur le logement et l'urbanisme qui sera présenté au premier semestre 2013. Pour ma part, j'appelle de mes voeux l'instauration de plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUI). Tout en respectant le rôle des maires dans la délivrance des permis de construire, on peut imaginer une mise en cohérence des programmes d'urbanisme à l'échelle intercommunale.

En outre, la question des schémas de cohérence territoriale (SCOT) demeure ouverte. Il est urgent de rendre les SCOT moins vulnérables sur le plan juridique : aujourd'hui, tout un chacun peut demander leur révision pendant toute la durée de leur validité. De nombreuses collectivités territoriales, qui se sont investies dans l'élaboration harassante des SCOT, sont contraintes, tel Sisyphe, de reprendre en permanence leur travail, en dépit de moyens d'ingénierie parfois limités. La préservation des SCOT est primordiale pour la lutte contre l'artificialisation des sols annoncée par le Président de la République lors de la conférence environnementale.

La réponse à la question de M. Bouillon sur la trame verte et bleue se trouve aux niveaux intercommunal – notamment dans les SCOT que je viens d'évoquer –, régional et européen. Une politique des territoires est indispensable au niveau européen. Contrairement à M. Marleix, je trouve normal que l'on ait confié le pilotage des fonds structurels aux régions, comme l'ont d'ailleurs fait tous les autres pays européens. La centralisation a montré ses limites lorsque l'État a retenu puis a dû restituer une partie de ces fonds. Il est préférable de faire confiance aux régions, dans le cadre d'une contractualisation, pour faire bon usage des fonds européens.

La France défendra avec ardeur le maintien de la politique structurelle européenne, comme elle le fait actuellement pour la politique agricole commune (PAC). Je rencontrerai demain le Commissaire européen à la politique régionale. Je plaiderai en faveur des régions intermédiaires, qui ont besoin, comme je l'ai dit, d'une politique spécifique.

Vous avez évoqué le travail « Territoires 2040 » de la DATAR. Il ne faut pas opposer prospective et vision de court terme. Pour être efficaces, les politiques doivent s'inscrire dans une trajectoire globale. Le Commissariat général à l'aménagement du territoire conservera l'expertise et la vision stratégique de la DATAR. Il en fera usage dans sa mission de redéfinition des contrats régionaux, voire de contrats territoriaux. Certains territoires – littoraux, de montagne – doivent faire l'objet de politiques spécifiques.

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