Intervention de Bruno Lafont

Réunion du 22 octobre 2014 à 9h00
Commission des affaires économiques

Bruno Lafont, président-directeur général de Lafarge :

Le CICE rapporte à l'entreprise 3 millions d'euros, tandis qu'elle bénéficie du CIR à hauteur de 5 millions. Mais la hausse des tarifs de l'électricité qu'elle subit est cinq fois supérieure au montant du CICE. Ce ratio est plus élevé que chez Vicat, car les coûts salariaux individuels de ce concurrent sont sans doute plus faibles que les nôtres.

Quant au principe d'une fusion entre égaux, il peut en effet être difficile à mettre en oeuvre, mais présente des avantages, car il repose sur un échange s'opérant sans débourser d'actifs, mais en recherchant au contraire le meilleur de chaque entreprise. Les marchés financiers l'ont du reste bien compris, reconnaissant que la fusion apporterait une création de valeur grâce à des synergies non seulement de coût d'achat, mais aussi de croissance, car elle incite à de meilleures pratiques en termes d'innovation. À long terme, le groupe changera de catégorie, se plaçant parmi les 200 premières entreprises mondiales. Depuis six mois, date d'annonce de la fusion, les cours de notre entreprise tiennent bon. Cela n'arriverait pas si la justification économique de la fusion n'était pas comprise.

Non seulement les shareholders (actionnaires), mais encore les stakeholders (partenaires) y voient un avantage. Elle emporte donc l'adhésion, loin de toute comparaison avec les fusions qui ont été citées. Les choses avancent bien, sur tous les plans.

Nous avançons bien sûr dans les discussions avec Bruxelles. Le dialogue est constructif. Nos deux groupes ont chacun une capacité de production de 105 millions de tonnes de ciment par an. Au titre des désinvestissements, des « remèdes », il est normal qu'ils doivent en céder une partie, sans doute à hauteur de 25 millions de tonnes, pour permettre la fusion. Dans les pays où Holcim et Lafarge sont tous deux très présents, cela représente des cessions concernant 30 % à 40 % de l'activité de Holcim et de Lafarge. Mais nous avons de bonnes chances de réussir.

Quant aux conséquences de cette réorganisation sur l'emploi, je répète qu'il n'y aura pas d'impact sur les sites industriels. Le mouvement naturel de l'économie implique cependant de créer des emplois, mais aussi de rationaliser l'activité. C'est la vie permanente des entreprises. La fusion peut avoir des conséquences positives si la consommation reprend. Car cette dernière constitue, avec les efforts continus de productivité et d'efficacité, le principal déterminant du niveau de l'emploi. En France, nous nous efforçons de créer autant d'emplois que nous en supprimons, notamment en contribuant à des associations.

Les fonctions centrales de l'entité nouvelle seront équitablement réparties entre la France et la Suisse. Une consultation avec les partenaires sociaux en cours. Mais les conséquences sur l'emploi seront limitées et modérées.

Le centre de recherche de L'Isle-d'Abeau – qui emploie aujourd'hui deux cents chercheurs – devrait profiter de la fusion car le leader mondial a toujours intérêt à investir dans ce domaine. Notre taille nous empêche aujourd'hui d'explorer certaines pistes innovantes ; ensemble, nous pourrons avancer. Le groupe gardera ses racines françaises, le centre de recherche restant sur le sol national ; en cela, ce projet de fusion représente une chance pour notre pays. L'ensemble de nos dépenses de recherche et d'innovation représentent environ 120 millions d'euros par an et ont vocation à croître.

La loi interdisant de fusionner une entreprise française et une entreprise suisse, nous avons opté pour une offre publique d'échange. Il s'agit d'une véritable fusion d'égaux : en cas d'acquisition ou de prise de contrôle de Lafarge par Holcim, le conseil de la société suisse resterait ce qu'il est, alors que le nôtre disparaîtrait ; à la place, le conseil de la nouvelle société – qui sera suisse pour des raisons pratiques – sera composé de sept membres issus de Lafarge et de sept membres issus de Holcim, tous les actionnaires de Lafarge devenant potentiellement actionnaires de Lafarge-Holcim. Cet équilibre des fonctions centrales – confirmé par le choix des managements – contribue à limiter l'impact de la fusion sur l'emploi.

Rien ne devrait inciter les acquéreurs à diminuer les effectifs ; au contraire, récupérant des entreprises bien gérées, composées d'excellentes équipes, ils souhaiteront peut-être les augmenter. N'oublions pas que celui qui achètera tous nos désinvestissements recréera un groupe de la taille d'Italcementi. Les sociétés des pays émergents – qui manquent de cadres de qualité – sont particulièrement intéressées par nos ressources humaines. Cette opération peut donc également produire des effets positifs.

Son recentrage stratégique amène Lafarge à désinvestir certaines activités pour pouvoir investir davantage dans d'autres. En réalisant ce type d'opérations, nous faisons attention à l'emploi ; les personnels qui ont quitté Lafarge dans le cadre d'une vente s'en sortent en général très bien, d'abord parce que nous choisissons des acheteurs porteurs d'un vrai projet, ensuite parce que leur qualification leur assure un bel avenir. Les inquiétudes autour de l'emploi ne semblent donc pas réellement justifiées.

Les changements créent naturellement des appréhensions, mais ces dernières sont particulièrement renforcées par les délais entre l'annonce et la réalisation. Voilà quinze mois que nous attendons les autorisations concurrentielles, mobilisant la communication interne pour dissiper les craintes et préparer au mieux l'opération. En effet, l'anticipation est la clé de la réussite.

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