Intervention de Pierre-René Lemas

Réunion du 22 octobre 2014 à 11h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Pierre-René Lemas, directeur général du groupe Caisse des dépôts :

S'agissant de la déflation, il faut bien comprendre que la Caisse des dépôts – et c'est un élément important dans l'analyse que l'on fait de son rôle – ne peut augmenter la taille de son bilan comme elle le pourrait si elle était une banque centrale. La taille de son bilan est liée au montant de ses fonds propres, lesquels correspondent à l'accumulation stratifiée de ces fonds depuis 1816, soustraction faite du prélèvement de l'État. Elle peut intervenir, comme elle le fait toujours, de manière contracyclique, ni plus ni moins, car la déflation et le maintien durable d'un taux très bas impliqueraient une réduction de ses marges de manoeuvre. J'ajoute que l'évolution du taux du livret A doit être appréciée au regard de la baisse générale des taux d'intérêt. Si nous sommes chers par rapport à certains acteurs privés, c'est parce que notre ressource elle-même est chère. La contradiction entre le maintien du niveau de rémunération de l'épargne populaire, d'un côté, et le coût de la ressource nécessaire pour assurer les missions d'intérêt général, de l'autre, est bien connue.

En ce qui concerne les plus-values ou les moins-values latentes ou réelles pour 2013, le résultat récurrent est de 1,3 milliard d'euros et le résultat exceptionnel, que l'on peut ajouter au résultat récurrent, de 787 millions d'euros. Les actifs transférés à la BPI ont, à hauteur de 1,2 milliard, généré des plus-values. Par ailleurs, nous avons procédé, l'an passé, à une dépréciation d'actifs sur La Poste de l'ordre de 300 millions. Ces éléments peuvent être mis à la disposition de la Commission.

M. Goua nous a interrogés sur le fonds viager. L'initiative consistant à mobiliser les investisseurs institutionnels pour tenter de relancer ce segment du marché immobilier est originale. Le dispositif, dont les crédits s'élèvent à 120 millions d'euros dont 20 millions apportés par la Caisse des dépôts, commence à porter ses fruits. Son objectif est de rationaliser ce marché qui n'existe quasiment plus en France. Il offre, avec le soutien de la Caisse, aux couples qui sont à la retraite et disposent de revenus extrêmement faibles tout en étant propriétaires de leur logement, des réponses intéressantes, qu'il s'agisse du maintien des personnes âgées à domicile, de la prise en compte du veuvage ou de l'hébergement en maison de retraite. Il s'agit de sécuriser la situation des personnes âgées. Cependant, comme le dispositif n'en est qu'à ses débuts, je ne peux vous donner d'éléments de réponse en ce qui concerne ses résultats.

S'agissant de la BEI, il n'y a pas de droit de tirage, mais nous nous sommes mis d'accord avec elle sur un double dispositif. Le premier consiste à élaborer, dans la mesure du possible, des instructions conjointes. J'ignore quelle sera la part de la France dans le plan Juncker, qui prévoit 300 milliards d'euros d'investissements dans l'ensemble de l'Union européenne ; cette part peut être calculée au prorata des investissements réalisés ou de la population. Quoi qu'il en soit, depuis de nombreuses années, la France ne sait pas tirer parti de tels financements européens exceptionnels en matière d'investissements, car, si elle a beaucoup d'idées, très peu de projets sont immédiatement disponibles et ceux qui le sont ne sont pas souvent accompagnés d'un projet financier clair. Nous avons donc décidé avec la BEI d'anticiper en étudiant avec les collectivités territoriales les projets qui pourraient être candidats à ces financements. Nous voulons éviter ainsi de nous retrouver dans une situation que l'on connaît bien. Je pense au premier project bond, qui a été monté deux ans après que l'idée a été lancée, même si nos voisins, notamment les Allemands, n'ont pas été beaucoup plus rapides que nous dans ce domaine.

Le second dispositif concerne les agrégateurs de projets. Actuellement, une grande collectivité locale bénéficiant d'une bonne notation peut trouver des financements peu chers sur le marché européen, mais beaucoup de collectivités locales ne parviennent pas, à elles seules, à obtenir ces financements, pour des raisons liées à leur taille et aux montages financiers. En revanche, si elles additionnent leurs projets d'investissement, elles peuvent trouver des subventions et des financements auprès de la Caisse des dépôts, de la BEI et des marchés européens. Ainsi une région qui ne peut monter une opération pour la rénovation de ses lycées aura-t-elle plus de chances d'y parvenir si elle s'associe à une autre région. De même, il est difficile d'assurer la couverture en très haut débit des zones mal desservies dans les meilleures conditions de financement, sauf si l'on agrège, comme c'est le cas d'AXIONE, quinze départements qui travaillent ensemble sur des projets de même nature. On peut ainsi optimiser les financements publics, même lorsqu'ils sont modestes.

En matière de contrôle, je confirme que la Caisse n'est pas soumise aux règles applicables aux banques ; son modèle prudentiel est spécifique. Il est fixé par sa commission de surveillance, qui le soumet pour avis à l'ACPR. Je me permets d'appeler l'attention de la commission sur ce point, car nous devons sans cesse rappeler cette spécificité à l'ACPR et parfois à Bruxelles. La Caisse est du reste difficilement comparable aux caisses des dépôts d'autres pays. Ainsi la KfW allemande s'apparente à une BPI à laquelle s'ajourerait une garantie à l'export davantage qu'à la Caisse.

Sur l'ANRU, je suis entièrement d'accord avec M. Pupponi : c'est à elle d'agir ; nous, nous l'accompagnons. Il faut en finir avec les doubles instructions.

Sur Dexia et le marché des collectivités locales, je rappelle que la Caisse des dépôts a participé au financement de la SFIL à hauteur de plus de 11 milliards, soit 10 % du bilan de la Caisse. Même si celle-ci n'est pas actionnaire, c'est un financement qui n'est pas négligeable.

S'agissant de CDC Climat, la somme de 22 milliards évoquée par M. Alauzet correspond non pas au montant de ses investissements, mais à l'estimation qu'elle a faite – et qui vaut ce qu'elle vaut – du coût en investissements de la transition énergétique et écologique.

Je conclurai en indiquant que j'ai demandé à l'ancien directeur général adjoint de la Caisse des dépôts, M. Dominique Marcel, de mener une réflexion globale sur l'ensemble du secteur touristique. La Caisse détient en effet des participations dans de grands organismes, notamment ceux qui font actuellement l'objet de débats en bourse, et possède des filiales dans ce secteur, en particulier Belambra, VVF ou la Compagnie des Alpes. Il nous faut donc réfléchir à l'évolution de l'outil que peut constituer cette industrie pour la France, en intégrant la dimension numérique, devenue indispensable ; il y va de l'intérêt national.

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