Intervention de Sophie Dion

Réunion du 28 octobre 2014 à 16h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSophie Dion, rapporteure pour avis pour les crédits de la recherche :

J'ai en effet choisi, dans le cadre de l'examen du budget de la recherche, d'étudier un sujet qui l'est trop peu souvent : la montagne. Je ne pensais pas, du reste, que le Premier ministre confirmerait officiellement ce choix en proclamant, le 17 octobre 2014 : « La montagne est l'avenir de la France. » Avenir de la France, certainement, mais aussi incomparable laboratoire de recherche à ciel ouvert !

La montagne reste pourtant à la périphérie des sciences. Alors qu'elle couvre 29 % du territoire national, elle ne mobilise que peu de moyens de recherche : 100 millions d'euros par an seulement selon les estimations, ce qui ne paraît pas à la hauteur des enjeux.

Au plan environnemental et climatique, la montagne est un véritable laboratoire du changement global. Parce qu'elle constitue un écosystème très riche, c'est aussi un important réservoir de la biodiversité. Mais ce milieu riche est aussi un milieu fragile, plus sensible que la plaine, par exemple, au changement climatique : alors que la température du globe s'est élevée de 0,5 degré au cours du siècle dernier, celle des Alpes a crû de 1,5 degré. La montagne est donc un bon indicateur des conséquences du changement climatique. Elle concentre par ailleurs des ressources naturelles importantes, notamment en eau. Elle fournit aussi des ressources minières et pétrolières.

Il faut avoir à l'esprit tous les enjeux liés à l'anthropisation de ce milieu si particulier. Les risques naturels y sont plus prégnants qu'ailleurs, qu'il s'agisse des avalanches, des éboulements ou des crues. En tant que zone géologique active, la montagne fait l'objet d'une surveillance sismique particulière.

Elle est aussi le terrain privilégié de nombreuses activités sportives et de loisirs, donc d'enjeux relatifs à la santé et aux pathologies liées à l'altitude.

Si la montagne intéresse la médecine et la physiologie, elle intéresse également les sciences humaines et sociales. Développement du tourisme, changements intervenus dans les usages agricoles ou industriels, gestion des flux : toutes ces questions mobilisent les chercheurs en économie, en droit, en sociologie, en histoire ou en géographie.

À Grenoble, à Chambéry, à Toulouse, à Clermont-Ferrand, différents laboratoires d'écologie, de sciences de la terre et de sciences humaines et sociales conduisent des recherches passionnantes. Certains sont rattachés au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), d'autres appartiennent à de grands organismes de recherche comme l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA) ou l'Institut de recherche pour le développement (IRD). Certains ont même un statut associatif, comme le Centre de recherches sur les écosystèmes d'altitude ou, dans le domaine médical, l'Institut de formation et de recherche en médecine de montagne.

La recherche sur la montagne est relativement récente. Beaucoup de ces laboratoires sont nés dans les années 1990 et 2000. Les résultats sont néanmoins très prometteurs. Dans le domaine environnemental et écologique par exemple, on peut aujourd'hui modéliser les effets du changement climatique sur la végétation. Dans le domaine des risques, on comprend mieux les avalanches, et l'on peut limiter les chutes de blocs de pierre par une couverture forestière appropriée. Dans le domaine de la santé, on évalue mieux les effets de l'altitude et on combat mieux le mal aigu des montagnes.

Pour autant, la recherche sur la montagne a encore du mal à se fédérer. Il existe certes un laboratoire d'excellence (LABEX) qui regroupe des laboratoires de sciences humaines et sociales sur ce sujet, et un autre, dans le domaine des sciences de la vie et de la terre, qui se préoccupe en partie de ces questions. L'Alliance dans le domaine de la recherche environnementale, de son côté, réunit les principaux acteurs de la recherche en montagne, mais sous le seul aspect environnemental. Les sciences humaines et les sciences dures ne se parlent pas encore, ou trop peu.

Là plus qu'ailleurs, les financements sont difficiles à trouver. En effet, les projets de recherche sur la montagne prennent plus de temps que les autres, que ce soit en écologie, en géosciences ou en sciences humaines. Pour être valables, les recherches doivent accumuler de longues séries de données, ce qui peut s'avérer impossible dans le cadre de contrats de recherche de trois ou cinq ans.

La montagne manque également de visibilité en tant qu'objet de recherche, si bien que les chercheurs ont du mal à se positionner pour répondre à des appels à projets qui, dans la plupart des cas, sont généralistes. Comme le littoral, la montagne devrait faire l'objet d'un intérêt accru dans le cadre du financement sur projet.

Les contrats de recherche sont une bonne chose, dans la mesure où ils orientent la recherche vers des enjeux que les pouvoirs publics considèrent comme prioritaires. Mais le soutien de base est également important pour mener des recherches qui sont, à un instant donné, moins attractives. C'est pourquoi je crois qu'il est impératif à la fois de faire une place à la montagne dans les appels à projets et de permettre aux laboratoires de bénéficier de financements suffisants pour mener les recherches qu'ils estiment porteuses d'avenir.

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