Intervention de Barbara Pompili

Réunion du 28 octobre 2014 à 16h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBarbara Pompili :

Madame Tolmont, je tiens à vous remercier du travail d'investigation que vous avez conduit sur des secteurs souvent mal connus et pourtant, aujourd'hui encore, malheureusement nécessaires !

Alors que la loi pour la refondation de l'école promeut l'école inclusive et que la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées reconnaît le droit à la scolarisation aux élèves en situation de handicap, l'existence de structures adaptées comme les SEGPA ou les EREA n'est pas sans nous interpeller, tout en justifiant l'intérêt de votre rapport.

Si nous prônons l'école inclusive et l'adaptation du système aux besoins de chaque élève, incluant le parcours individualisé et l'accompagnement humain, nous constatons aujourd'hui que nous sommes encore loin d'atteindre cet idéal. Oui, l'existence même des SEGPA et des EREA est la preuve que l'école inclusive n'existe pas encore. C'est pourquoi quiconque prônerait leur disparition immédiate prendrait le risque d'aggraver les difficultés scolaires et sociales de nombreux élèves qui, ne sachant vers quelles structures se tourner, seraient très mal accueillis dans le milieu dit ordinaire.

Or, c'est précisément sur le milieu ordinaire qu'il convient d'agir pour le rendre capable, à terme, d'accueillir les élèves en grande difficulté. Il n'est pas acceptable que le système scolaire continue de reproduire et d'aggraver les inégalités sociales, alors qu'il devrait servir de tremplin à ces élèves. Nous ne pouvons plus accepter que les plus fragiles soient extraits du milieu ordinaire pour être placés dans des filières vues et vécues comme des voies de garage, où l'on essaie de les oublier en limitant au maximum les relations entre milieu adapté et milieu ordinaire – c'est un point que vous soulignez. C'est comme si ces deux mondes coexistaient sans se voir, puisque, même lorsqu'ils partagent le même site, ils ne partagent pas les mêmes locaux, ce qui interdit tout mélange ou tout échange entre les élèves et les professeurs de ces deux mondes, qu'il s'agisse des cours, des activités sportives et artistiques, des voyages scolaires, des dynamiques d'établissement, voire de la cantine – il y a fort heureusement quelques exceptions. Il est donc urgent d'agir pour pallier les défaillances de notre système, qui rejette une partie des jeunes.

La loi de refondation de l'école constitue une première étape, notamment parce qu'elle redonne la priorité au primaire – les professionnels de SEGPA le soulignent : il faut s'attaquer aux difficultés dès le primaire – et qu'elle restaure la formation des enseignants. Il faut toutefois aller plus loin. Devant les difficultés spécifiques rencontrées par certains élèves, nombre d'enseignants se sentent encore aujourd'hui trop démunis. Le manque de formation de l'ensemble des équipes pédagogiques à l'accueil des élèves en situation de handicap ou en grande difficulté étant une des racines du mal, il faut tout faire pour y remédier.

Il convient également d'assouplir le système, afin de permettre à chaque élève de bénéficier d'un suivi et d'un parcours individualisés. Il devrait être possible de mieux « circuler » à l'intérieur d'un cycle et de fonctionner par petits groupes et par projets. Il faut également augmenter les moyens humains pour accompagner chaque élève et mieux ouvrir l'établissement à son milieu.

Je tiens à insister sur la nécessité d'améliorer l'existant car, de l'avis même des professionnels travaillant en SEGPA, la suppression à court terme de ces structures relève de l'utopie. En attendant que l'inclusion en milieu ordinaire puisse devenir la norme, il convient d'améliorer le fonctionnement des SEGPA et des EREA pour leur permettre de répondre aux difficultés des élèves que ces structures accueillent.

Vos préconisations, madame la rapporteure pour avis, vont dans le bon sens puisqu'elles tendent à renforcer les liens entre le milieu ordinaire et le milieu adapté pour les élèves et les enseignants, à réviser les critères d'orientation, à supprimer la condition devenue absurde du redoublement, à systématiser le réexamen des situations des élèves scolarisés en milieu adapté, à accroître les sorties d'élèves vers la voie « ordinaire », notamment grâce aux liens créés lors du réexamen des situations, à revoir les missions des EREA en les intégrant à leur environnement scolaire, à mieux valoriser le travail des personnels et à mettre l'accent sur leur formation. J'espère que vos conclusions trouveront rapidement un écho favorable et concret.

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