Intervention de Philippe Ravalet

Réunion du 26 septembre 2012 à 14h45
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Philippe Ravalet, conseiller référendaire à la Cour des comptes :

L'objectif assigné à l'Agence France Trésor est de « couvrir le financement de l'État tout en minimisant sur la durée la charge de la dette pour le contribuable dans les meilleures conditions de sécurité possible » ; c'est là une approche assez classique au sein de la zone euro. L'Agence France Trésor adapte étroitement l'offre de titres à la demande des investisseurs, grâce notamment à l'appui d'une vingtaine de banques dites « spécialistes en valeur du trésor » – SVT.

Cette politique active est rendue nécessaire non seulement par l'ampleur de nos besoins de financement – environ 180 milliards d'euros par an –, mais aussi par la concurrence accrue entre différents émetteurs, souverains, publics ou privés.

La sécurisation du financement de l'État constitue un impératif pour l'Agence France Trésor : il est essentiel de garantir l'accès au marché et de s'assurer de l'existence d'une demande suffisante lors des séances d'adjudication qui sont très régulièrement organisées.

Comme en attestent les indicateurs de performance du programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'État », l'Agence a jusqu'ici toujours réussi à exécuter le programme fixé en loi de finances initiale ; la demande a même toujours été soutenue.

En s'abstenant de proposer des titres dont les investisseurs ne voudraient pas, ou pas dans la quantité proposée, l'Agence s'assure que, le jour de l'adjudication, le prix payé pour financer l'État est le plus faible possible. À notre sens, cela ne suffit pas tout à fait, en théorie du moins, pour garantir que la charge de la dette soit minimisée à long terme. Imaginons – de façon certes caricaturale – que les investisseurs privilégient, à un moment donné, les placements à court terme : n'émettre alors que des titres dont la maturité serait inférieure à un an accroîtrait le risque de refinancement, lui-même susceptible d'augmenter la charge d'intérêt à moyen et à long terme.

L'Agence peut également, lorsque les conditions du marché le permettent, diminuer la durée de vie moyenne de la dette grâce à des contrats d'échange de taux, les swaps. Le programme de swaps lancé au mois d'octobre 2001 a toutefois été suspendu dès l'année suivante, et n'a pas été réactivé.

La gestion de la dette de l'État par l'Agence France Trésor ne procède pas d'un arbitrage entre coût et risque : elle ne repose pas sur un contrôle a priori du risque budgétaire. Les États-Unis et le Royaume-Uni adoptent une approche similaire ; d'autres pays ont mis en place des objectifs de contrôle du risque mais, il faut le souligner, l'ampleur de leur dette est le plus souvent bien moindre que celle de la France. Cette procédure permet de ne pas orienter les émissions en fonction d'un objectif retenu a priori, donc de conserver une certaine neutralité du gestionnaire, dont le marché ne peut pas anticiper le choix. Elle présente en revanche l'inconvénient de ne pas encadrer le risque pour l'évolution ultérieure de la charge budgétaire de la dette de l'État.

Il faut souligner que le choix d'une limite serait très largement arbitraire : l'État devrait simplement choisir le niveau de risque qu'il est prêt à accepter.

La Cour ne recommande pas la fixation d'objectifs ou de limites en matière de contrôle du risque budgétaire. L'Agence France Trésor fournit de très nombreuses informations ; notre contrôle a montré le niveau élevé de transparence de l'Agence en ce domaine. La Cour suggère néanmoins d'élargir l'éventail des indicateurs de suivi, en fournissant par exemple des informations relatives au risque de refinancement ou aux écarts d'adjudication. Elle souligne qu'il serait intéressant d'intégrer dans le rapport annuel de performance de la mission « Engagements financiers de l'État » une analyse de la sensibilité de la charge de la dette à l'évolution de l'inflation.

Nous avons d'ailleurs déjà souligné la grande volatilité de la charge de la dette indexée en cas de brusques variations de l'inflation : elle représentait en effet 7,5 milliards d'euros en 2011, contre seulement 3,6 milliards d'euros en 2009.

L'Agence France Trésor a été précurseur dans l'émission d'emprunts d'État indexés sur l'inflation, d'abord française, puis européenne ; à la fin de l'année 2011, ces emprunts indexés représentaient 12,6 % du stock total de la dette. L'importance de ce programme nous semble justifier l'établissement d'un bilan a posteriori, au fur et à mesure que ces obligations viennent à échéance.

L'organisation matérielle des séances d'adjudication est assurée par la Banque de France, grâce au système informatique TELSAT. Les acteurs concernés, et en premier lieu les SVT, estiment que ce processus fonctionne correctement. Nous avons simplement suggéré que la contractualisation entre l'État et la Banque de France soit un peu mieux formalisée qu'elle ne l'est aujourd'hui ; nous avons également suggéré quelques améliorations techniques de TELSAT.

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