Intervention de Philippe Mills

Réunion du 26 septembre 2012 à 14h45
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Philippe Mills, directeur général de l'Agence France Trésor :

Des précautions s'imposent quant à la distinction entre résidents et non-résidents. De l'épargne française est en effet gérée par des fonds monétaires à Luxembourg et par des gestionnaires d'actifs à Londres, qui sont considérés comme non-résidents. Ensuite, dans la zone euro, les conditions objectives de décision des investisseurs sont semblables – le principal critère de différenciation est celui du taux de change. Outre la distinction sommaire entre résidents et non-résidents issue des statistiques de la balance des paiements de la Banque de France, certaines études du FMI font la différence entre les non-résidents appartenant à la zone euro et les autres. Nous arrivons ainsi au résultat suivant : un tiers d'investisseurs français, un tiers d'investisseurs de la zone euro et un tiers qui ne sont pas de la zone euro.

S'agissant de la souveraineté, mon rôle est d'assurer la plus grande sécurité des adjudications françaises. Pour cela, il faut que la base d'investisseurs soit diversifiée et que le comportement des investisseurs ayant de la dette française soit le plus prévisible et le plus à long terme possible. Or, parmi les investisseurs répondant à ce critère, il y a une part notable de non-résidents. Nous l'avons bien vu à l'automne dernier lors de la période de tension sur les dettes européennes : au premier rang des investisseurs les plus constants sur la dette française se trouvaient les banques centrales ou les fonds souverains de certains grands pays émergents ; au deuxième rang, il y avait les investisseurs domestiques, français, et, en dernier, l'on trouvait certains investisseurs européens, de la zone euro ou en dehors. Cette répartition entre résidents et non-résidents, de la zone euro ou en dehors, est donc un important facteur de stabilité de la dette française. Pour des raisons de sécurité, les non-résidents – banques centrales, fonds souverains – investissent à terme et ont parfois une majorité de leur portefeuille qui n'est pas soumise à des valeurs de marché. Ils ont donc toutes les caractéristiques d'investisseurs de long terme et sont extrêmement stables. Ils ont permis d'assurer une plus grande stabilité de la dette française à l'automne 2011 lorsque le marché financier était volatile. Et c'est bien leur absence qui a généré les problèmes que nous connaissons pour les dettes italienne et espagnole.

Quant aux informations données par les États-Unis, ce ne sont que des estimations, des ordres de grandeur qu'il faut prendre avec beaucoup de précaution. La législation actuelle ne nous permet pas d'avoir plus de détails sur les détenteurs de titres de dette française. Et c'est le cas de tous les pays de l'OCDE, à l'exception des États-Unis. Par ailleurs, de tels détails sont d'autant plus difficiles à obtenir que la dette française est très liquide. Le volume de flux quotidiens sur la dette de l'État français est en effet de 10 à 12 milliards d'euros par jour, et il est de 20 milliards par jour pour la dette allemande.

Si les conditions de financement sont aujourd'hui aussi favorables, c'est pour des raisons européennes et françaises. Les raisons européennes tiennent aux décisions prises par l'ensemble des gouvernements européens en matière d'amélioration de la gouvernance de la zone euro et par la Banque centrale notamment sur les trois prêts à trois ans pour le système bancaire. Quant aux raisons françaises, elles tiennent à la manière dont les banques françaises ont réagi face à leur fragilité en termes de financement en dollars de l'été 2011 : elles ont réduit leur exposition en la matière, avancé leur financement à moyen et long terme, et ont connu l'impact de la sécurité des opérations de la BCE. Cela a fait disparaître une importante source d'inquiétude sur la dette française, qui aurait pu se propager par contagion. Les dernières raisons qui expliquent les actuelles conditions de financement sont les annonces très claires qui ont été faites par les autorités publiques françaises sur la réduction des déficits publics.

Je précise que les gens qui ont évoqué, au premier trimestre de l'année 2012, un risque d'attaque de la dette française ne connaissent rien à la gestion de la dette et aux raisons qui motivent les choix des investisseurs. Je ne dis pas que ce qui s'est passé était prévisible – le résultat sur les taux d'intérêt a été meilleur que celui attendu du fait notamment des décisions de la Banque centrale européenne –, mais si la grande majorité des investisseurs a observé un certain attentisme, elle n'a jamais manifesté de défiance à l'égard de la dette française, ce qui est à l'honneur de notre pays. Je dis cela car certains commentateurs relancent aujourd'hui ce sujet pour différentes raisons, européennes notamment. Il y a, en la matière, un important problème d'asymétrie de l'information. La très grande majorité des investisseurs qui parlent aux journaux sont de petite taille, voire de très petite taille, avec une minorité d'exposition à la dette publique. Les grands investisseurs sur la dette publique – grandes banques centrales, grands fonds souverains, grands fonds de pensions, grandes compagnies d'assurance – ne parlent quasiment jamais à la presse. Il est important que la représentation nationale ait conscience de l'écart qui existe entre le bruit médiatique produit par certains commentateurs et la réalité de l'analyse de la grande majorité des investisseurs sur la dette française, américaine, britannique ou allemande. Les seules exceptions en la matière proviennent de quelques grands gestionnaires d'actifs américains ou britanniques.

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