Intervention de Volkan Bozkır

Réunion du 28 octobre 2014 à 14h00
Commission des affaires européennes

Volkan Bozkır, ministre des Affaires européennes :

La signature de l'accord relatif aux migrations clandestines constitue une bonne base pour trouver une solution à ce problème, aussi sensible dans l'Union européenne qu'en Turquie. Nous faisons d'ailleurs tout ce que nous pouvons pour le régler : en dix ans, nous avons réduit le nombre de migrants illégaux de 100 000 à 3 000 par an. Nous avons également modifié notre code pénal pour faire de l'immigration illégale une infraction criminelle et réformer le contrôle de nos frontières ainsi que les mesures relatives aux passeports. Je pense que le problème sera réglé sous trois ans.

Mais il faut distinguer entre les immigrants illégaux et les réfugiés syriens accueillis en Turquie par humanité, qui sont au nombre de 2 millions. Ces derniers ne sont animés que par l'objectif de sauver leur vie et l'Europe doit en tenir compte – d'autant que, tôt ou tard, ils rentreront dans leur pays. Nous avons ouvert la frontière et, en une semaine, 200 000 personnes sont venues de Kobané.

La question de Kobané est devenue un symbole, mais beaucoup de personnes ne comprennent pas de quoi il s'agit réellement. Kobané est un village situé sur la frontière, avec des citoyens syriens et turques qui habitent de chaque côté de la frontière. On se demande pourquoi la Turquie abandonne les gens de Kobané, comment elle laisse cette menace planer sur l'Europe, et comment elle pourrait faire partie de l'Union européenne. Or, il n'y a plus personne à Kobané en dehors des combattants. Il n'existe plus de danger que des civils soient tués, dans la mesure où ils sont partis. Nous avons perdu 30 000 personnes en Turquie dans la lutte contre le terrorisme. Nous avons ouvert la frontière aux réfugiés, et nous sommes fiers de l'avoir fait. Les Allemands parlaient de 16 000 réfugiés syriens, nous en avons 2 millions. C'est une situation très difficile certes, mais Kobané représente bien peu au regard du problème global.

L'État islamique n'est ni islamique ni un État selon nous, mais cette organisation est proche et représente un grave danger ; pendant ce temps, on parle de Kobané ! L'État islamique vise toute la région du Levant, soit un territoire beaucoup plus grand que l'Irak et la Syrie, comprenant la Palestine, Israël, la Jordanie et Chypre. Il faut se débarrasser de ce groupe terroriste, qui est une armée non conventionnelle : il a pris Mossoul avec 18 000 combattants, et les 50 000 irakiens ont abandonné leurs armes et sont partis. Il s'agit d'une guérilla sans loi : ils vous demandent si vous êtes sunnite ou chiite, et si vous n'êtes pas sunnite ils vous tuent tout simplement ! Si vous pouvez envoyer vos troupes, nous serons avec vous. Il faut utiliser des forces conventionnelles contre ces forces non conventionnelles. Il faudrait une formation française, anglaise et turque, à destination des combattants syriens et irakiens. Surtout, il faut les protéger des attaques aériennes qui peuvent les tuer. Nous sommes déconcertés du fait que l'on nous critique, que l'on dise que l'on ne « bouge pas », alors que personne ne bouge ! Nous ne méritons pas une telle position.

Concernant la Crimée, il existe beaucoup de personnes d'origine turque en Crimée. L'Union européenne a donné de faux espoirs à un certain nombre de pays comme la Géorgie, laquelle a perdu une grande partie de son territoire au profit de la Russie sans que l'Union européenne n'intervienne. L'Ukraine a perdu la Crimée et l'Est de l'Ukraine est en danger. C'est comme un jeu d'échecs où chacun cherche à prendre sa revanche. 215 000 personnes ont été tuées par les forces russes, puis on a utilisé les armes chimiques en Syrie, puis il y a eu le problème en Crimée, puis l'accord n'a pas été respecté. L'Ukraine est notre voisin et c'est un partenaire stratégique. Nous avons refusé l'annexion de la Crimée. Cependant, nous sommes défavorables aux sanctions contre la Russie pour deux raisons : d'une part, vous ne nous avez pas posé la question et nous n'avons pas participé à la décision, et, d'autre part, nous avons de bons rapports avec la Russie, que nous tenons à préserver. Nous nous sommes battus quelques 300 ans mais maintenant nous sommes en paix.

S'agissant de l'agriculture, l'union douanière ne la concerne pas mais nous serions prêts à l'y inclure, ce qui serait révolutionnaire pour nous. En effet notre montant d'échanges commerciaux s'élève à 150 milliards d'euros, dont 45 % d'importations et 55 % d'exportations, tandis que 32 % de nos investissements viennent des pays de l'Union européenne et 90 % des pays occidentaux. En tout état de cause, nous n'accepterons rien qui n'aboutisse à une situation « gagnant-gagnant ».

Enfin, le G20 n'est pas mon terrain. La réunion du G20 va s'ouvrir en Australie. Je ne souhaite pas me substituer à la Présidence sur ce sujet.

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