Intervention de Pouria Amirshahi

Réunion du 24 octobre 2012 à 9h00
Commission élargie : action extérieure de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPouria Amirshahi :

Ce budget s'inscrit dans un contexte particulier. Outre l'héritage, cette année est marquée par les contraintes qui pèsent sur nos finances publiques et par la concertation. En effet, on ne « chamboule » pas une administration comme le Quai d'Orsay en quatre mois : les engagements qui ont été pris sur chacun des chantiers évoqués par les uns et les autres méritent une concertation approfondie. François Loncle a notamment rappelé la nécessité de respecter le temps du travail législatif, afin que le Parlement puisse être associé à tous ces chantiers.

L'augmentation de 1,5 % du budget est plutôt une bonne nouvelle. Dans le contexte mondial actuel, on peut se réjouir de la préservation des moyens de votre administration. Il y aura sans doute des inconnues qui feront bouger les lignes – peut-être pas de crédits, mais en tout cas d'appréciation. Je pense au Sahel, dont nous avons parlé tout à l'heure en Commission des affaires étrangères, à la situation en Syrie, et à bien d'autres paramètres qui nous conduiront à évoquer de nouveau notre capacité d'intervention à l'extérieur, même si ces sujets concernent aussi le ministère de la défense.

Permettez-moi de mettre en perspective les chantiers qui ont été évoqués, afin que nous puissions nous y préparer au mieux, dans un rapport sain et un dialogue constructif avec le Gouvernement.

Trois donnes sont à mes yeux importantes. En premier lieu, les printemps arabes ont des conséquences capitales, en particulier sur le bassin méditerranéen. Il faut distinguer, d'une part, les bouleversements que constituent les mouvements de société et les révolutions politiques en phase de construction, et d'autre part, au Machrek, les zones plus conflictuelles. En deuxième lieu, des évolutions se font jour en Afrique de l'Ouest. Je parle ici non pas du Sahel, mais du déplacement présidentiel à Dakar, qui accompagne un processus d'intégration économique régionale, de consolidation de la paix et de développement de la démocratie déterminant pour notre pays. Beaucoup de nos ressortissants sont issus de ces pays, et nous avons nous-mêmes un intérêt évident à maintenir des relations diplomatiques, culturelles et économiques renforcées avec eux. Je pense, en troisième lieu, aux pays émergents, dont Jérôme Lambert a parlé tout à l'heure. Ces évolutions posent des questions stratégiques qui exigeront, le moment venu, des engagements budgétaires.

En ce qui concerne le bassin méditerranéen, nous devons « mettre en musique » la « Méditerranée de projet » évoquée par le Président de la République lors de la vingtième Conférence des ambassadeurs. Celle-ci ne saurait rester un vain mot. Elle doit se construire autour de quelques idées structurantes telles que des industries communes dans le domaine énergétique, en particulier celui des énergies renouvelables, et le domaine culturel, voire des partenariats stratégiques industriels et commerciaux nouveaux, qui donnent tout leur sens à ce que vous avez appelé la diplomatie économique, mais qui ont des incidences concrètes sur la façon dont nous façonnons ce nouveau paysage avec nos partenaires méditerranéens.

La diplomatie culturelle a évidemment toute son importance et c'est bien pourquoi nous devons maintenir et défendre ce réseau. La défense de la francophonie prend en ce moment de l'histoire une dimension particulière. Bien entendu, il s'agit non pas seulement de défendre la langue française dans les instances internationales face à l'anglais dominant, mais de faire de la langue française – patrimoine commun que nous avons en partage et non illustration d'une quelconque arrogance – le vecteur de ces coopérations. Ainsi, les Marocains déploient déjà une stratégie économique en Afrique sub-saharienne, zone d'influence française traditionnelle dans laquelle nous avons aussi des intérêts évidents. Il nous incombe de construire des stratégies de convergence avec tous nos partenaires d'Afrique de l'Ouest.

S'engager dans ces nouveaux partenariats stratégiques suppose aussi une révision de notre doctrine en matière de visas Si nous voulons donner du sens à la nouvelle ambition française à l'étranger - dont je suis heureux qu'elle ait été plusieurs fois affirmée ces derniers mois –, nous devons, en partenariat avec les pays francophones et les pays émergents, garantir la mobilité des chefs d'entreprise, des scientifiques, des chercheurs et des artistes qui, tous, contribuent à renforcer la position internationale de la France et à favoriser un dialogue fécond et pérenne entre des sociétés qui tendront sinon à se replier sur elles-mêmes. Ce repli est lourd de dangers ; il convient donc de changer radicalement de cap et nous aurons sans nul doute l'occasion d'en débattre à nouveau.

Nous nous devons aussi de prendre en compte les Français de l'étranger. Une nouvelle donne se dessine : les Français établis hors de France étaient certes connus de l'administration, mais l'on s'avise que les 2,5 millions de personnes qui composent la diaspora française constituent une force extraordinaire pour notre pays. Nos compatriotes expatriés doivent bénéficier d'un accompagnement tout au long de leur vie, et en particulier d'une aide sociale quand elle est nécessaire, notamment pour les retraités. Quelles sont les perspectives à cet égard au sein de la Caisse des Français de l'étranger ? Quant à la révision du système des bourses, elle doit permettre aux familles expatriées des classes modestes et des classes moyennes de faire face à des frais de scolarité grandissants. Enfin, si la qualité des services consulaires se traduit pour partie par la dématérialisation, il faudra tenir compte des différences dans l'accès à l'Internet à haut débit selon les pays considérés : chacun conviendra que la dématérialisation ne peut se faire exactement de la même manière selon que l'on est à New York ou à Dakar.

Je ne conclurai pas sans évoquer le personnel consulaire, dont le travail est remarquable. Son effectif est pour les deux tiers – soit quelque 5 200 personnes – constitué de salariés sous contrat de droit local. Si ceux d'entre eux qui sont Français ne peuvent prétendre à une titularisation, sauf par voie de concours, ils pourraient néanmoins voir leur statut amélioré par des droits à formation et à congés et par la prise en compte de leur ancienneté. Nous reconnaîtrions ainsi qu'ils assistent utilement nos compatriotes dans leurs démarches d'état civil et qu'ils aident les ressortissants des pays d'accueil lesquels, pour beaucoup, voient dans nos consulats la première vitrine de la France.

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