Intervention de Jean-Marie le Guen

Séance en hémicycle du 29 octobre 2014 à 21h30
Lutte contre le terrorisme — Présentation

Jean-Marie le Guen, secrétaire d’état chargé des relations avec le Parlement :

La deuxième innovation est la création, à l’article 5 du texte, du délit d’entreprise individuelle terroriste. Ce nouveau délit adapte notre législation aux spécificités du terrorisme contemporain sans pour autant mettre en cause le principe de légalité des délits et des peines. Il permettra surtout d’appréhender, avant le passage à l’acte, un individu isolé résolu à commettre un acte terroriste dès lors qu’il est détecté. En revanche, l’élément matériel constitutif de la nouvelle infraction qu’était l’acquisition de moyens logistiques a finalement été supprimé. Quant à la possibilité ménagée aux enquêteurs et magistrats de saisir directement le centre technique d’assistance à des fins de décryptage, elle a été maintenue. Par ailleurs, la commission mixte paritaire a rétabli l’article 5 bis créant, à l’initiative de Marie-Françoise Bechtel, un délit d’exposition des mineurs à un message à caractère terroriste ainsi que l’article 11 relatif au vol de données informatiques.

La troisième innovation vise à entraver la diffusion de messages de haine et de propagande terroriste sur Internet. À cette fin, l’article 9 autorise le blocage administratif des sites. L’autorité administrative pourra désormais demander aux éditeurs et hébergeurs de site, lorsqu’ils sont identifiés, de procéder au retrait de contenus qui appellent au terrorisme ou en font l’apologie. À défaut, elle pourra demander aux fournisseurs d’accès de bloquer l’accès aux sites, à l’instar de ce que le législateur a déjà prévu pour les sites pédopornographiques. En vertu du principe de subsidiarité introduit par les députés, le blocage sera ciblé et limité au strict nécessaire. Il sera soumis non seulement au contrôle d’une personnalité qualifiée désignée par la CNIL mais aussi à celui de la juridiction administrative. En effet, la personnalité qualifiée aura la faculté de contester le blocage a posteriori devant le juge administratif.

Par ailleurs, le Sénat a introduit une disposition autorisant l’administration à demander aux moteurs de recherche le déréférencement des sites illicites. Ce dispositif complétera utilement la palette d’outils de lutte contre l’apologie des crimes terroristes sur Internet. À ce propos, le Gouvernement a tout mis en oeuvre pour parer au risque de sur-blocage et donner un maximum d’effectivité à la mesure. Le dispositif a été largement revu dès l’examen du texte en commission des lois à l’Assemblée nationale puis tout au long de la discussion parlementaire dans le cadre d’un débat fécond. La quatrième et dernière innovation consiste à faire en sorte que l’apologie du terrorisme et la provocation au terrorisme ne relèvent plus du délit d’opinion, donc de la loi de 1881 relative à la liberté de la presse, mais du droit commun. Certaines techniques spéciales d’enquête en matière de terrorisme leur seront donc également applicables sous le contrôle de l’autorité judiciaire.

En revanche, le champ des incriminations d’apologie du terrorisme et de provocation au terrorisme n’est pas modifié. Outre les innovations majeures que je viens d’évoquer, d’autres éléments doivent être rappelés. Tout d’abord, la possibilité donnée à l’agence de gestion et de recouvrement des avoirs criminels de concourir au financement de la lutte contre la criminalité permettra dans l’immédiat de financer le dispositif des repentis et, à terme, d’intéresser les forces de sécurité aux saisies opérées. Beaucoup d’entre vous étaient attachés de longue date à un tel dispositif : il figure dans le texte.

Deuxièmement, des mesures exceptionnelles de sûreté aéroportuaire pourront être adoptées, telles qu’un dispositif Vigipirate en milieu aérien.

Troisièmement, les ordonnances relatives à la partie législative du code de la sécurité intérieure ont été ratifiées et un code de déontologie commun à la police et à la gendarmerie nationales ainsi créé.

Quatrièmement, les dispositions permettant aux services d’avoir accès aux fichiers dans le cadre de la lutte antiterroriste et d’effectuer des contrôles dans les trains transnationaux, prorogées sans discontinuer depuis 2006 et dernièrement par l’article 1er de la loi antiterroriste du 21 décembre 2012, ont été pérennisées par voie d’amendement gouvernemental au Sénat. En revanche, l’article 15 allongeant la durée de conservation des enregistrements des interceptions de sécurité a finalement été supprimé.

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