…introduite par l’article 1er bis, il n’en demeure pas moins que ce texte fait – malheureusement – l’impasse sur la difficulté posée par les binationaux.
Selon la DCRI, la moitié des Français partis au djihad ont la double nationalité. En outre, on ignore quelle part des 2 500 Tunisiens recensés dans les rangs des djihadistes possèdent également la nationalité française…
C’est pourquoi je ne peux que vous appeler à reprendre la réforme de la protection de l’identité initiée par le précédent gouvernement, dont j’étais le rapporteur, en corrélant données biométriques et identité, ce qui permettrait de déjouer les stratégies des binationaux mal intentionnés.
Il aurait été légitime, une fois ces personnes identifiées, d’appliquer une réponse ferme, comme le fait le Royaume-Uni, avec vingt-deux cas recensés, en procédant à la déchéance de nationalité française des intéressés. Sur cette question, il ne peut y avoir de tabou, pour reprendre les mots mêmes du Premier ministre, tant on ne peut concevoir d’être en guerre contre la France et d’en conserver en même temps la nationalité, voire les avantages sociaux.
L’extrême porosité de nos frontières pose par ailleurs la question de la totale inadaptation du système Schengen aux impératifs de lutte contre le terrorisme. Ainsi, la police aux frontières n’a pas le droit de contrôler l’ensemble des données passager, car cela constituerait un rétablissement illégal des contrôles migratoires, lesquels ne peuvent être que provisoires et dus à des raisons impérieuses de sécurité publique. De facto, seuls 10 à 20 % des passagers communautaires sont contrôlés, ce qui est très peu. De surcroît, les pannes récurrentes du logiciel CHEOPS, utilisé pour confronter le nom des passagers aux fichiers des personnes recherchées, et qui ne permet d’ailleurs toujours pas le rapprochement avec les fichiers de la gendarmerie, posent un très grave problème de sécurité publique. L’absence d’identification récente des trois djihadistes qui a ridiculisé notre pays en atteste. Pas moins de cent quarante-quatre vols en provenance de Turquie atterrissent chaque semaine sur notre territoire. Pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures ont été prises par la Turquie pour renforcer le contrôle de ses frontières terrestres ?
Afin de se donner les moyens de mettre hors d’état de nuire les djihadistes à leur retour en France, et alors que sur le millier d’apprentis djihadistes partis en Syrie, cent vingt sont déjà revenus et cinquante-trois ont été incarcérés, le danger représenté par le prosélytisme des détenus terroristes doit être pleinement pris en compte, comme l’expose parfaitement le rapport de notre collègue Guillaume Larrivé, surtout quand on sait que ces détenus ne font l’objet d’aucune prise en charge spécifique d’isolement, d’aucune mesure pour éviter leur essaimage sur le territoire, ni d’aucun programme de dé-radicalisation.
Le renseignement pénitentiaire, avec treize personnes au plan national, ne saurait surveiller efficacement cent quatre-vingt-neuf établissements pénitentiaires, d’autant que depuis peu, les processus de radicalisation se font beaucoup plus discrets, donc difficiles à repérer. Depuis l’abandon des fouilles collectives et à la sortie des parloirs, les saisies de téléphones clandestins ont explosé, passant de moins de 5 000 en 2007 à près de 23 500 en 2013.
La surveillance des données qui transitent par ce biais est indispensable, de même que l’affirmation de leur prohibition dans la loi. À ce titre, je regrette que vous n’ayez pas bien pris la mesure de la situation, en rejetant les amendements de l’UMP permettant le placement à l’isolement des détenus islamistes prosélytes, interdisant explicitement la possession de téléphones portables en prison et rétablissant les fouilles à la sortie des parloirs. Pis encore, je regrette que l’article 15 bis, pourtant adopté par la commission des lois avec le soutien de son président et du rapporteur, et qui permettait la captation des données clandestines, ait été supprimé à l’initiative du Gouvernement en première lecture, décision d’autant plus incompréhensible et incohérente que l’article 2 interdit aux étrangers assignés à résidence d’entrer en contact avec la nébuleuse terroriste. On n’y comprend plus rien !
De même, il est incompréhensible que l’article 15 quater, qui autorisait l’administration pénitentiaire à prendre des mesures pour lutter contre les détenus s’adonnant au prosélytisme terroriste, comme le refus de délivrance, voire le retrait d’un permis de visite ou le contrôle du courrier, ait été supprimé par le Sénat.
En revanche, la création du nouveau délit d’entreprise terroriste individuelle pour combattre les « loups solitaires », comme nous le réclamions depuis l’affaire Merah, permet de reconnaître enfin ce phénomène, que vient d’ailleurs de vivre le Canada. Je crains néanmoins que vous ne compliquiez la définition de ce délit en exigeant deux éléments matériels pour qu’il soit constitué, au lieu de laisser au juge une possibilité d’appréciation.
Alors que la France est en guerre contre Daech, qui est en passe de déstabiliser tout le Moyen-Orient, nous n’avons pas le droit de négliger les moyens de protection de notre territoire contre ces ennemis implacables des démocraties et des droits de l’homme ; ils ne visent en réalité qu’à détruire le monde civilisé.
C’est pourquoi le groupe UMP votera ce projet de loi qui renforce notre arsenal juridique, non sans vous avoir avertis dès aujourd’hui de ses nombreuses failles, sur lesquelles, nous en sommes convaincus, vous serez très vite contraints de revenir.